CULTURERECOMMENDEDSOCIÉTÉ

Youssoupha, PapJazz, Festival bikini… retour sur une année moitié pleine pour le secteur culturel

0

Annulé. Reporté. Deux mots que les médias ont dû reprendre en boucle pendant l’année. Des événements de toutes sortes, pour la plupart traditionnels, n’ont pas eu lieu. D’autres se sont déroulés dans des conditions peu optimales. Certains organisateurs y ont cru jusqu’au dernier moment, pour finir par se rendre compte de la vanité de leurs espoirs. La culture, en 2019, a connu des moments difficiles. Retour sur les activités qui ont quand même marqué le secteur cette année

C’est un pays affaibli, au taux de croissance négatif, qui traverse l’année 2019. Ce ralentissement affecte tous les secteurs de la vie nationale, en particulier celui de la culture et des arts. La vie culturelle d’un peuple est le reflet de sa vitalité, de son état d’esprit à un moment de son histoire. En 2019, si l’on regarde le bilan du secteur culturel, on se rend compte que le moral des Haïtiens n’était pas au plus haut.

AUGMENTEZ LE VOLUME

La musique était au rendez-vous. Parce que le peuple haïtien est ce peuple qui danse pour ne pas se résigner. Pour certains événements, c’est la réussite pleine. Pour d’autres, un succès en demi-teinte. Certains autres étaient mort-nés.

 Port-au-Prince avait le blues

C’était au début de l’année, au mois de janvier 2019. Pour la 13e fois, Port-au-Prince a eu son festival de jazz et il a répondu aux attentes selon Milena Sandler. La responsable de la Fondation Haïti Jazz se félicite de la réussite de l’activité. « Nous sommes satisfaits des performances artistiques, et aussi pour l’affluence, dit-elle. C’est notre meilleure édition jusqu’à présent. »

Sur les scènes de l’hôtel Karibe, de l’Université Quisqueya, du Triomphe ou de l’Institut français, des centaines de personnes ont défilé. Mais rien n’est jamais parfait et PapJazz a souffert du syndrome du « réussi, mais… ». « En termes financiers en revanche, c’était une catastrophe, avoue Milena Sandler. La dévaluation de la gourde a eu un impact négatif considérable sur nous. De plus, nous sommes payés très tard, plus de six mois après l’événement. »

Voilà de quoi inquiéter pour l’édition 2020 de ce célèbre rendez-vous, qui arrive dans moins de deux mois. « Nous ne sommes pas optimistes, confie la responsable. En juillet, on n’imaginait pas que le lock serait allé jusque-là. Nous n’avons pas de réponse positive de plusieurs de nos partenaires habituels. Et il faut payer les artistes qui vont se produire à l’avance, à hauteur de 50 % ».

Tout le monde peut aider à sauver l’édition de l’année prochaine. Sur le site internet de la Fondation, il est possible de participer. Il suffit de cliquer sur « faire un don ». Selon Milena Sandler, les réponses ne sont jusque-là pas encourageantes. « C’est dommage, dit la responsable de Haïti Jazz, vraiment dommage, mais on garde espoir. »

Carnaval ou pas carnaval ?

Il n’y a pas eu de carnaval national. Ce n’est pas la première fois dans l’histoire du pays, mais cette fois ce n’est pas la volonté politique qui manquait. Annoncées sous le thème de « An n chita pale pou Ayiti », ces festivités populaires n’étaient pas bien vues par une grande partie de la population.

Elles allaient se dérouler dans la ville des Gonaïves, du 3 au 5 mars, en pleine période de revendications populaires contre le président de la République, Jovenel Moïse. La grogne augmentait, les protestations étaient souvent violentes, et il devenait de plus en évident que le carnaval serait une erreur.

Après avoir passé un trait sur les activités pré carnavalesques, la mairie de Port-au-Prince est l’une des premières à travers le pays à annuler son carnaval. Sous prétexte que la sécurité des fêtards pourrait être compromise, l’administration de Youri Chevry a sorti un communiqué dans lequel la décision était notifiée.

La commune de Croix-des-Bouquets a elle aussi renoncé à des activités pour marquer la fête populaire. Ce n’est peut-être pas une coïncidence que ces deux mairies, dont les relations avec le pouvoir ne sont pas au beau fixe, aient été les premières à annuler leur carnaval.

