Les ordres d’arrêt de déploiement ont été prolongés jusqu’à l’audition et la décision finale sur la pétition, le 9 novembre prochain
L’interdiction d’envoyer des soldats kényans en Haïti est maintenue jusqu’au 9 novembre prochain, a décidé la Haute cour de justice du Kenya ce matin du 24 octobre 2023.
La cour répondait à une pétition visant à interdire l’envoi de troupes en Haïti. Cette pétition a été introduite par le parti politique Alliance troisième voie dirigé par Ekuru Aukot et d’autres personnalités kényanes.
«Les ordres d’arrêt de déploiement ont été prolongés jusqu’à l’audition et la décision finale sur la pétition. Pour nous, c’est une nouvelle victoire qui préserve la Constitution», fait savoir le Dr Ekuru Aukot à AyiboPost ce mardi.
Dans l’attente d’une ordonnance en sa faveur en vue d’arrêter définitivement la mission, le constitutionnaliste Aukot espère que les autorités haïtiennes respectent la Constitution de leur pays également. Il soutient que «le Premier ministre [Ariel Henry] n’est pas légitime et ne peut pas faire une demande [d’intervention], car il n’a aucune autorité constitutionnelle pour le faire».
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Pour Eric Theuri, président du Law Society of Kenya (LSK) cette décision de la cour est importante parce qu’elle est «essentiellement une remise en cause du pouvoir du président de prendre une direction qui n’est pas soutenue par la Constitution. Seuls des militaires, et non des policiers, peuvent être déployés à l’extérieur du pays selon la loi mère».
Dans l’attente d’une ordonnance en sa faveur en vue d’arrêter définitivement la mission, le constitutionnaliste Aukot espère que les autorités haïtiennes respectent la Constitution de leur pays également.
Depuis que le Kenya s’est désigné pour présider une force d’appui à la sécurité en Haïti à la fin du mois de juillet dernier, une controverse consume ce pays. Le lundi 9 octobre 2023, la haute cour de justice kényane a bloqué provisoirement l’initiative.
Cependant, le 13 octobre 2023, le cabinet ministériel du Kenya a quand même ratifié le choix du gouvernement du président William Ruto d’envoyer des policiers sur le territoire haïtien, malgré les questions d’inconstitutionnalités soulevées devant la haute cour de justice.
Entre temps, le recrutement de personnels pour la mission se poursuit, selon des sources au courant de ces actions au Kenya.
Parmi les recrues figurent des officiers de forces spéciales, 35 chauffeurs, 6 spécialistes en langue des signes, 12 prêtres et pasteurs ainsi que 8 mécaniciens.
Cependant, le 13 octobre 2023, le cabinet ministériel du Kenya a quand même ratifié le choix du gouvernement du président William Ruto d’envoyer des policiers sur le territoire haïtien…
L’ONU a autorisé le déploiement d’une force étrangère dans le pays au début du mois d’octobre par suite d’une demande formelle du chef du gouvernement de fait, Ariel Henry, un an avant.
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Cette décision engendre des réactions diverses dans les milieux ruraux du pays, progressivement sous l’emprise des gangs armés.
Depuis plus de deux ans, les points de passage menant vers le grand sud du pays se retrouvent contrôlés par des bandes armées qui s’en prennent également au trafic maritime.
Père de sept enfants, Montrevil Chaperon cultive une petite parcelle de terre non loin de la ville des Cayes, à la ruelle de Dexia 6 prolongée. En ce mois d’octobre, l’homme regarde avec fierté ses bananiers, les patates douces et le manioc de son jardin. Ses efforts pour faire pousser le maïs ont été stoppés par les rongeurs.
«Le pays n’appartient pas aux forces étrangères, c’est à nous de nous mettre ensemble pour résoudre nos problèmes», dit l’agriculteur qui se positionne sur l’éventuelle intervention d’une force multinationale en Haïti.
Le pays n’appartient pas aux forces étrangères, c’est à nous de nous mettre ensemble pour résoudre nos problèmes.
