Assurer la protection, la conservation des documents produits par l’administration centrale haïtienne ainsi que la gestion de l’état civil rentrent parmi les principales missions des Archives Nationales d’Haïti (ANH). Cette institution, en charge de la mémoire nationale, fait face à des difficultés énormes, au point que de nombreux documents sont en voie de disparition.
Les ANH doivent être le reposoir des documents de valeur administrative, légale et financière de l’État. « La loi fait obligation à l’ensemble des institutions publiques de déposer tous les cinq ans, les documents produits dans les ANH », révèle Jean Wilfrid Bertrand, directeur général des ANH. Ce processus, selon le directeur, porte le nom de « déversement régulier ». Malheureusement, durant ces 60 dernières années, les ANH n’ont pas su mener à bien son rôle de gardien des archives nationales.
L’absence d’un bâtiment adéquat des ANH
le numéro un des ANH déplore le manque d’espace de l’institution pour recevoir l’ensemble des documents de l’administration publique dès qu’ils seraient devenus inactifs. « Les documents s’entassent pêle-mêle dans les ministères sans aucun contrôle minutieux des archivistes », se plaint Wilfrid Bertrand qui travaille, depuis sa nomination le 11 juillet 1983 comme directeur général, pour la restructuration totale de cette institution.
« La plupart des documents inactifs des ministères sont stockés dans des conteneurs », ajoute l’archiviste Bertrand. Le directeur général dit regarder avec peine la gestion des archives qui ont été récupérées sous les décombres après le séisme de 2010. Aussi avoue-t-il, il est difficile de savoir s’il y a des fuites ou des pertes puisque l’ensemble de ces documents n’ont pas été inventoriés. « Le dernier déversement régulier dans les ANH remonte à 1950 », confie-t-il.
Incapable de fournir la quantité exacte de documents que gère actuellement l’institution, Wilfrid Bertrand estime à environ deux kilomètres (de façon alignée) le nombre de documents que conservent les ANH. Les documents qui s’empilent dans les institutions publiques comme les ministères ne sont pas inclus dans cette estimation. Les ANH ne gèrent pour l’instant que les registres des états civils pour lesquels il existe une forte demande de la population en quête des extraits d’archives.
Le fonctionnement actuel des ANH révèle une piteuse situation nécessitant le concours de l’État. « Plusieurs rapports ont été adressés à l’État central sur la situation », a fait savoir l’archiviste Bertrand. D’où le cri du directeur pour doter cette institution d’un bâtiment approprié ce, pour mieux traiter les documents déjà en sa possession et pour faire parvenir l’ensemble des archives éparpillées dans les ministères vers les ANH. « Durant les 30 années à venir, si rien n’est fait pour remédier à cette situation, ces documents seront perdus. Et Haïti sera frappée d’amnésie », estime l’archiviste Bertrand.
Ressources humaines non qualifiées
L’absence de politique d’archivage dans le pays pose un problème majeur. « Les ANH devraient travailler de concert avec les personnes qui se chargent de la conservation des documents produits dans des institutions publiques », croit le directeur général.
« La carence des ressources humaines qualifiées constatée dans les différentes artères institutionnelles du pays produit la conservation abusive des documents », remarque le directeur général qui prête son service depuis 36 ans à cette institution publique. Cette situation alarmante peut aussi causer la destruction de certains dossiers importants qui requièrent une conservation pérenne pour la construction authentique des pages de notre histoire.
Jean Wilfrid Bertrand annonce un projet qu’il tente de réaliser avec l’aide de l’Office de management et des ressources humaines (OMRH). Baptisée « Programme de gestion des documents administratifs » (PGDA), ce projet vise par son manuel de procédures, la formation des personnes qui devraient se charger des archives dans les différentes instances étatiques.
Structure des ANH
Le siège des archives Nationales d’Haïti se situe à Port-au-Prince. Les locaux regroupent quatre bâtiments. Le bâtiment de Delmas 75 s’occupe de la base de données et de la conservation des registres des différents bureaux d’état civil du pays. Celui de Delmas 39 est utilisé pour la saisie des données informatiques. Le local qui se trouve au Poste Marchand se charge de la conservation des documents historiques et celui du Boulevard Harry Truman (Bicentenaire) es dédié au service à la clientèle.
Les ANH comptent 467 collaborateurs. Les ANH sont des institutions autonomes qui possèdent un budget à deux volets : la subvention de l’État et ses recettes propres. L’institution dispose d’un budget annuel de 161 millions de gourdes lui permettant d’assurer la gestion de 16 Centres de réception et de livraison de document d’identité (CRLDI).
Le service que fournissent les ANH est lié à des partenaires publics et privés. Les ANH travaillent de concert avec l’office des postes d’Haïti (OPH) afin d’être présent sur toute l’étendue du territoire national. Aussi travaillent-elles avec la SOGEXPRESS et l’UNITRANSFER à travers leurs différents réseaux.
Leur fonctionnement est régi par la loi organique du jeudi 20 mars 1986. Fondées le 20 août 1860 sous la présidence de Fabre Nicolas Geffrard, les ANH représentent l’une des plus anciennes institutions du pays.
Emmanuel Moïse Yves
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