Quelques jours après, le comité d’organisation du carnaval national annonce à son tour l’annulation de l’activité. Les responsables précisent toutefois que les mairies qui le souhaitent pourront organiser le leur, avec l’appui technique du comité. La ville de Jacmel sera la seule à organiser son traditionnel défilé, excessivement coloré. Le carnaval national n’a pas tenu le coup ; le carnaval de Jacmel a résisté.

Prix du meilleur concert décerné à…

Dadju. Ou Youssoupha. Quoi qu’il en soit, en 2019 de grands noms sont arrivés dans le pays.

Dadju, autre artiste français très connu depuis quelque temps, a lui aussi eu droit à son concert, à Tara’s. Selon Fédia Pierre Louis, jeune fan qui a participé au concert, il n’y avait rien à reprocher. « J’ai vécu ce concert pleinement, dit-elle. C’était très bien organisé. La sonorisation était correcte ».

Et enfin Youss.

Pour célébrer ses cinq ans d’existence, Ayibopost a matérialisé le rêve de milliers d’Haïtiennes et d’Haïtiens qui ont grandi avec les musiques tubes de Youssoupha, le lyriciste bantou. Dans une soirée épique, organisée au Parc historique de la Canne à sucre, le 5 juillet 2019, le public s’est bien éclaté. Des artistes locaux comme BIC, K-Libr, se sont produits avant que le rappeur monte sur scène. Et c’était la folie.

Lisez également: On a fêté nos 5 ans avec Youssoupha et c’était beau. Merci !

Serge A. Riché est un fan absolu de Youssoupha. Il affirme qu’il a connu un bon moment. « C’était une belle expérience, dit-il. Les artistes qui ont précédé Youssoupha ont offert de belles prestations. C’était un succès. »

Un bilan noir pour l’industrie musicale

Akinson Belizaire, mieux connu comme Zagalo, estime que l’année 2019 est une année noire pour l’industrie de la musique haïtienne. Depuis la fin du mois d’août, beaucoup de soirées programmées, ou qui devaient l’être, n’ont pas vu le jour. « C’est une mauvaise chose pour les groupes, surtout ceux qui ont leur quartier général à l’étranger, dit Akinson Belizaire. Quand ils ne peuvent pas se produire en Haïti, ils sont obligés de programmer plus de soirées dans leur fief, ce qui peut lasser le public. » Un promoteur, selon Akinson Belizaire, ne paiera pas une grosse somme à un groupe qui fait moins de recettes, parce qu’il a trop d’affiches au même endroit.

Pour la fin de l’année, le promoteur veut rester optimiste même s’il a des réserves sur la possibilité d’organiser de grandes soirées. « Le pays n’est plus verrouillé comme avant, explique-t-il, mais tout n’est pas encore rose. Les gens ne sont pas totalement prêts à faire la fête. Les affiches devraient être rares durant ce mois de décembre. Mais aussi, peut-être que des activités seront programmées les unes à la suite des autres. On ne sait jamais. »

Le grand bleu ne chôme pas

Sumfest et Festival Bikini. Deux événements majeurs au bord de la mer. Des milliers de spectateurs ont foulé le sable pour vivre pleinement les performances de leurs artistes préférés. La 8e édition du festival bikini a dragué le plus de fêtards. « Tout s’est bien passé, dit Fédia Pierre Louis qui a aussi participé au festival. Mais il y avait quand même des failles dans l’organisation. Il y avait une foule de gens, les organisateurs auraient pu mieux gérer tout cela ».

Le festival Sumfest quant à lui, organisé le 28 juillet, a été un autre rendez-vous très prisé. Cependant, la note n’est pas complètement positive. Plusieurs accidents de la route, plus ou moins graves selon le cas, ont terni l’éclat de la réussite de l’évènement. Plus d’une dizaine de gens auraient été blessés sur le chemin de retour du Sumfest.

Saint-Marc a eu son festival

Dans les villes de province, il y a aussi eu des activités. Harry Luc est l’un des promoteurs du festival de la cité de Nissage Saget, Saint-Marc. Il explique que de grandes activités ont été organisées. « Cela fait 11 ans que nous organisons ce festival, dit Harry Luc. C’est une façon de décentraliser les activités culturelles. Il a lieu le week-end qui précède la fête de la ville. »

Le festival est organisé pour que les jeunes de la ville montrent leurs talents. Mais, explique Harry Luc, de grands noms de la musique haïtienne apportent chaque année leur soutien, et leurs efforts. « Il ne s’agit pas seulement de musique, poursuit l’organisateur, nous proposons aussi du sport, football et basketball, des courses et des exhibitions à motocyclette, des conférences, etc. L’État nous accompagne très rarement. Ce sont nos fonds, et ceux de quelques proches, qui organisent tout. Nous n’avons rien à envier aux autres festivals. »

L’ASSIETTE À MOITIÉ VIDE

La cuisine en Haïti connaît de grands moments chaque année. Des festivals de gastronomie sont devenus traditionnels. Mais cette année, la saveur était fade.

