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Les avantages du maïs pour combattre la crise alimentaire en Haïti

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Selon une étude, le maïs local reste compétitif par rapport aux grains importés

Toute politique publique susceptible de combattre effectivement la grave crise alimentaire auquel fait face Haïti devrait prendre en compte les multiples avantages du maïs, selon des spécialistes interrogés par AyiboPost.

«Adapté au climat tropical, le maïs peut être cultivé presque partout en Haïti», analyse l’ingénieur-agronome Jean Luc St-Pierre, coordonnateur à l’organisation Promotion pour le Développement (PROMODEV).

Maïs et céréales dans une assiette en argile, posée à plat sur une table en bois. | © freepik

Le maïs n’est pas forcément saisonnier comme certaines autres plantes. Dans les zones irriguées, on peut faire jusqu’à trois récoltes du produit en une année. Et dans les zones sous régime pluvial, la campagne de printemps établie entre mars et juillet demeure le meilleur moment pour sa culture.

Adapté au climat tropical, le maïs peut être cultivé presque partout en Haïti.

Le rendement important constitue l’autre avantage du maïs. Selon la variété et la fertilité du sol, il faut quatre à dix tonnes de maïs sur un hectare de terre.

En fait, la moitié des communes du pays consacre plus de superficies pour la production de maïs qu’elles ne le font pour les autres cultures. D’après une enquête sortie en 2009, les communes de Hinche, de Jean Rabel et de Saint-Michel de l’Attalaye venaient en tête de liste en termes de superficie cultivée en maïs avec respectivement 18,000, 12,200 et 12,000 carreaux.

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La capacité du maïs de produire dans toute Surface agricole utile (SAU) fait de lui la céréale ayant une plus forte production en Haïti. Il peut se produire dans les plaines comme dans les montagnes à l’exception des terres marécageuses et dans les sols salins.

Le maïs n’est pas forcément saisonnier comme certaines autres plantes. Dans les zones irriguées, on peut faire jusqu’à trois récoltes du produit en une année.

«Sur une période de dix à douze semaines – soit 2 mois et demi à 3 mois – des variétés précoces de maïs peuvent être récoltées, indique Jean Luc St-Pierre. Par exemple avec la variété Comayagua en station expérimentale, le Ministère de l’Agriculture, des Ressources naturelles et du Développement rural avait produit quatre à cinq tonnes par hectares de maïs.»

D’après la Coordination nationale de la Sécurité alimentaire (CNSA), 250 000 à 300 000 hectares sont fertiles à la plantation du maïs et la production annuelle s’élevait en 2013 à 350 000 tonnes.

Si aujourd’hui la production régresse à cause de la sécheresse et de l’insécurité qui affectent plusieurs zones du pays ces dernières années, «chaque commune dispose en moyenne de cinq hectares de terres favorables à la production du maïs», confirme l’ingénieur-agronome St-Pierre, spécialiste en production intégrée et préservation des ressources naturelles.

La capacité du maïs de produire dans toute Surface agricole utile (SAU) fait de lui la céréale ayant une plus forte production en Haïti.

4,9 millions de personnes sont en insécurité alimentaire aiguë et nécessitent urgemment une assistance humanitaire, d’après le rapport de mars 2023 de la CNSA. Le renforcement de la culture du maïs pourrait être une alternative.

Une enquête de 2020, publiée dans les colonnes d’Études caribéennes, sur la concurrence entre le maïs moulu local et deux marques de maïs moulu importé (Gourmet, venant des États-Unis au moment de l’enquête et Gradoro, importé de la République Dominicaine) a montré que le maïs haïtien est compétitif du point de vue du prix par rapport aux deux marques de maïs moulu importé. Quant à l’appréciation de qualité par les consommateurs, le maïs moulu local est plus compétitif par rapport à celui importé, sauf sur les marchés proches de Port-au-Prince, selon Alix Daméus et Rival Valcin, auteurs de l’étude.

C’est aussi pourquoi l’agronome Jean Luc St-Pierre propose à l’Etat haïtien de mettre en place des conditions de production en donnant des semences de qualité aux paysans, en facilitant l’irrigation des terres agricoles et en réparant les systèmes d’irrigation, en vue d’accroître les productions.

Une enquête de 2020 […] a montré que le maïs haïtien est compétitif du point de vue du prix par rapport aux deux marques de maïs moulu importé.

En Haïti, il existe près de dix façons différentes de consommer le maïs. Dans la liste, l’on retrouve le maïs moulu, maïs verts (bouillis ou boucanés), la farine, le pop-corn, les corn-flakes et quelques autres expérimentations comme le jus de maïs, le vin de maïs, le pain de maïs, etc. À cela s’ajoute l’importance de ce produit pour l’alimentation du bétail.

La farine de maïs constitue une alternative à la farine de blé, car elle apporte une quantité de calories à peu près égale.

Les grains de maïs présentent également l’intérêt d’un pourcentage de farine plus élevé (30 à 40% du poids) que les grains de blé. De plus, la farine de maïs contient beaucoup plus de fibres alimentaires et de vitamines B que celle de blé, selon une recherche scientifique sortie en 2012.

Certains projets avaient visé le renforcement de la culture du maïs en Haïti.

Vers les années 1980, avec l’appui du Centre International d’Amélioration du Maïs et du Blé (CYMMIT), le MARNDR avait réalisé des expériences avec des variétés à haut rendement comme La Maquina, Chicken Corn, Comayagua, hybride HP pour renforcer la production du maïs dans le pays. La production a passé de 800 à 1000 kg par hectare à 4,5 tonnes l’hectare en station expérimentale et 3 tonnes par hectare dans les conditions paysannes.

Les grains de maïs présentent également l’intérêt d’un pourcentage de farine plus élevé (30 à 40% du poids) que les grains de blé.

La situation est bien différente aujourd’hui. La sécheresse, l’une des manifestations du réchauffement climatique, affecte grandement les jardins de maïs dans certaines zones du pays.

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Raymond Servius, un cultivateur de Duval, localité de la troisième section de la commune de Verrettes, dans le Bas-Artibonite, explique à AyiboPost les difficultés de ces dernières années.

«Grâce à une partie de terre irriguée, nous arrivons à faire au moins une récolte de maïs par année dans la zone», déclare Servius.

Mais «toutes les terres cultivables de la zone ne sont pas irriguées», analyse le planteur. Généralement, tout passe bien au commencement de la saison pluvieuse en avril, dit le paysan. Mais, en approchant la phase de reproduction du maïs, fin-juin et début juillet, le manque de pluie affaiblit parfois le rendement des récoltes.

Par Rolph Louis-Jeune

Image de couverture : un garçon travaillant dans un champ de maïs |  © freepik


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Louis-Jeune est journaliste à AyiboPost depuis avril 2023. Il a fait des études en philosophie et en science politique à l'Université d'État d'Haïti.

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