Chemise blanche tachée et trempée de sueur, Chaperon s’exprime avec énergie. «Ce n’est pas la première fois, on a eu plusieurs interventions étrangères dans notre histoire, mais rien n’est différent : c’est à nous de rechercher ce qu’on veut pour le pays», déclare le sexagénaire.
Chaperon se considère comme une victime de l’insécurité, puisque ses proches dans la capitale ont été obligés de fuir leurs maisons. «Certains se retrouvent dans des écoles [à Port-au-Prince] ou dans d’autres endroits pour se protéger des feux des bandes armées», témoigne l’agriculteur.
Chaperon responsabilise Ariel Henry qui, selon lui, «joue le sourd et l’aveugle». «Le pays n’est pas dirigé», affirme Montrevil Chaperon qui ne cesse de tourner son téléphone en rond dans le ciel, à la recherche de signal.
Ce n’est pas la première fois, on a eu plusieurs interventions étrangères dans notre histoire, mais rien n’est différent : c’est à nous de rechercher ce qu’on veut pour le pays.
D’autres, dans le Sud, comme Douyon Jean Roberson, se versent dans le fatalisme. Le jeune professionnel du secteur agricole entretient toute une gamme de culture dans sa petite cour entourée de fil de fer.
«On était toujours sous le couvert d’une force étrangère, sous l’occupation, cette intervention ne doit pas être une surprise pour nous», dit l’entrepreneur, mettant la population en garde contre les risques de maladies, les abus sexuels, les vols et pillages que peut occasionner la venue de forces étrangères dans le pays.
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La dernière intervention militaire étrangère en Haïti a été l’œuvre des Nations Unies entre 2004 et 2017. Si le pays s’est sensiblement stabilisé pendant la présence des soldats, l’insécurité a repris son cours sous les administrations de Michel Joseph Martelly et de Jovenel Moïse. La mission a laissé un lourd passé de violations de droits humains et l’introduction du choléra en Haïti qui a réclamé la vie d’au moins 10 000 citoyens.
On était toujours sous le couvert d’une force étrangère, sous l’occupation, cette intervention ne doit pas être une surprise pour nous.
Au bas-Artibonite, l’insécurité bas son plein depuis tantôt cinq ans. Dans cette riche région fertile du pays, tout est paralysé : des entreprises cessent de fonctionner, des paysans sont forcés d’abandonner leur terre au profit des bandes armées, sans oublier les nombreuses exactions commises par les gangs.
À Dessalines, la situation s’avère catastrophique, selon des témoignages recueillis par AyiboPost. En pleine période de récolte du riz, l’absence de la main-d’œuvre se fait sentir, le prix du riz baisse considérablement sur le marché, l’accès au marché de l’Estère et de Pont-Sondé reste bloqué.
Aletude Olistin est agricultrice, une activité qu’elle pratique depuis quelques années. Si l’insécurité affecte énormément le fonctionnement de cette mère de famille, elle ne voit pas de bon œil une intervention étrangère.
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«On ne peut pas espérer grand-chose d’une force multinationale», déclare Olistin. Cela peut toujours procurer un apaisement, mais la situation restera inchangée», lance la dame pour qui la réponse aux problèmes du pays devrait être haïtienne et provenir du côté de l’État et de l’université.
Camilus Flaubert, agriculteur à Dessalines qui voit ses récoltes de riz exposés à vil prix, reste très acide à cette idée d’intervention. Pour lui, la force multinationale ne va pas changer les données et la solution doit venir d’une «solidarité haïtienne».
On ne peut pas espérer grand-chose d’une force multinationale. Cela peut toujours procurer un apaisement, mais la situation restera inchangée.
Selon un sondage sorti en février 2023 par le Diagnostic Development Group et financé par l’Alliance pour la gestion des risques et la continuité des activités (AGERCA, un regroupement d’associations patronales), près de 70 % des Haïtiens seraient en faveur du déploiement d’une force internationale pour combattre l’insécurité en Haïti.
Par Jérôme Wendy Norestyl et Jabin Phontus
Image de couverture : Des soldats kényans ont été déployés dans le cadre de la force régionale de la Communauté d’Afrique de l’Est en République démocratique du Congo orientale. © Thomas Mukoya/Reuters
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