Les goûts et saveurs perdus

Voici un autre rendez-vous annuel qui n’a pas pu avoir lieu. Goût et saveur lakay est un événement gastronomique majeur en Haïti. Des chefs locaux et internationaux sont invités à faire déguster à un public hétérogène leurs dernières créations, ou leur maîtrise des plats traditionnels.

Cette année, beaucoup de palais ne se sont pas délectés de petits plats exquis, et parfois exotiques, concoctés pour l’occasion. Stephan Durand B. s’en lamente. « Nous avons été obligés d’annuler, vu la situation sociopolitique. Le moment n’était plus propice. »

Non seulement l’activité a été annulée, mais il a fallu rembourser des dépenses déjà effectuées. « Beaucoup de nos sponsors n’avaient pas pu répondre. Quant à ceux qui nous avaient soutenus, nous avons dû tout remettre, alors que des milliers de dollars avaient été dépensés. C’est désolant de voir que des politiciens préfèrent se battre au lieu de mettre leurs différences de côté. »

LEVERS DE RIDEAU

Du théâtre. Des spectacles. Du Live-painting. Des marches. C’était le programme.

Jamais trois sans quatre

« Nous faisons le choix de ne pas mettre l’accent sur la sensibilisation au handicap. Nous privilégions une approche inclusive. Sur scène, il y a à la foi des acteurs qui ont un handicap, et d’autres qui n’en ont pas. » Ce sont les mots de Johny Zephirin, directeur artistique du Festival Handicap et Culture.

Du 1er au 15 juin, l’activité a occupé des espaces de Port-au-Prince et de villes de province. Ce festival en était à sa 4e édition. À en croire le directeur artistique, plus de 70 % des activités programmées ont eu lieu.

Mais déjà en juin, le grand malaise s’installait dans le pays. De petites étincelles travaillaient à allumer le feu. Le festival en a souffert. Certains spectacles programmés dans les rues ont dû être annulés. Des conférences aussi.

C’est une réussite en demi-teinte, mais d’après Johny Zephirin, de bonnes choses en sont quand même sorties. « Grâce aux deux derniers jours de l’activité, nous avons reçu des invitations pour l’étranger. »

Des artistes étaient dans nos murs

Le Festival de graffiti a coloré une partie de Port-au-Prince. Cet art, illégal selon les lois haïtiennes, défie l’autorité et érige des murs hauts en couleur. Des murs qui en fait sont des ponts, où les talents d’Haïti et les grands graffeurs étrangers se rencontrent.

Lisez: Istwa grafiti nan peyi Dayiti

Jean Widler Pierresaint est l’un des organisateurs. Il se dit satisfait du déroulement du festival. « Ma satisfaction est surtout pour la qualité des œuvres. De plus, tous nos artistes invités, même étrangers, ont pu participer. Mais deux activités majeures qui devaient avoir lieu sur la place Boyer et la place du Canapé-Vert n’ont pas vu le jour. »

L’édition de l’année prochaine est déjà en cours de préparation, mais tout ne s’annonce pas rose. « Nous avons des difficultés à trouver du financement, poursuit-il. Un festival se prépare un an à l’avance, nous attendons décembre pour savoir comment nous allons y arriver. »

Nègès Mawon n’a pas pris corps

Le festival Nègès Mawon a baissé les bras. La grande messe féministe aurait dû se dérouler sous le thème de « Ceci est mon corps », mais l’édition 2019 a été annulée. « Nous faisons un festival pour les gens, dit la comédienne Gaëlle Bien-Aimé, l’une des organisatrices. Nous étions obligées d’annuler parce que ces gens ne pouvaient pas se déplacer, à cause de la crise. Il n’y avait aucun intérêt à produire un festival à la va-vite, et dans de telles conditions. »

L’édition 2019 apportait beaucoup de nouveautés par rapport aux autres. Des séances de retraite étaient notamment prévues pour les femmes. « Le festival a beaucoup de préoccupations, dit Gaëlle Bien-Aimé, mais l’une d’entre elles est de faire prendre conscience aux femmes de leur propre existence. Leur rendre ce que le patriarcat leur avait enlevé. Beaucoup de femmes ont des problèmes avec leur corps, leur sexualité, la jouissance dans les rapports sexuels, ce sont autant de sujets qu’il fallait aborder. »

