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Chimère

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Ada pensa à un moment à rebrousser chemin durant un instant mais finit par se résigner à entrer dans le restaurant où se tenait la fete. Jonathan vint à sa rencontre dès qu’il la vit à la porte.

Quelqu’un l’aurait-il regardé à ce moment-là qu’il aurait vu la plus jolie fille qui existât. Pas parce qu’elle avait les meilleurs traits mais parce que son visage irradiait d’amour pour cet homme. Exprimer ses sentiments n’était pas son fort mais son visage ne cachait jamais ses sentiments. Etrange, toutefois, le pouvoir d’un simple sentiment! Son visage cerné et triste s’était transformé en un soleil rayonnant en le voyant marcher vers elle.

Elle regarda furtivement autour d’elle en souhaitant ne tomber sur aucune de ses connaissances parce qu’elle n’avait pas eu le courage de dire qui elle venait retrouver à cet happy hour. Chez elle, elle avait juste pretexté un pot entre collègues. A ces derniers, elle avait prétendu vouloir passer un vendredi tranquille chez elle. Si d’aventure, quelqu’un avait réalisé qu’elle accordait une autre chance à cet homme, personne n’aurait compris. Et d’une certaine facon, elle n’aurait pas pu l’expliquer, non plus. Elle savait tout simplement que c’était ce que son coeur lui demandait. Et, elle avait décidé de le suivre tant bien que mal….

Ada refusa gentiment le joint qu’il tentait de lui passer. Elle en était déjà à son deuxième verre d’ameretto et le stress accumulé au cours de la journée juste à la pensée de cette rencontre suffisait déja à la rendre nerveuse. Pas besoin d’hallucinogène pour la transporter vers d’autres cieux. D’ailleurs, elle n’aurait pas voulu oublier un quelconque souvenir de ce moment.

Cette relation avait eu bien plus de bas que de haut mais; ce qui l’avait retenu attachée, c’était les débuts de cette relation. C’était bien avant toutes ces filles, avant toutes ces déceptions. Cela avait été également l’impression de quelque chose de différent mais les larmes avaient vite pris le pas car il avait changé. Elle n’avait rien dit, un peu par innocence mais aussi par fierté. Et ce soir, il revenait vers elle sans explication mais il revenait vers elle. A cet instant, blottie au creux de ses bras, c’était suffisant pour elle. Perdue dans ses pensées et dans l’incertitude de ce moment, elle ne voulait pas se questionner. Elle avait peur mais elle tenterait sa chance. Elle se contenterait de cet instant. Forte de cette resolution, elle décida de se laisser aller et de vivre l’instant présent danse après danse.

Et la soirée se déroula bien, lui essayant de se rendre agréable, elle essayant d’enregistrer les moindres souvenirs de cet instant partagé. A un moment donné, elle en arriva meme à bénir les épreuves endurées au cours des mois précédents, un peu comme si c’était une préparation à cette épiphanie qu’elle vivait. Il se montrait très entreprenant et ouvert, il blaguait et il l’entourait d’attention. Elle se contenta de hocher la tête quand il s’excusa auprès d’elle pour aller saluer le disc jockey qui était une connaissance. Elle le regarda s’éloigner toujours perchée sur son petit nuage d’amour duquel elle ne voulait plus descendre. Mais la vibration persistante du téléphone capta son attention et elle sentit le poids du doute lui revenir d’un coup. Mais elle se reprit rapidement car après tout, il avait laissé son téléphone à portée de main. Pas de raison de s’inquiéter. Mais le passé lui avait fait payer chèrement ses excès de confiance. Les plaies béantes passées étaient trop récentes pour être ignorées. Elle prit le téléphone et réalisa qu’il y avait un code de restriction dessus. Au plus profond d’elle, le soulagement était palpable mais ce fut de courte durée car le cellulaire vibra une fois de plus et elle osa prendre l’appel. Elle n’eut pas le loisir de parler car l’interlocuteur à l’autre bout de la ligne s’empressa de formuler les mots qui feraient eux aussi partie de ses souvenirs pour cette soirée.

“Chéri kote w ye konsa? Map tann ou lakay ou…”

D’un coup, la réalité la frappa sans filtre. Elle se retrouvait encore une fois à donner une chance à un homme qui avait passé des mois à lui mentir ou à rester invisible et silencieux dans sa vie. Même le choix du restaurant situé dans les hauteurs de la ville lui paraissait plus une cachette qu’autre chose. Elle termina l’appel sans prendre la peine de répondre. Elle redéposa l’appareil à sa place soucieuse de ne pas faire d’esclandre. Quelques instants plus tard, Jonathan revint et tandis qu’il se frayait un chemin vers leur emplacement, elle le détailla pensivement. Elle n’arrivait toujours pas à mettre le doigt sur ce qui l’attirait autant chez lui. Etait-ce son coté extraverti qui allait si bien avec sa personnalité d’introvertie? Etait-ce le fait que ses mensonges sonnaient exactement comme ce qu’elle aurait dû entendre pour de vrai? Elle n’aurait su le dire mais lorsqu’enfin, il la rejoignit, ce fut une Ada sereine qu’il retrouva.

