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Quand les minorités confortent la domination

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Aux grands maux, les grands remèdes. Ceci dit, nous prenons souvent de grandes décisions pour résoudre les problèmes. Dans le cas des inégalités basées sur le sexe, la race, les appartenances religieuses etc. les causes sont souvent fruits d’une construction lente, subtile et séculaire. Pourtant, nous ne nous contentons de les combattre que par leurs effets. Aujourd’hui, la domination ne s’affirme presque plus mais maintient sa posture sous des camouflages très peu visibles mais encore plus dangereux.

En effet, ce que nous acceptons aujourd’hui est la transpiration des engrammes issus des vécus. Le traumatisme de l’identité vient par l’habitude. Nous n’évaluons pas l’effet des actions marginales auxquelles nous et nos enfants sommes exposés et que, par leur effet cumulé, des constructions fortes s’en sortiront.

Il est évident que cela puisse paraître plus stratégique et intelligente d’appeler un ennemi ‘’mon ami, mon frère’’ mais ceci devient très ridicule quand on vénère réellement cette fraternité. Reçus dans le salon des dominants, les dominés se comportent souvent en propriétaires de la maison. Ce confort peu exigeant est un choix de faciliter le statu quo par l’illusion d’un mouvement social transmissible sans transfert réel.

La lutte contre les discriminations sera vaine si nous n’attaquons pas la fabrication. Dans le rapport riche-pauvre, blanc-noir, homme-femme et autres, l’émancipation est bien trop souvent synonyme de se faire accepter, d’être comme cette autre classe dont nous déplorons la domination.

Cet effort de se convertir en ce que nous dénonçons est un travestissement de la lutte. Quand les préjugés sont supportés par des réalités, c’est que la lutte n’a été que poésie. Il n’y aura changement de paradigme social que lorsqu’on décide à briser totalement les cloisonnements socialement préétablis.

Lors du procès de Clifford Brandt, des gens ont exprimé une tristesse de voir que ce « bel homme mulâtre et riche » pourrait se trouver derrière les barreaux, comme si la couleur et la classe exigent une considération spéciale. Cela paraît trivial, mais cette sensibilité revient, toute proportion gardée, assez souvent pour ne pas être banalisée. Il nous suffit juste de regarder le phénomène de la dépigmentation en face pour mesurer l’ampleur de ce complexe.

Déjà à l’école, nous avons vécu la tyrannie de l’inégalité des sexes; comme si les aînés ont le droit de venir prendre les filles. Cette conception machiste exprime ce conditionnement des rapports femme-homme que nous propose notre société dès notre plus tendre enfance. Et plus tard, cela devient tellement subtil que son effet persiste dans la fuite des nuances. Dans l’inconscience collective, une fille doit être en couple avec un homme plus âgé, mieux coté socioéconomiquement. En effet, Les réalisations d’un homme et celles d’une femme ne se perçoivent pas de la même manière. Pour une même réalisation, on accorde beaucoup plus d’estime à un homme qu’à une femme; faisant ainsi du sexe de la personne un critère significatif de comparaison. Dès lors, se questionne-t-on, luttent-ils pour une égalité totale et impartiale entre les deux genres ou essaient-ils de se conforter en restreignant la lutte à quelques points bien définis? Ce questionnement se trouve bien étayé quand on constate que les femmes considèrent, majoritairement, de normal le fait de se marier à des hommes intellectuellement et financièrement plus avancés qu’elles; alors que le cas contraire ne devrait se tenir qu’à l’imagination. De ce fait, en restant dans ce cocon, on ne rend pas service à la recherche de l’égalité.

Le mariage du prince Harry avec Meghan Markle a rendu plus visible la conformabilité des dominés. Si certains le voient comme un repositionnement stratégique post-Brexit, d’autres encensent son aspect salutaire et gracieux. Inquiétant. Les deux approches banalisent la femme. Comme s’il suffisait à un prince de claquer les doigts pour se faire une femme et n’importe laquelle. A entendre certaines femmes, on dirait que leurs conjoints sont encore dans leur vie que parce que le prince n’a pas décidé le contraire. Généralement, ces réalités subtiles se déguisent sous forme d’un zeste d’humour pour dissimuler le fondement des attachements à la domination. Comment exiger l’équité quand on bénéficie des avantages de la domination ?

Nous devons protéger la génération future de ce mirage d’émancipation et d’un état fonctionnel satisfaisant qui, en réalité, contribue à pérenniser la domination et l’inégalité. La lutte pour une société plus juste et inclusive doit se construire dans les esprits des gens. Nous devons épouser la force de dédaigner les plats empoisonnés même quand on crève de faim.

Frantz Gardy Fils POINÇON

La rédaction de Ayibopost

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