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Unfinished business

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On était un vendredi. Je me suis levée de bonne humeur et ma journée s’annonçait bien. Je choisis de porter une couleur sombre pour aller au boulot, la noire: pourquoi pas ? Tenue simple, vêtue de noir, un brin resplendissante sans trop en faire, mon sourire le plus charmeur complète mon accoutrement. J’allais rencontrer cet homme que j’ai connu récemment, il y a je dirais un peu plus d’un mois. Concentrée devant mon ordinateur, mes pensées convergeaient vers lui par moment. Je jettais de furtifs coups d’œil à mon mini réveil de bureau. J’avais hâte qu’il soit 19 heures pour finalement se retrouver, vraiment, pour la première fois, seul à seul, face à face.

J’avais pensé à un espace paisible, un coin retiré de la ville, en train de trinquer à notre nouvelle amitié, mais Monsieur préférait le cocon de sa demeure. Je feignis d’être outragée qu’il me donnât rendez-vous chez lui. Mais entre nous, l’idée était loin de me déplaire. Plus je surveillais l’écran de mon réveil, plus je trouvais le temps long. Alors, je décidai d’y mettre un terme en me tuant à la tâche puisque je bouillonnais trop d’impatience.

C’était bien la première fois que je choisissais de m’offrir à la gueule du loup. L’attirance est mutuelle et transpire dans nos conversations. J’imaginais déjà trop bien comment s’achèverait ma soirée, notre soirée. Ce soir, le jeu du chat à la souris prenait fin.

Ma conscience me fouettait sévèrement. Je n’étais pas du genre à commettre des écarts de conduite, des impairs mais aujourd’hui, Armand était bien le dernier de mes soucis. Je n’avais pas de preuves qu’il était toujours en répétition, ou qu’il était même à Port-au-Prince, qu’il était fidèle et ne retroussait pas des jupes ailleurs. Ma dernière relation m’avait détourné de la femme sage et fidèle que j’étais. J’avais fini par comprendre qu’on avait beau être des perles rares, la droiture personnifiée, la femme dévouée corps et âme à son homme, être l’amoureuse transie, que certains hommes te cocufieraint sans l’once d’un remord, sans réfléchir. Alors pourquoi, moi, devrais-je me torturer à l’idée de me faire toucher par un autre ? La vérité, c’est qu’on en mourrait d’envie tous les deux. Au diable donc nos partenaires respectifs !

La nuit allait nous appartenir.

Il est 6h30p.m. Mon portable sonne. C’est son nom sur l’écran. Un sourire se dessine sur mes lèvres. Monsieur est ponctuel.  Il avait promis de m’appeler une demi-heure à l’avance pour me donner son adresse. Heureusement qu’il n’y avait pas de bouchons, j’étais sûre d’y être à l’heure.  A vrai dire, dix minutes en avance mais qu’importe….

J’étais là. Je gravissais les escaliers, prenant mon temps, comptant les marches au passage; une astuce pour chasser le stress qui s’emparait de moi. Je le rencontrais enfin. Je lui fis une bise timide sur la joue, fuyant quelque peu son regard. Balbutiant une conversation, il m’a invité à le suivre jusqu’à ce que nous arrivions à sa chambre. Il m’offrit du vin et du chocolat. Il connaissait mon penchant pour l’alcool et apparemment mes goûts. Bien calculé n’est-ce pas ? Le chocolat est un excitant.

Ce soir, ni Armand, ni Valérie n’existent. Le vin aidant, je suis aussi détendue et sereine qu’une petite poule qui a trouvé son « malfini ». Allongée sur le ventre, en oblique dans son lit, je lisais le résumé d’un livre qu’il m’avait passé.  Lui, il était calme. L’air posé, le regard sournois, le sourire suspect, il savait ce qu’il faisait. Il s’était couché sur le dos et en installant confortablement sa tête sur mes fesses. J’avais pouffé de rire. C’était fou la facilité avec laquelle nous sommes devenus familiers. Je dois l’avouer, il me plaisait énormément.

On n’avait rien prévu de spécial. Les heures s’égrenaient entre les fous rires, autour de nos échanges suite à la découverte de notre appréciation mutuelle pour la plume, pour les ouvrages au style lourd, pour les films d’action et d’horreur, pour la musique. Tant de points communs nous liaient: nos âmes étaient si indéniablement artistiques.

Je ne me rappelle pas exactement quand, ni comment, on avait perdu le fil de nos débats intellectuels. Tout ce dont je me souviens, ce sont ses dernières paroles prononcées avec tant de sensualité et d’audace, rapprochant ses lèvres plus près des miennes : « comment veux-tu que je résiste à une personne avec qui j’ai tant de points communs, portant ma couleur favorite, aimant accoucher ses pensées autant que moi et qui a de si beaux yeux ? »

Comme par magie, je me retrouvai en dessous de lui, mains enlacées, sa bouche provoquant un lent mouvement de succion dans mon cou. Ce fut fait avec un tel art que je gémis, répondant sans réserve aucune à ses caresses et ses baisers. On s’embrassa avec fougue. J’enlacai sa taille de mes jambes et lui susurrai à l’oreille, la voix hachée par le désir : This is so wrong but it feels so right. I can’t help it, I want you. 

Voilà ! Les dés étaient jetés. Cet aveu, sorti de ma bouche avec une telle aisance, me laissa moi-même abasourdie. Il me répondit le plus calmement du monde, d’un ton quelque peu moqueur : « Don’t think about it.» Cela devait faire une demie heure que nos souffles étaient à l’unisson, que nos langues se cherchaient, qu’il titillait mes mamelons jusqu’à en torturer mes sens. J’avais presqu’envie de crier dans l’espoir de voir mon jean défait tellement mon excitation était à son paroxysme.

A cet instant magique de la soirée, au moment même où il s’attaquait à sa braguette, les anglais débarquèrent pour tout gâcher, me laissant pantelante et brûlante d’un désir inassouvi.

De nous deux, j’étais la plus dépitée et ma mine boudeuse était si visible qu’il se moqua gentiment de moi en riant aux éclats.

On prit le temps de se découvrir encore un peu, je lui montrai mes talents de danseuse avec des tours de hanches assez vertigineux avant qu’il ne me raccompagnât à ma voiture aux environs d’onze heures.

   –    Dommage que tes soldats soient venus nous attaquer, me dit-il en reprenant mes lèvres.

Je souris malicieusement en me disant que ce n’était que partie remise, mais je me surpris à répondre tout haut :

 » Don’t worry love; it’s just an unfinished business…. »

 

Nayah Zee Allen

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