L’argent pour réparer le centre basé à Delmas 3 provenait des Fonds PetroCaribe. Son directeur, Gilbert Charléus, expose la situation à AyiboPost
Le Centre sportif Dadadou faisait partie du projet « Sport pour le changement » piloté par Olivier Martelly sous l’administration de son père. Selon le rapport PetroCaribe, plus de 10 millions de dollars ont été décaissés par le régime rose pour la construction et l’aménagement d’infrastructures sportives dans tout le pays. Parmi ces infrastructures, l’on trouve le Parc Ste Thérèse, Gérard Christophe, Levelt, Hinche et dix autres petits parcs.
Le coût exact de la rénovation de Dadadou n’est pas connu. L’argent a été décaissé et dépensé, mais les travaux restent jusqu’à date inachevés.
Le centre sportif Dadoudou est le premièr à être inauguré en Haïti en 1980, sous le régime de Jean Claude Duvalier. Cet espace sportif tire son nom de l’ancien footballeur haïtien, Dieudonné Vieux, couramment appelé Dadadou. Vieux avait fait carrière à l’Aigle noir et au club Bacardi durant les années 1950.
La clôture de l’espace était endommagée durant le séisme de 2010. La Mission des Nations unies pour la stabilisation d’Haïti (MINUSTAH) a entrepris des travaux pour sa réhabilitation.
Gilbert Charléus a dirigé Dadadou en 2004, brièvement en 2010 et de 2012 jusqu’à nos jours. Il évoque avec AyiboPost les difficultés auxquelles fait face l’institution.
AyiboPost : Quelles sont les rénovations déjà effectuées au Centre sportif Dadadou ?
Gilbert Charléus : La clôture du centre a été réparée après le séisme par la MINUSTAH après 2010. Je dois vous dire que le MJSAC m’avait demandé de produire un rapport sur le réaménagement du centre après 2010. Les recommandations du rapport ont attiré l’attention du régime Tèt kale qui voulait construire des « stades » à l’époque.
C’est ainsi que le centre a bénéficié d’un projet de rénovation entièrement financé par le programme PetroCaribe. À date, on a seulement construit un building d’un étage et un gradin inachevé. Le rez-de-chaussée de ce bâtiment devrait servir comme salle de musculation et le premier étage détient une grande salle polyvalente où l’on devrait réaliser des réunions ou formations. La salle inachevée est utilisée seulement pendant les vacances pour accueillir le camp d’été. Le pire, c’est que les infrastructures sportives ou nos différents terrains sportifs n’ont pas été touchés durant cette rénovation qui a coûté une fortune à l’État haïtien.
Quel a été le montant du projet effectivement dépensé dans la rénovation du centre ?
Sincèrement, je ne sais pas vraiment le montant qui a été dépensé dans ces constructions inachevées. Parce qu’il n’y a aucun ministre, aucun cadre du ministère de la Jeunesse et des Sports à avoir été impliqué ni de près ni de loin dans ce dossier. L’administration rose et le ministère de la Planification ont tout fait sans l’avis des responsables de MSPJ. À date, on n’a pas eu de rapports sur les montants dépensés.
L’administration du centre a vainement écrit au ministère de la Planification pour savoir pourquoi les travaux sont interrompus. On a aussi réalisé sans succès des démarches auprès de la firme de construction SECOSSA qui avait reçu le contrat. L’ex-ministre du ministère de la Jeunesse et des Sports et de l’action civique, Ronald Gérard D’Mézard, m’avait dit qu’il allait essayer de tirer dans les fonds de l’intervention publique pour terminer avec la salle de musculation. Rien n’a bougé jusqu’à date.
Quelle est votre opinion sur le projet de construction de « stades » du gouvernement Tèt Kale ?
Les dirigeants politiques savent très bien que le Premier ministre Laurent Salvador Lamothe mentait lorsqu’il déclarait avoir construit 25 stades. Le Premier ministre était un joueur de tennis international et il avait l’habitude de représenter le pays. Il sait très bien à quoi ressemble un stade.
Je dois vous dire franchement qu’il n’existe pas de stade en Haïti. Même le stade Sylvio Cator n’en est pas un. D’ailleurs, la Fédération internationale de football amateur avait accepté qu’on s’en serve pour recevoir des matchs internationaux à cause des bonnes relations qui existaient entre l’ancien responsable Dadou Jean Bart et la FIFA. Mais cette affaire de stade n’existe pas en Haïti.
