La conservation d’une variété pour garantir la pureté variétale d’un riz relève de la responsabilité de l’État, affirme l’agronome Volny Paultre
Haïti a encore cinq ans pour sauver le riz « Madan Gougousse ». C’est l’estimation de l’agronome Volny Paultre, président de la Fondation haïtienne pour l’Agriculture et la Relance de l’Économie et ancien assistant du représentant en Haïti de l’Organisation des Nations-Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).
Cultivé particulièrement dans la vallée de l’Artibonite, « Madan Gougousse » est connu pour sa qualité, son goût distinctif et ses rendements importants. Les plantations de la variété connaitront une baisse de production qui s’est accentuée considérablement avec l’attaque foudroyante d’une maladie nommée la paille noire, entre 1998 et 2000, selon l’agronome Paultre, ancien directeur de l’Organisme de Développement de la Vallée de l’Artibonite (ODVA) entre 1986 et 1990.
Madan Gougousse est connue au niveau international sous le nom scientifique de « dawn ». Ce riz fait partie de la catégorie des riz à grains longs. Caractérisés par leur taille, ces riz ont des grains d’une longueur supérieure à deux fois leur largeur et ils possèdent des grains souvent plus longs et plus minces que les autres variétés.
Les plantations de la variété connaitront une baisse de production considérable en marge de l’attaque foudroyante d’une maladie nommée la paille noire, entre 1998 et 2000.
Avec une texture légèrement ferme et non collante après la cuisson, le riz à grain long a souvent un arome de noisette ou de noix, ce qui lui donne une saveur subtilement parfumée. Ayant une teneur en amidon plus faible que les autres variétés de riz, il possède une consistance plus légère et plus sèche.
C’est entre 1970 et 1971 que le feu agronome Gustave Ménager surnommé « Gougousse », a introduit en Haïti les premiers échantillons de la semence de riz de la variété dawn en provenance des États-Unis. Le riz fut rebaptisé à son arrivé, sous le nom de Madan Gougous, d’après l’agronome Volny Paultre. Ménager était le directeur de la Division de Développement communautaire de l’Hôpital Albert Schweitzer du « Grant Foundation » de la commune de Deschapelles à l’époque.
« Le Madan Gougousse est apparu dans un contexte où la variété de riz nommé Rex Oro, qui appartenait à la même catégorie de riz à grains longs avait commencé à perdre ses niveaux élevés de rendements en raison, entre autres, de la détérioration et de la baisse de la qualité des semences », informe l’agronome Paultre.
« Le Rex Oro était considéré comme un riz de luxe, il était plus cher que les autres variétés sur le marché, continue le spécialiste. Le Madan Gougousse donnait non seulement un meilleur rendement, mais aussi, il était à la portée de nombreux consommateurs. Le Madan Gougousse a intégré et rapidement dominé la production haïtienne de riz à grains longs grâce à ses caractéristiques particulières ».
La variété donnait à l’époque deux à trois tonnes par hectares. Les plantations les plus productives allaient jusqu’à 4,5 tonnes par hectares à chaque récolte sur une période de quatre mois.
La culture du riz Madan Gougousse prend son essor dans la vallée de l’Artibonite en particulier entre 1971 et 1975.
Puis, la maladie de la paille noire surgit et ravage les rizières. L’ingénieur agronome Louis Férère Jean-Charles faisait partie de la délégation devant dresser l’état des lieux de la situation à cette époque. Il affirme à AyiboPost que : « Le rendement était tellement dérisoire pour toutes les variétés de la vallée que les agriculteurs ne pouvaient même pas récolter deux tonnes de riz par hectares ».
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Les caractéristiques de la maladie de la paille noire comprennent des taches brunes ou noires sur les feuilles et les tiges. Cette maladie fongique infectait les plantes à tous les stades de leur croissance, raison pour laquelle il est important de commencer les traitement préventifs depuis la pépinière.
« Après avoir étudié chaque parcelle à la loupe en laboratoire en République Dominicaine, on a pu comprendre qu’il s’agissait du ravageur agricole « Steneo Tarsonemus Spinkii » », déclare à AyiboPost l’agronome Jean-Charles du haut de ses 50 ans d’expérience dans le milieu agricole haïtien.
Le «Tarsonemus Spinkii» se nourrit de la sève des feuilles ainsi que des panicules naissantes. « Pour combattre la maladie, on utilisait de l’insecticide, notamment les molécules de Profenofos, utilisés depuis la pépinière jusqu’à la préfloraison », assure Jean-Charles.
La production du riz « Madan Gougousse » est presque insignifiante aujourd’hui. « Son goût, sa couleur, son odeur, enfin ! Je ne m’en rassasiais jamais », déclare avec regret Luclès, un homme de 65 ans, ancien résident de Gonaïves.
Pourtant, ce n’est pas la maladie de la paille noire qui a causé la disparition du riz Madan Gougousse sur le marché. Selon l’agronome Volny Paultre, « c’est plutôt d’une part le non-maintien et la non-protection de la pureté variétale (ou encore la conservation du parent de la semence qui n’a pas été effectuée), et d’autre part la concurrence avec l’apparition d’autre variété à grains longs, avec des potentiels plus performants que la Madan Gougousse. Car, toute variété issue de croisement est sujette à la dégénérescence par suite de l’érosion ou ségrégation des caractères au fil du temps », déclare l’ancien assistant du représentant de la FAO.
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La pureté variétale est un terme utilisé en agriculture pour décrire la pureté génétique d’une variété végétale donnée. Pour obtenir une pureté variétale importante selon Paultre, on doit travailler à travers un processus de sélection rigoureux et contrôlé afin d’obtenir une lignée pure.
La variété d’un riz peut évoluer et dégénérer à cause de plusieurs raisons, dont la culture à proximité d’autres variétés, causant les croisements pouvant altérer la pureté de la variété originale et conduire à une dégénérescence de la variété, selon Paultre.
Ensuite, il existe la dégradation génétique lorsqu’au fil du temps, la variété peut subir des changements génétiques aléatoires, tels que des mutations pouvant altérer ses caractéristiques. Si ces changements ne sont pas contrôlés, ils peuvent conduire à une dégradation de la variété.
Enfin, il y a les semences non triées, stockées et utilisées de façon incorrecte. Ces semences peuvent devenir contaminées par d’autres variétés ou des maladies, ce qui peut altérer davantage la variété originale.
La production du riz « Madan Gougousse » est presque insignifiante aujourd’hui.
«À la vallée de l’Artibonite, c’était très difficile pour les agriculteurs d’empêcher le croisement de la variété, car, que ce soit au moment du séchage ou au moment de le moudre, le riz est en contact avec d’autres variétés. Un seul moulin peut desservir à la fois plusieurs plantations de riz », décrit Volny Paultre. « La conservation d’une variété pour garantir la pureté variétale d’un riz relève dès lors de la responsabilité de l’État », selon le spécialiste.
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Or, il existe un manque de recherches d’actions au niveau de l’État afin d’assurer la pureté des variétés.
La petite production survivante du riz local Madan Gougousse est destinée parfois à une clientèle spécialisée, très restreinte, pour les rares agriculteurs qui cultivent encore la variété. « Ce qui est sûr, selon l’agronome Volny Paultre, c’est que la variété du riz Madan Gougousse a bel et bien vieilli par rapport au temps et à la dégradation de la variété. »
Cet article a été mis à jour pour préciser les propos de l’agronome Volny Paultre. 11.51 19.05.2023
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