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Les femmes ne devraient pas faire leur toilette intime plus de deux fois par jour, selon les spécialistes

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Cela peut causer bien des tracas…

E. C. est une étudiante de vingt-deux ans. La jeune universitaire avoue que pour se sentir bien dans sa peau, elle fait sa toilette intime plusieurs fois par jour.

« Je le fais dès qu’il y a quelque chose qui me gêne. Après avoir uriné par exemple, je ne me sens pas toujours à l’aise de remettre mon sous-vêtement comme ça, sans avoir fait ma toilette intime», raconte l’étudiante.

Ainsi, chaque fois qu’elle doit passer une journée loin de chez elle, E.C. emporte avec elle de quoi se changer. La jeune femme croit ainsi se protéger en restant « propre », mais elle a tort.

Selon les gynécologues, une femme ne devrait pas faire sa toilette intime plus de deux fois par jour, en moyenne. « Même en cas de règles», précise David Lalanne, gynécologue-obstétricien.

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Le vagin comporte ce que les spécialistes appelle la « flore vaginale » ou « flore bactérienne», principalement constituée d’un ensemble de bactéries qui ne lui sont pas nuisibles. Pour cette raison, ces bactéries sont dites saprophytes. Elles sont là pour protéger le vagin contre les germes externes.

« Une toilette trop fréquente tend à éliminer ces bactéries, et ce faisant, libère l’accès aux autres microbes extérieurs», explique Lalanne.

Ce déséquilibre de la flore vaginale est la cause de l’une des infections les plus populaires et les plus gênantes : la vaginose bactérienne. « C’est une infection qui se manifeste surtout par une sécrétion vaginale à l’odeur de poisson pourri », explique le gynécologue Joseph Vilaime Alexis, un praticien de Pétion-Ville.

« L’élimination de la flore vaginale peut aussi être  à l’origine de la mycose vaginale, aussi courante que la vaginose bactérienne. La mycose se manifeste par une sécrétion permanente et abondante, à l’apparence du lèt kaye », poursuit-il.

D’autres habitudes d’hygiène ont les mêmes conséquences que la toilette trop fréquente. Les gels de toilette, utilisés de façon continue et surtout sans ordonnance médicale, peuvent ainsi être dangereux.

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V. A., 22 ans avoue avoir, quelque part en 2020, régulièrement utilisé du gel de toilette intime, sans prescription aucune d’un médecin. « J’habitais à Cité Soleil, et l’eau qu’on utilisait n’était pas pure. J’achetais donc du gel de toilette, et je m’en servais à chaque fois que je me lavais», se rappelle-t-elle.

Ces gels peuvent poser problème. « La plupart contient des antiseptiques, renseigne le docteur Lalanne. Ces antiseptiques-là, appliqués dans le vagin, vont détruire les germes de microbes qu’ils trouvent sur leur chemin, mais aussi les bactéries saprophytes de la flore vaginale. »

De plus, ces produits, tout comme certains savons, contiennent des substances chimiques autres que des antiseptiques qui peuvent altérer le niveau de Ph du vagin, rendant le milieu défavorable aux lactobacilles, ces germes contenus dans la flore vaginale.

Selon les gynécologues, le vagin est en principe d’un pH (potentiel d’hydrogène) acide, proche de 3.5 et qui est amplement favorable à la survie des germes saprophytes. L’introduction de produits chimiques dans le milieu vaginal est susceptible d’altérer ce pH normal. Ils peuvent soit l’augmenter, pour rendre le milieu vaginal alcalin, soit le diminuer, pour le rendre plus acide qu’il ne devrait être. La survie des micro-organismes protecteurs du vagin est ainsi compromise.

Selon Baby Alténor, obstétricien-gynécologue qui exerce à Saint-Marc, l’usage de serviettes parfumées pour se sécher la vulve, ou encore la prise d’antibiotiques après les règles sont également à éviter.

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Cette dernière pratique, L.P., originaire de Gressier, en était adepte, à l’époque où elle habitait encore sous le toit de sa mère. Celle-ci la contraignait à prendre des antibiotiques régulièrement après ses règles. «Ma mère me disait que cela m’éviterait d’avoir une infection», se souvient-elle.

Et pourtant, d’après David Lalanne, la consommation abusive d’antibiotiques est l’un des facteurs les plus connus du déséquilibre de la flore vaginale. D’après son expertise, les antibiotiques, en principe, combattent toutes les bactéries du corps et dans la foulée, combattent à tort les bactéries inoffensives de la flore vaginale.

« De plus, la menstruation n’est pas une maladie ; on n’a pas à la traiter, assure le médecin. Certaines femmes tiennent à se nettoyer à tout bout de champ après les règles. Ce n’est pas nécessaire car le sang qui sort du vagin n’est pas contaminé. »

Le gynécologue admet toutefois qu’une femme devrait changer de serviettes au moins toutes les quatre heures, parce que d’autres microbes du milieu vulvaire ont, au-delà de cet intervalle, assez de temps pour se mélanger au sang et de nuire.   « Et ce, sans nécessairement faire sa toilette à chaque fois pour perturber l’équilibre de la flore bactérienne » insiste Lalanne.

Selon le gynécologue Baby Alténor, la flore vaginale peut se rétablir avec le temps, après qu’elle a été endommagée. Cela peut survenir en cessant ces pratiques destructrices, et grâce à des médicaments appropriés. « Mais entretemps, nombre de dégâts regrettables peuvent avoir lieu; il vaut mieux les prévenir», conseille Alténor.

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