En plus, le sport n’intéresse pas l’État haïtien. Si l’État pouvait exploiter le sport et la culture, Haïti pourrait se faire un nom dans le monde. Dans la pratique politique actuelle, le MJSAC est souvent livré à des dirigeants d’un parti politique. Je parle en connaissance de cause parce que je suis aussi directeur départemental adjoint du sport.
Quel est le rôle du centre sportif Dadoudou dans le milieu sportif haïtien ?
J’ai participé à l’inauguration du centre en 1980. À l’époque, j’étais très jeune et j’avais déjà reçu une formation en Sport facile à l’académie militaire. L’État avait utilisé ma promotion pour réaliser des exhibitions lorsque le dictateur Jean Claude Duvalier et son cabinet ministériel venaient inaugurer le centre.
Autrefois, le centre avait pour mission de recevoir et travailler avec des écoles, des associations de jeunesse et des associations de quartier. On les encadrait dans des disciplines sportives, comme le volley-ball, le basket-ball, entre autres. À cette époque, on avait un état visionnaire qui investissait dans la formation de jeunes sportifs. On doit dire aussi qu’il y avait beaucoup de terrains de football dans l’aire métropolitaine durant cette période. Malheureusement, la quasi-totalité de ces infrastructures n’existe plus aujourd’hui.
C’est pourquoi les centres sportifs sont obligés de recevoir à présent des championnats nationaux, les clubs de première et deuxième division. Mais ces espaces n’étaient pas destinés à cela.
Concrètement quelles sont les activités du centre sportif Dadadou ?
Normalement, les centres sportifs comme Dadadou devraient être gérés par les mairies. Mais en Haïti, ces espaces de service public représentent les bras du MJSAC. Au Centre sportif Dadadou, on réalise des compétitions scolaires. Les écoles nationales ou privées de la zone utilisent l’espace comme centre d’entrainement pour leurs équipes.
Des institutions publiques comme des unités au sein de la Police nationale d’Haïti (PNH), la primature, entraînent aussi leurs équipes à Dadadou. D’ailleurs, le Championnat de la Fraternité est l’une des activités sportives souvent réalisées par le centre pour les agents de la fonction publique. Grosso modo, l’espace reste et demeure un centre d’entraînement.
Des équipes comme Cosmopolite football Club (première division) ont l’habitude d’y recevoir des matchs sportifs. L’Association sportive de Delmas (ASD) et le Football Club de Delmas (FCD), deux clubs en deuxième division, organisent eux aussi des matchs dans l’espace. Lion club, classé en troisième division, fait pareil.
Une simple contribution leur est demandée pour s’entraîner et y recevoir des matchs. Le MJSAC nous doit tout, on n’a pas de budget. Les frais perçus sont utilisés durant les vacances lors des camps d’été réalisés pour les jeunes, ou pour réaliser de simples travaux dans l’espace puisqu’on dépend entièrement du ministère.
Vous avez dit que la majorité du terrain de football qui existait autrefois, n’est plus à présent, n’est-ce pas ?
Je le répète encore une fois, on n’a pas un État visionnaire. Autrefois, chaque lycée avait cinq moniteurs de sports dans les domaines du foot, du basket-ball, du volley-ball, d’athlétisme. Il y avait aussi un animateur de jeunesse qui guidait les jeunes vers la musique, la danse, le théâtre etc.
Autrefois, l’État était responsable. Étant donné qu’il y avait des jeunes qui prenaient des formations, ces terrains avaient leur importance. Mais la majorité de ces espaces a disparu au fil des ans.
Que suggérez-vous à l’État haïtien ?
Le MJSAC n’a aucun plan de développement pour le sport en Haïti. Tout d’abord, l’État doit être en mesure de faire le choix de visionnaires pour diriger ses ministères. Ainsi le MJSAC pourra être épargné des hommes politiques qui n’ont parfois aucune connaissance sportive.
Le MJSAC est l’une des entités de l’État qui investissait dans la formation de ses cadres. Nombreux sont les diplômés, des hommes qui ont des maîtrises universitaires dans des domaines sportifs, qui laissent le pays. Ce, parce qu’ils perçoivent quatorze ou quinze mille gourdes comme salaire.
L’État doit augmenter le budget du MJSAC. Seulement 0,4 % du budget de la République est alloué à ce ministère. Le secteur ne peut pas faire grand-chose avec un budget aussi pauvre. Qui pis est, le ministère a trois volets : jeunesse, sport et action civique.
Cet article a été modifié pour reconnaitre l’incertitude sur le cout exact de la rénovation du Centre sportif Dadadou. Le chiffre de 13 millions évoqué dans une première version de ce texte provenait de rapports de presse. Ils n’ont pas été confirmés après vérifications supplémentaires. 11.4 10.9.2021
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