Insecurité alimentaire

Comment des chercheurs haïtiens ont sauvé la production de petit mil

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Cet exploit a permis aux paysans de contrecarrer les attaques, ce qui a redonné vie à la production de petit mil en Haïti

Terrassée par la maladie, la production de petit mil en Haïti était au bord de l’effondrement vers les années 2013.

En 2016, le rendement plonge à un niveau critique de 18 589 tonnes métriques par suite des attaques du redoutable puceron «melanaphis sacchari» l’année précédente. Deux ans avant, les autorités avaient enregistré 44 151 tonnes métriques.

Puis, une lueur d’espoir s’est pointée sur les plantations.

En 2017, des chercheurs haïtiens du Centre haïtien sur les biotechnologies et l’agriculture soutenable (CHIBAS) de l’université Quisqueya introduisent des variétés résistantes aux maladies. Cet exploit a permis aux paysans de contrecarrer les attaques, ce qui a redonné vie à la production de petit mil, aussi appelé sorgho.

Le « pitimi » provient de l’Afrique subsaharienne (Bénin, Dahomey). Il est introduit en Haïti par les esclaves lors de leur traversée durant l’époque coloniale au XVIe siècle. La plante va être sévèrement affectée au XXIe siècle, par des ravageurs.

En 2017, des chercheurs haïtiens du Centre haïtien sur les biotechnologies et l’agriculture soutenable (CHIBAS) de l’université Quisqueya introduisent des variétés résistantes aux maladies.

Dès 1922, le puceron «Melanaphis sacchari» fait son apparition aux États-Unis. Au cours de 2013, ce puceron parcourt le continent nord-américain passant par le nord du Mexique jusqu’en Floride, pour finalement arriver en Haïti.

« En 2015, des maladies s’attaquant aux productions de petit mil et d’autres céréales telles que le riz et le maïs commencent à être visibles en Haïti », relate Gaël Pressoir, chercheur principal de la Fondation CHIBAS et responsable des recherches autour des nouvelles variétés de petit-mil depuis 2014.

La variété résistante de « pitimi » locale provient de deux ans de travail et d’un croisement avec une autre variété en provenance de l’Éthiopie, précise Gaël Pressoir.

Les recherches de Quisqueya ont également permis d’aboutir au développement de variétés arrivant à maturité dans quatre mois et d’autres d’une durée d’une année, dénommées « pitimi lanne ».

La variété résistante de « pitimi » locale provient de deux ans de travail et d’un croisement avec une autre variété en provenance de l’Éthiopie.

Au cours des cinq dernières années, « nous avons augmenté la production de petit mil d’une demi-tonne par hectare comparativement aux années antérieures », analyse Gaël Pressoir. Cela devrait normalement permettre aux agriculteurs d’atteindre une production de deux à trois tonnes par hectare, en tenant compte d’autres facteurs tels que l’utilisation d’intrants et les distances entre les plantes lors de la plantation, rapporte Pressoir.

Entre 2020 et 2021, la production de petit mil s’élevait à 75 000 tonnes métriques, selon CHIBAS. « Nous avons réalisé des essais participatifs où les agriculteurs parviennent à produire près de deux à trois tonnes métriques de petit mil », témoigne le chercheur Gaël Pressoir. Ces expérimentations ont été menées dans des régions telles que Fond-des-Blancs, Mirebalais, la plaine des Cayes, Saint-Michel de l’Attalaye, Saint-Raphaël, Cabaret et la Route Neuf.

Chavannes Jean Baptiste est responsable du Mouvement Paysans Papaye (MPP). Le leader considère les nouvelles variétés développées par CHIBAS comme une bonne nouvelle. « Cette variété est très rentable du point de vue de la quantité, et de courte durée, entre trois et quatre mois », témoigne-t-il à AyiboPost.

Nous avons réalisé des essais participatifs où les agriculteurs parviennent à produire près de deux à trois tonnes métriques de petit mil.

Selon le réseau de systèmes d’alerte précoce contre la famine, le sorgho est la céréale la moins cultivée et la moins consommée en Haïti. La consommation de « pitimi » est remplacée progressivement par celle du riz et du maïs.

Lire aussi : Les avantages du maïs pour combattre la crise alimentaire en Haïti

En réalité, le sorgho, cultivé par 32 % des producteurs haïtiens, est la troisième culture en termes de surface emblavée.

Le réseau prévoit une baisse de la production de sorgho estimée à 6,3 % pour 2022 et 2023 par rapport à 2021 et 2022. De plus, il est prévu un déficit de 9 409 tonnes métriques de sorgho, ce qui représente 84,1 % des besoins, malgré la diminution de la consommation de cette culture.

L’offre totale disponible de 68 591 tonnes métriques arriverait à couvrir la majorité des besoins de 78 000 tonnes métriques, avec un déficit de 12 %, selon le réseau.

Dans un contexte où près de la moitié du pays se trouve en insécurité alimentaire, le petit mil pourrait venir à la rescousse. Son indice glycémique de 71 en fait un produit très prisé par les diabétiques.

Lire aussi : Les cultures maraîchères d’Haïti, une richesse menacée

En 2013, à travers l’alliance des petits exploitants de sorgho en Haïti (SMASH), la Brasserie nationale d’Haïti (BRANA) a lancé un partenariat avec l’agence américaine pour le développement international (USAID) et la Banque Interaméricaine de Développement (BID) pour s’approvisionner en « pitimi » afin de produire une partie de ses boissons alcoolisées.

Gaël Pressoir croit qu’on doit prioriser l’industrie de la transformation du petit mil afin d’obtenir d’autres dérivés, tels que la semoule, ce qui permettrait à Haïti de se positionner sur le marché international.

Par Jérôme Wendy Norestyl

© Image de couverture : Adobe Stock 


L’économiste Etzer Emile et l’agronome Jean Luc Saint Pierre ont été les invités de notre sixième émission d’AyiboLab de l’année 2023. Visionnez leur intervention sur la thématique de la crise alimentaire en cours dans le pays ainsi que leurs propositions pour en sortir:


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Journaliste-rédacteur à AyiboPost, Jérôme Wendy Norestyl fait des études en linguistique. Il est fasciné par l’univers multimédia, la photographie et le journalisme.

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