Malgré la crise, les partenaires de Nègès Mawon avaient répondu. « Nous sommes allées solliciter de l’aide auprès d’autres organisations de l’Amérique latine, qui nous connaissent bien, poursuit la comédienne. Nous avons aussi eu des réponses positives de nos partenaires dans le pays, même si ce n’est pas en termes financiers. Nous n’avons pas eu de problèmes de ce côté-là. »

Tous les hommes sont fous

« Tous les hommes sont fous » était le thème retenu en 2019, pour la réalisation de la 16e édition du Festival Quatre chemins. Cette année ce festival a donné carte blanche à la comédienne, metteuse en scène et réalisatrice Michelle Lemoine dans ses nombreuses créations, que ce soit « Victor et les enfants au pouvoir», « À trente ans » ou « Cinglée ».

Interview: Guy Régis Jr.: «Vous ne pouvez être un État laïque et laisser les églises s’occuper de la culture d’un peuple»

Du 27 novembre au 7 décembre 2019, sous forme d’exposition, de projection cinématographique, de théâtre, de musique, de conférence, entre autres, la folie a été touchée dans ses contours inconnus ou négligé, elle a été abordée comme un problème de société. « Nous voulons parler de la plus pure des folies. La plus grande folie de notre peuple : sa force de vivre envers et contre tous, » a déclaré Guy Jr Régis, directeur artistique de ce festival, lors de son lancement.

JUSQU’À LA PAGE FINALE

Il y a eu quelques bonnes nouvelles pour le livre en Haïti, bien que ce soit loin d’être le secteur le plus dynamique du pays.

Les fous du livre

La 25e édition de Livres en folie, la grande foire du livre, s’est déroulée le 20 juin, au parc Unibank. Contrairement aux autres éditions, les participants n’ont eu qu’un seul jour pour s’acheter des bouquins. Selon Frantz Duval, cette nouvelle formule est due à un changement d’espace. Le parc Unibank était assez grand pour recevoir des milliers de participants à la fois.

Reportage: Livres en Folie ralentit la circulation et invite à penser

La poussière sèche que les rafales de vent soulevaient sans cesse n’a pas découragé les amoureux du livre. La huée qui a accompagné le Premier ministre démissionnaire Jean Michel Lapin n’a pas non plus transformé l’événement en rassemblement politique. À part, le soleil qui calcinait les peaux, les files d’attente interminables, le brouhaha qu’a causé l’arrivée de Rutshelle Guillaume, tout s’est relativement bien passé. Les organisateurs se disent satisfaits.

Cette édition mettait à l’honneur l’écrivain haïtien fraîchement accueilli à l’Académie française, Dany Laferrière. Sous la tente « Invité d’honneur », l’écrivain avait pris place pour signer des livres pêle-mêle. Il faisait chaud, mais un Immortel souffre-t-il de la chaleur ?

La Konfidans de Fédia Stanislas

Le Prix Deschamps, prestigieuse récompense attribuée chaque année par la Fondation Lucienne Deschamps, a couronné Fedia Stanislas, pour son roman KONFIDANS. « J’ai sauté de joie quand on m’a appelé pour m’informer de la décision, explique la romancière. Mais maintenant je m’attelle déjà au prochain, même si je devrai effectuer quelques voyages à l’étranger, pour l’inspiration. »

Dans ce roman qui parle d’exil, de prostitution et d’injustice, Fédia Stanislas donne la voix à une héroïne comme on n’en fait plus, accusée d’homicide sur son mari qui la battait. Ce livre résonne fort, dans un contexte où les actes de féminicide sont de plus en plus nombreux dans le monde.

La question, philosophique d’abord et juridique ensuite, est de savoir si tuer un mari qui vous maltraite est de la légitime défense. Tuer avant d’être morte. Avec brio, Fédia Stanislas nous offre l’occasion d’y réfléchir. Son livre était en signature le 10 décembre 2019.

Le Mur Méditerranée

Louis Philippe Dalembert, lui, accumule les prix pour son roman Mur Méditerranée. Après le Prix de la langue française, il a raflé le Choix Goncourt de la Pologne, et le Choix Goncourt de la Suisse. La question de la migration, au cœur de ce roman, est un sujet actuel, passionnant et polémique. L’auteur raconte le destin de trois jeunes femmes, de nationalités différentes, qui tentent la traversée de la Méditerranée pour rejoindre l’Europe.

