La pension de retraite est une allocation mensuelle versée par l’État aux fonctionnaires qui ont atteint l’âge de la retraite. Compte tenu des dépenses courantes d’un retraité ainsi que de l’inflation, le montant alloué suffit difficilement à assurer une vie décente.
Qu’il soit fonctionnaire de l’État ou employé du secteur privé, un travailleur cotise obligatoirement sur son salaire, pour sa pension. La pension des employés du privé est gérée par l’Office National d’Assurance Vieillesse. Celle des fonctionnaires de l’État dépend de la direction de la pension civile.
Selon un rapport de l’Office de Management des Ressources Humaines (OMRH), jusqu’au 31 décembre 2017 l’administration publique comptait 91 948 fonctionnaires de carrière. 23 429 fonctionnaires, soit 28,6 % étaient des femmes. La masse salariale brute pour l’ensemble de ces employés totalisait 2 073 228 459 gourdes.
Les employés contractuels ont aussi droit à la pension. Leur nombre pour la même période s’élevait à 25 290 pour une masse salariale de 5 731 752 888,80 gourdes soit près de deux fois celle des fonctionnaires.
Plus de la moitié des fonctionnaires publics ont plus de 45 ans. Plus de 15 % ont déjà dépassé l’âge de la retraite, mais travaillent encore. Quant aux jeunes âgés de moins de 25 ans, ils ne représentent que 1 % de l’effectif total. Selon l’OMRH, le vieillissement de la fonction publique menace, à terme, la relève.
Plus de 15 % des fonctionnaires ont dépassé l’âge de la retraite.
L’âge de la retraite est de 58 ans
La retraite est un domaine important en économie. Selon l’économiste Thomas Lalime, la théorie qui décrit le fonctionnement de la retraite est le Modèle de cycle de vie. Selon ce modèle, il y a trois périodes dans la vie d’une personne. Elle est d’abord inactive, puis active quand elle intègre le marché du travail. Un individu redevient inactif quand il cesse de travailler.
Le but de la retraite est de permettre aux travailleurs de vivre décemment quand ils ne peuvent plus vendre leur force de travail.
L’État prélève mensuellement un pourcentage sur le salaire du contribuable. Ce prélèvement lui sera reversé en pension. En Haïti, l’âge de la retraite est fixé à 58 ans par le décret du 9 octobre 2015. Il était auparavant de 55 ans. L’âge de départ à la retraite est un sujet sensible dans beaucoup de pays. Toute modification de cet âge provoque souvent de grands débats.
« Dans les pays où le système de pension est efficace, explique Thomas Lalime, les gens souhaitent se retirer dès la première année de la retraite. Pour eux, c’est le moment de voyager, de profiter de certains loisirs. Si l’État décide d’ajouter une année sur cet âge, les gens le ressentent comme une contrainte. » Dans la fonction publique haïtienne, il est difficile de partir dès la première année. Les lois haïtiennes prévoient que la pension d’un fonctionnaire ne peut pas dépasser 15 000 gourdes, sauf dans certains cas. Le minimum qu’il peut recevoir est de 5000 gourdes.
Une peau de chagrin
Cette pension est calculée à partir du salaire brut moyen des cinq dernières années du fonctionnaire, ou à partir des 6 meilleurs salaires mensuels de cet employé. 60 % de cette moyenne de salaire sont reversés à l’employé, sans dépassement de la limite fixée. D’après Thomas Lalime, cela ne peut suffire. « Il est généralement admis que la pension versée à un employé doit être au moins égale à 70 % de son salaire. Dans les pays développés, par exemple le Canada, l’État encourage les gens à épargner également. Ainsi, ils peuvent complémenter leur pension par les épargnes qu’ils ont réalisées. »
Il faut aussi compter l’inflation. 15 000 gourdes en 2000 n’ont pas la même valeur que 15 000 gourdes en 2019. À cause de l’inflation, l’argent perd de sa valeur, et diminue le pouvoir d’achat des individus.
