SOCIÉTÉ

Une école de Martissant saccagée par les bandits vient de rouvrir ses portes

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Les membres de gangs ont emporté les bancs et endommagé la clôture de l’établissement

À un mois de la fin de l’année scolaire, les autorités tentent de rouvrir les portes des écoles de Martissant fermées depuis octobre 2021 à cause de la violence des gangs.

Les activités scolaires ont repris dans les écoles nationales d’Application et la République du Pérou quelques jours après une démonstration symbolique de centaines d’élèves, de parents et d’enseignants à l’occasion de la fête du drapeau le 18 mai dernier dans la zone.

L’École Nationale du Pérou se trouve à Martissant #3. Selon Dorothy Nordeus qui dirige l’établissement depuis plus de dix ans, l’école a déjà reçu environ 150 élèves depuis sa réouverture. Les enfants viennent des quartiers comme Cité plus et Village-de-Dieu. « Ils sont contents de retourner en classe, leurs parents aussi », confie la directrice qui rapporte que près de 700 élèves fréquentaient l’institution avant sa fermeture.

Les enseignants qui habitent à Carrefour ne peuvent pas traverser les espaces contrôlés par les hommes armés pour venir travailler, selon Dorothy Nordeus. « Avec la permission du ministère, on a engagé cinq nouveaux enseignants pour travailler avec les enfants », fait-elle savoir.

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Même si les enfants ont repris les chemins de l’école, l’environnement reste fragile et non sécurisé. La zone est toujours sous le contrôle des caïds. Par exemple, la clôture de l’École Nationale République du Pérou a été endommagée lors des affrontements. Les membres de gangs ont aussi emporté les bancs. Ce qui inquiète Nordeus pour la sécurité des enfants. « J’ai parlé avec le ministre, dit-elle. J’espère qu’on va nous apporter des sièges, réparer la clôture ainsi que la barrière d’entrée de l’école pour qu’on puisse travailler tranquillement », souhaite Nordeus.

La route de Martissant demeure impraticable. Avant l’explosion de violences, Gytho Bazil fréquentait le Lycée Jean Jacques de Carrefour-feuille. Il vivait avec sa tante à Martissant #11 avant de fuir sa maison pour atterrir chez sa cousine à Carrefour le 2 juin 2021.

Depuis, il ne va plus à l’école à Carrefour-feuilles, parce qu’il est presque impossible de traverser Martissant régulièrement. « J’aimerais aller à l’école, mais mes parents n’ont pas les moyens pour payer un établissement à Carrefour », déclare Bazil. Selon lui, la situation de beaucoup de ses camarades et amis qui habitaient à Martissant n’est pas différente.

Selon le ministère de l’Éducation nationale de la Formation professionnelle (MENFP), le processus de réouverture des écoles à Martissant est l’initiative d’une structure formée de citoyens et de responsables des établissements de la zone. L’initiative a trouvé le soutien de la direction départementale l’Ouest du ministère de l’Éducation. AyiboPost a contacté sans succès le directeur départemental l’Ouest du ministère, France Étienne Louisseul.

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La structure dont parle le MENFP a fait face à des difficultés. Sylvaince François, un leader communautaire de la localité, est membre dudit comité. Selon lui, les discussions avec les protagonistes n’ont pas donné les résultats escomptés. Les groupes armés ne veulent pas que les autorités centrales reprennent le contrôle de la zone pour rétablir la paix malgré l’implication de la Commission nationale de Désarmement, Démantèlement et Réinsertion (CNDDR).

Les affrontements entre les gangs rivaux depuis le 1er juin 2021 à l’entrée sud de la capitale haïtienne ont fait beaucoup de victimes. Plusieurs milliers de personnes ont dû fuir leurs demeures pour « se réfugier » vers d’autres endroits. Les écoles, les hôpitaux, les entreprises comptent parmi les établissements qui ne fonctionnent pas sur ce tronçon de route qui relie quatre départements à Port-au-Prince, la capitale du pays.

Certains directeurs d’écoles ont pris la décision de mettre leurs établissements dans d’autres espaces comme à Fontamara à Carrefour ou au Centre-ville de Port-au-Prince. Par exemple, le Lycée Jacques Roumain fonctionne dans plusieurs espaces scolaires depuis octobre 2021 grâce aux démarches de la direction départementale de l’éducation dans l’Ouest.

Les affrontements entre les gangs rivaux depuis le 1er juin 2021 à l’entrée sud de la capitale haïtienne ont fait beaucoup de victimes.

Les élèves du lycée qui ne peuvent pas traverser Martissant, surtout ceux résidant à Fontamara ou à Carrefour, suivent leurs cours au collège Manus DEI à Bizoton 59 dans la commune de Carrefour.

Cependant, Vertu regrette que le climat de fonctionnement ne soit pas du tout satisfaisant dans les nouveaux espaces. Cette situation engendre une diminution drastique du nombre d’élèves du lycée qui est passé d’environ 2000 à près de 900.

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Le directeur Jean-Noël Zachari observe pratiquement le même phénomène dans son école. L’institution fonctionne actuellement avec une centaine d’élèves.

Des directeurs interviewés par AyiboPost croient que des mesures concrètes devraient être adoptées par les autorités pour faciliter la réouverture des établissements scolaires.

Jean-Noël Zachari dirige l’institution Mixte Emeraude, une école située à Martissant 7, depuis sa création en 1992. L’établissement est transféré à Bizoton à cause de la violence des gangs. Zachari dit n’avoir pas été mis au courant d’initiatives visant la réouverture des écoles à Martissant.

Le ministre de l’Éducation, Nesmy Manigat, et le représentant de l’UNICEF en Haïti Bruno Maes ont visité l’École Nationale République du Pérou le lundi 30 mai 2022. Le même jour, des bandits ont attaqué un autobus de la compagnie de transport « Voix des Anges » qui assure le trajet Port-au-Prince–Cayes. Plusieurs personnes sont touchées par balles. Une des victimes est morte à l’hôpital. 

Fenel Pélissier a contribué à ce reportage

L’image de couverture est du photojournaliste Edris Fortuné / Juin 2021

Molière Adely pratique le journalisme depuis 2018. Il a déjà collaboré avec plusieurs médias. Étudiant en sociologie à la Faculté d’Ethnologie de l’Université d’État d’Haïti (FE/UEH), Adely s’intéresse à la politique, la culture et aux sujets de société.

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