Il l’entraîna sur la piste une fois de plus car le DJ avait recommencé avec les hits compas de la saison et là dans ses bras, elle se recompara à quelques heures plus tôt où elle avait cru voir enfin son tour d’être heureuse arriver. Avait-il une once de remords à vouloir mener une double vie? Une vie où il faisait croire à chaque femme qu’elle était l’élue de son coeur? Corps entrelacés sur la piste, elle se demanda si cette autre femme dont la voix sonnait si limpide avait eu droit au parcours du combattant tout comme elle. Ramper sans jamais savoir ce qui en résulterait. Sans crier gare, Jonathan la fit tournoyer  et en profita pour lui voler un baiser langoureux qui invitait à beaucoup plus. Malgré elle, elle sentit son corps répondre sans aucune retenue. Elle en eut honte mais elle ne se déroba pas au corps pressé contre le sien.

Etait-ce l’alcool ou autre chose, il n’en fut pas moins qu’elle suivit Jonathan docilement quand il lui prit la main et ensemble, il se rendirent dans les toilettes des hommes. Il n’y avait pas grand monde et il l’attira à l’intérieur tout en fermant la porte à double tour. C’aurait été le moment propice pour le gifler et lui crier sa rage et son indignation. Comment avait-il pu penser une fois de plus jouer avec elle et faire d’elle sa victime encore une fois? Mais rien n’y fit. En ce moment précis, c’était seulement la voix du désir qui l’envoûtait. Oui, elle avait encore envie de cet homme malgré tout. Alors, elle se laissa faire malgré que son coeur venait de se briser lorsqu’il la poussa contre la porte. Ce n’était pas l’amour que Jonathan lui ferait là dans cet espace mais elle le recevrait en elle avec toute la fougue de ses sentiments. Ce n’était pas par amour qu’il lui avait susurré ces mots doux tout au long de la soirée mais qu’importe. Elle avait besoin de son corps contre elle, de le sentir en elle malgré son manque de tendresse dans un moment qui aurait pu être magique pour eux deux, eusse t-il été un moment sincère. Oui, à ce stade, elle prendrait toutes les miettes qu’il lui jetait et si c’était du sexe, alors, ca aussi, elle le prendrait. Malgré certains clients qui essayèrent de venir frapper à la porte de temps en temps, le couple oublia le monde extérieur pour se concentrer sur leur désir.

Et lorsqu’enfin, Jonathan lui fit atteindre le sommet du plaisir, les deux s’effondrèrent contre la porte par terre, l’un sur l’autre. Ada fut la première à se ressaisir et se leva pour se tamponner le visage d’eau. Son reflet au travers du miroir lui montra que quelque chose avait changé en elle. Elle aida Jonathan à se relever et en profita pour débloquer la porte pour sortir. Elle faillit se heurter à un client éméché qui poussa un juron en réalisant qu’une femme sortait de la toilette des hommes. Vu son aspect défait, il était facile de deviner ce qui se venait de se produire. Mais elle n’en eut cure… Elle ne se tourna pas et décida de se diriger directement vers la sortie.

Ce soir, elle n’avait pas été une victime. Elle avait pris ce qu’elle voulait sur le moment malgré qu’il s’était joué d’elle et de son innocence. Elle avait pris pour une fois au lieu de donner. Elle avait satisfait son désir de femme. Oui, ce n’était qu’une petite victoire éphémère mais c’était mieux que rien. Elle aurait pu éclater en sanglots et l’injurier mais non, elle avait préféré reconnaître sa défaite tout en tirant parti au travers de son corps assoifé de tendresse de quelque forme que ce soit.

Au moment de démarrer, elle se sentit un peu mal de le laisser seul sans moyen de rentrer et avec la note entière à payer mais elle haussa les épaules et finit par s’en aller. Il s’en remettrait ou laverait les assiettes…. Après tout, il avait voulu que leur rencontre soit dans les hauteurs de la ville, à lui donc de se débrouiller.

Ce n’était plus de son ressort de se soucier des déboires de cet homme. Elle avait fini de lire toutes les pages de ce livre à compter de ce soir.

 

Meg Jean

 

I am just a girl in love with coffee crossing life with her ups and downs. I prefer to let people have their own idea about who I am. I am also a humanitarian worker and I love to discover new culture and new people. I want my writing to touch people and make an impact in their life.

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