« Dès que l’inflation dépasse 2 %, poursuit Thomas Lalime, les programmes sociaux, dont la pension, doivent être ajustés. C’est ce qu’on appelle une indexation. » Depuis des années, Haïti connaît un taux d’inflation à deux chiffres. La pension que touchent les fonctionnaires partis à la retraite n’est pas indexée annuellement.
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Lorsqu’un employé prend sa retraite, compte tenu de son âge, certaines dépenses disparaissent, mais d’autres sont plus présentes. Les dépenses en soin de santé sont plus nombreuses, généralement. Le fonctionnaire haïtien jouit d’une certaine sécurité sociale. Il a par exemple une assurance maladie de l’Office d’Assurance accidents du travail, maladie et maternité, encore valide lorsqu’il devient pensionnaire. Entre l’ Ofatma et les hôpitaux privés du pays, les rapports sont souvent conflictuels, ce qui a une conséquence sur les économies du bénéficiaire.
Le régime de pension du pays fonctionne par répartition. L’État paie les retraités en utilisant l’argent qu’il prélève sur les salaires des fonctionnaires actuels. Selon Thomas Lalime, ce système est de plus en plus contesté dans certains pays, parce qu’il n’est pas toujours viable sur le long terme.
Comment bénéficier de la pension
La pension civile de retraite est personnelle et viagère. Elle ne peut être versée à quelqu’un d’autre, sauf dans les cas prévus par la loi, et elle est accordée jusqu’à la mort de l’ayant droit. L’employé de la fonction civile doit répondre à deux principaux critères pour en jouir. Il doit être âgé de 58 ans minimum et avoir servi l’administration publique pendant 5 ans au moins. Les contractuels, les employés des organismes indépendants sont tous éligibles. 8 % du salaire du fonctionnaire sont automatiquement prélevés, et son employeur verse 8 % au fonds de pension, géré par la direction de la pension civile.
Si le titulaire d’une pension décède, 50 % de l’argent qu’il devait recevoir sera reversé entre les membres de sa famille. Son conjoint, s’il ne s’est pas remarié, et ses enfants mineurs sont les premiers bénéficiaires. Les enfants majeurs, s’ils présentent un certificat scolaire, sont aussi éligibles, jusqu’à l’âge de 25 ans. La pension concerne aussi les enfants majeurs frappés d’une incapacité absolue de travailler. Le versement de cette pension cesse à la mort des bénéficiaires ou au remariage du conjoint veuf.
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Dans certains cas, le fonctionnaire peut bénéficier de la pension avant l’âge légal de 58 ans. Si dans l’exercice de ses fonctions il est frappé d’incapacité à travailler, il est éligible à une rente anticipée. Sa pension sera calculée selon le nombre d’années qu’il lui restait à fournir.
Certaines exceptions sont prévues par la loi dans le cadre de la pension. Le décret du 9 octobre 2015, pris sous la présidence de Michel Joseph Martelly, modifie les montants pour des catégories de fonctionnaires. Le président de la République bénéficiait de 60 000 gourdes de retraite. Ce montant est désormais une allocation de 250 000 gourdes par mois, versable à la fin de son mandat. Le Premier ministre, au terme de son service, bénéficie de 150 000 gourdes mensuelles. Un sénateur ou un député âgé de 58 ans reçoivent respectivement 15 000 gourdes et 12 000 gourdes par mandat.
Le président de la République a une allocation de 250 000 gourdes par mois.
D’autres fonctionnaires comme les instituteurs, les infirmiers ou auxiliaires, sont éligibles à une pension ne dépassant pas 20 000 gourdes, à partir de l’âge de 50 ans. Les agents de police, les anciens militaires devenus policiers bénéficient eux aussi d’exception pour leur pension. La pension est annulée pour tout fonctionnaire condamné pour crime, vol, abus de confiance ou escroquerie.
Jameson Francisque
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