Les critiques sont presque unanimes : c’est un roman magistral. L’humain y est présent et remplace les froides statistiques sur les migrants et leur histoire, leur odyssée dangereuse au cours duquel des milliers se noient.

L’ARTISANAT A EU CHAUD

C’est l’un des secteurs les plus importants. Les artistes, comme tout le monde, ont souffert pendant l’année.

Caribbean Craft

Déjà, au lendemain du premier pays lock de l’année, l’artisanat avait pris un sacré coup. C’était un mauvais présage qui faisait craindre les pires scénarios. Ces appréhensions ont pris forme, pour certains acteurs du domaine, dont Caribbean Craft. Le vendredi 27 septembre 2019, au plus fort du pays lock, l’entreprise phare de l’art haïtien a pris feu. Les dégâts sont considérables si l’on en croit Magalie Dresse, la responsable.

Des commandes qui étaient stockées dans l’entreprise, à cause des difficultés de circulation, ont été détruites en totalité. Selon la responsable, en seulement quelques instants, 400 000 dollars américains de produits se sont volatilisés. Des contrats sont rompus. L’entreprise travaille maintenant à perte pour essayer de reconstruire certains articles, pour les acheminer à leurs destinataires.

Artisanat en fête

Non, la fête n’a pas eu lieu. Cet événement phare de l’artisanat haïtien a tout simplement été annulé. Frantz Duval est l’un des organisateurs. Selon lui, les conditions n’étaient pas réunies pour que la foire ait lieu. Laconique, il n’ajoutera pas plus. On ne sait pas si Artisanat en fête a été annulé à cause du pays lock ou par manque de réponses des traditionnels sponsors.

Christelle Badou Serin est la jeune responsable de Badou Creations, une entreprise qui confectionne des sacs à main, des chapeaux, etc. Elle se préparait à participer pour la 3e fois à Artisanat en fête. Pour elle l’annulation de l’événement est triste. « Comme tous les ans, cette année Badou Creations avait sorti une nouvelle collection pour les clients. Et Artisanat en fête nous donne de la visibilité. »

« De plus c’est bien plus qu’une foire, poursuit Christelle Badou Serin, tout se déroule toujours dans une ambiance familiale. »

REVENDICATIONS POPULAIRES ET CULTURE

Les artistes, musiciens et musiciennes surtout, n’ont pas eu une année facile. Ils ont à un certain moment été accusés de ne pas soutenir les revendications d’une grande partie de la population.

De « vive le carnaval » à Jojo dòmi deyò

L’annulation du carnaval national de 2019 a fait des heureux parmi la population qui réclamait à cor et à cri la démission de Jovenel Moïse. Ce revers infligé à l’administration du président avait un goût de victoire pour eux. Mais tout le monde n’était pas content. Des groupes populaires, dont Boukman Eksperyans, Djakout #1, ont exigé l’organisation de ces festivités populaires, qui en plus d’aider à se défouler leur amène un peu d’argent.

Cette position vivement critiquée par certains a terni encore plus l’image des célébrités haïtiennes que l’on accusait d’abandonner le peuple. Jusqu’à ce que d’autres artistes comme Izolan, ou encore Mathias, décident de se joindre au train des revendications. Ils ont convoqué une manifestation populaire le 13 octobre, à laquelle des milliers de gens ont participé. Le slogan « Jojo dòmi deyò » était scandé sans cesse par la foule en liesse.

Les financements se font rares

Depuis quelques mois des entreprises ferment leurs portes, licencient des employés ou réduisent les salaires. Pour une année qui ne s’annonçait pas spectaculaire pour les affaires, le coup a été rude. Par ricochet, les activités culturelles en ont pâti. Ce sont les entreprises qui, traditionnellement, financent bals, festivals, etc. Dans un contexte où les affaires ne marchent pas, chaque centime compte et ne peut être dépensé à la légère.

Presque tous les organisateurs d’activités se sont plaints du manque de soutien qu’ils ont reçu cette année. Du PapJazz qui prépare son édition 2020 au festival de graffiti, rien ne paraît évident en termes financiers. Les crises ne profitent pas à tout le monde.

Hervia Dorsinville a contribué à la réalisation de cet article.

Une précédente version de cet article affirmait que Mr Eazi a visité Haiti en 2019. Il s’agit d’une erreur. La star était en Haiti en 2018.

Journaliste. Éditeur à AyiboPost. Juste un humain qui questionne ses origines, sa place, sa route et sa destination. Surtout sa destination.

Comments

Leave a reply

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *