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Opinion | Président Boniface Alexandre… Non, merci !

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C’est vous, le puissant ancien Président Alexandre Boniface, qui ne comprenez pas pourquoi les femmes n’acceptent pas la Constitution que vous avez concoctée avec votre Comité consultatif et votre président. Oui, cela vaut pour les jeunes aussi. Au fait, vous voulez notre acquiescement, à défaut notre silence.

À vous écouter vous plaindre (dans un extrait diffusé sur la radio Magik9) avec une arrogance d’homme qui a l’habitude d’obtenir tout ce qu’il veut, je mesure le vaste fossé entre vous et moi, entre vous et les femmes, entre vous et les jeunes, entre vous et nous — les Haïtiens et Haïtiennes, tout court.

Vous nous dites du haut de votre chaise dédaigneuse : « Nou fè yon bagay an favè w. » Nous vous avons fait une faveur.

Hautain, vous continuez avec insolence : « Mwen te panse nou t ap kontan. » Je pensais que vous seriez contents.

Vous allez encore plus loin dans votre suffisance pour nous demander : « Sa pou nou te fè anko pou ou? » Que devrions-nous faire de plus pour vous ?

Oui, ce grand avocat, ce grand magistrat, ce grand je ne sais plus quoi que vous soyez, dans toute votre importance comme président du comité consultatif mis sur pied par le président aujourd’hui de facto Jovenel Moïse, vous vous étonnez de notre refus de vos « cadeaux. » Malgré vos diplômes, vos hautes fonctions, votre expérience, votre pouvoir actuel, vous avez vraiment pensé que nous allions vous dire « Mèsi, mèsi, mèsi. » Vous êtes surpris de ce manque de gratitude, voire de reconnaissance, de toutes les faveurs que vous nous avez faites.

Rappelez-vous ! Ce que vous pensez nous donner en cadeau n’est que ce à quoi nos luttes vous contraignent. Nous avons mené et menons encore et toujours des combats. Nous avons d’autres obstacles à surmonter. Nous payons cher nos engagements. Les filles et les femmes sont aujourd’hui prises pour cible par des hommes armés. « Sa pou nou te fè ankò pou ou ? » Ma réponse ? Vous éduquer, vous instruire, apprendre que rien ne nous a jamais été concédé, que nos droits sont des conquêtes !

Je ne décolère pas, et je suis certaine de ne pas être la seule, depuis que nous avons entendu votre Bla Bla Bla. Pire, ces Blas étaient suivis de petits rires de l’assistance qui était, de toute évidence, tout acquise à votre cause.

C’est ridicule. C’est absurde. C’est insultant. C’est abject. Mais ce n’est pas anormal. Ce n’est pas surprenant. Pourquoi devrions-nous nous attendre à une autre attitude, un autre comportement de votre part ? Puisque nous savons qui vous a nommé et le parti qui l’a mis au pouvoir. Depuis des années, nous avons pris la mesure de leur mépris, même de leurs injures, envers nous le peuple haïtien, nous les femmes, nous les jeunes. Nous avons pris la mesure de la cassure entre eux et nous.

Et voilà. Aujourd’hui, vous êtes un puissant double président : ancien président provisoire et actuel président d’un comité consultatif, et vous défendez votre chapelle. C’est de bonne guerre. Et, vous êtes déçu de nous, les femmes et les jeunes. Votre dekabès ne vous sert à rien. Votre déception n’est peut-être pas à la hauteur de notre colère, mais je comprends que vous défendez aussi votre travail, et sans doute votre chèque aussi. Encore plus parce que vous devriez savoir que certains et certaines d’entre nous n’avons même pas lu votre document fantoche. D’autres l’ont lu diagonalement, et surtout pour constater le niveau de votre audace à parler pour nous femmes et jeunes, haïtiens et haïtiennes. D’autres n’ont même pas fait un « pete ba w santi, » comme aimait dire ma méchante grand-mère.

Votre déception est aussi peut-être parce que malgré votre pouvoir de double président, vous êtes totalement impuissant. Le mépris et l’arrogance avec lesquels vous nous adressez vos critiques font surement partie de votre manière habituelle de traiter avec ceux et celles que vous considérez être vos subalternes. Vous avez l’habitude de nous prendre pour des sots et des sottes. Je comprends justement pourquoi cela vous dérange que nous ne daignions pas nous courber devant vous pour vous remercier pour tout ce que vous avez fait pour nous. Votre « kisa nou te vle nou te fè pou wou anko » en dit long. Vous et les autres puissants comme vous faites bloc pour défendre votre projet. Les armes vous protègent, le temps pour la mobilisation de tous les secteurs de la population haïtienne de vous déguerpir de votre soi-disant pouvoir.

Votre incompréhension de notre réaction démontre également que vous êtes sourds à nos cris, à nos douleurs, à nos revendications. Nous vous disons depuis les émeutes de juillet 2018, que nous voulons d’un autre Haïti. Nous voulons koupe fache avec le système où des hommes comme vous pensez pour nous et faites pour nous. Nous rejetons votre volonté de domination. Nous rejetons votre projet de notre exclusion. Nous prenons place, pas celle que vous nous offrez, celle que nous gagnons avec nos têtes bien hautes, confiants et confiantes dans notre combat pour la justice sociale et la démocratie. Nous vous rejetons, vous et votre pouvoir.

Vous exigez notre reconnaissance. Et nous vous disons, NON, nous ne serons jamais vos laquais, vos esclaves. Non, nous n’allons pas être VOS nègres et VOS négresses. Nous n’allons pas être obéissantes et obéissants. Nous rejetons que quelques hommes puissants comme vous prétendent nous emmener bouches fermées, yeux bandés vers un néant totalitaire et fasciste.

Nous savons que vous n’avez pas honte quand vous nous dites : « mwen te panse YO t ap kontan.» Vous pouvez parler comme vous voulez. Vous pouvez râler comme bon vous semble. Vous pouvez rire comme vous pouvez. Moi, j’ai un plaisir intense à vous dire que « yo » dont je fais partie — donc nous — sommes heureux de vous humilier avec notre refus. Votre constitution est tachée de l’ignominie, trop flagrante, de votre comité et de ceux qui vous ont nommé.

La leçon que moi, humble petite fille de Port-au-Prince, vous fais est la suivante : non, merci. Nous ne voulons pas de votre mascarade de constitution. Nous ne voulons pas de vos cadeaux empoisonnés. Nous avons marre de votre mépris, de votre domination, de vos décrets, de vos sirènes, de vos gangs. Nous avons marre de votre pouvoir corrompu. Nous avons marre de vous, les puissants du jour. Nous sommes peut-être à vos yeux les faibles d’aujourd’hui, mais ne vous y méprenez pas, nous avons la loi, nous avons la vertu, nous avons la force, nous avons le courage. Nous les femmes, les jeunes, les moins jeunes, nous vous disons et je le répète : non, merci. Nous ne voulons pas de vous. Nous vous disons : partez, partez, tous. C’est fini. On respire déjà l’air frais et sain de la nouvelle Haïti rien qu’à anticiper votre départ.

Monique Clesca est une experte en communication et en développement international. Elle a une maitrise en journalisme de Northwestern University et une Licence en Philosophie de Howard University. Elle est commandeur de l’Ordre de Mérite de la République du Niger, et a reçu de nombreux honneurs en Afrique pour son travail de plaidoyer en faveur des droits des filles et des femmes. Elle est l’auteure de deux livres : un roman La Confession et Mosaïques, un livre d’essais. Ses articles ont été publiés par Le Nouvelliste, le Miami Herald, le New York Times, AyiboPost et des revues littéraires.

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