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Football : La suspension du championnat haïtien plonge les joueurs dans un chômage prolongé

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«Si ce n’était l’aide de mes parents et certains proches, moi et plusieurs autres joueurs aurions pu faire partie d’un groupe de gang», confie à AyiboPost un joueur en deuxième division

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Ils ne sont ni en congé, ni blessés, mais depuis plus de deux ans, les joueurs des championnats de football en Haïti se trouvent dans un «chômage prolongé».

Cette situation est liée au fait que le championnat national haïtien est suspendu depuis mai 2021 en raison de l’insécurité qui ronge le pays en particulier la capitale haïtienne. Face à ce contexte, plusieurs joueurs jouant en première et en deuxième division du championnat haïtien racontent leurs situations à AyiboPost.

«Le football est notre seule activité et notre seule profession. Si ce n’était l’aide de mes parents et certains proches, moi et plusieurs autres joueurs aurions pu faire partie d’un groupe de gang», affirme Grégory Cherilus, joueur du Vision de Hinche en deuxième division.

Cette situation est liée au fait que le championnat national haïtien est suspendu depuis mai 2021 en raison de l’insécurité qui ronge le pays en particulier la capitale haïtienne.

Si Grégory Cherilus vit de la bienfaisance de ses parents, Jimmy Ordena, joueur de l’équipe Tempête de Saint Marc s’adonne à l’escompte en prêtant de l’argent à des particuliers pour en tirer profit.

«Je collabore avec ma mère dans son business», révèle Cherilus à AyiboPost. «Je prête aussi de l’argent à des commerçants. En retour, ils me remboursent avec des intérêts», expique-t-il.

Pendant l’arrêt du championnat, la majorité des équipes suspend les paiements. Les «championnats de vacances» restent la principale alternative des joueurs dans cette période de dysfonctionnement.

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«Les championnats de vacances sont précieux pour moi, pas seulement pour l’argent des équipes, mais aussi pour les dons effectués par des fans pour les buts marqués», déclare Anderson Nalien qui a passé environ deux ans au Brésil dans le programme VIVA Rio. «En ce qui concerne les paiements des joueurs, les contrats ne sont pas respectés surtout dans les clubs de provinces, où ces structures vivent au jour le jour», rajoute le joueur.

Les championnats de vacances sont précieux pour moi, pas seulement pour l’argent des équipes, mais aussi pour les dons effectués par des fans pour les buts marqués.

Contacté par AyiboPost, Jean Yves Bernard, président de l’America des Cayes, dit être conscient de la situation. Son équipe n’est pas en mesure de payer les joueurs. «Il n’y a pas de match, pas de sponsors, c’est difficile de payer les joueurs dans ces conditions», se justifie Bernard avant d’ajouter : «les joueurs sont pratiquement libres de signer où ils veulent».

Le Violette AC continue de payer ses joueurs, malgré la menace des championnats de vacances. Intervenant dans une émission sur AyiboSport, Webens Precimé (Itala), directeur technique du VAC, a précisé que le Champion du tournoi caraïbéen 2022 paie ses joueurs régulièrement. «Le Violette reste à jour avec ses joueurs en les payant même treize mois sur douze, dit Precimé. «Si un joueur ne respecte pas notre accord en jouant dans les championnats de vacances, il sera sanctionné», a ajouté l’ancien international haïtien.

Selon Nathan Laguerre, avocat spécialisé en droit du sport, le paiement des joueurs dépend de la nature de leurs contrats avec les clubs.

« Dans un contrat de travail classique, les clubs peuvent ne pas payer les joueurs tenant compte du fait de la relation de travail qui implique un échange de salaire en contrepartie d’un travail fourni », analyse Laguerre qui s’interroge sur la nature des relations existant actuellement entre les joueurs et les clubs.

 

Les «championnats de vacances» restent la principale alternative des joueurs dans cette période de dysfonctionnement.

Or, les joueurs ont signé des contrats qui les lient légalement à leurs clubs. « Si l’on fait une analyse stricte de la notion de contrat, qui implique des obligations réciproques, les joueurs ont l’obligation de jouer, pour leurs clubs, et les clubs retiennent l’obligation de payer, souligne Nathan Laguerre. Dans ce scénario, les clubs doivent payer, parce que les joueurs ne sont pas responsables de l’arrêt du championnat », souligne Nathan Laguerre.

L’arrêt du championnat national a une lourde conséquence au niveau régional pour le football haïtien. La Confédération d’Amérique du Nord, Central et la Caraïbe a décidé de mettre à l’écart tous les clubs haïtiens dans ses compétitions régionales. Selon la CONCACAF, cette décision a été prise compte tenu du fait que «la ligue haïtienne n’a commencé aucune activité de football en 2022 et n’a jusque-là pas repris le championnat».

Le Violette AC, champion du tournoi caribéen en 2022 et quart de finaliste de la Ligue des Champions de la Concacaf 2023, ne pourra pas défendre sa place dans l’une de ces compétitions pour l’édition 2023-2024.

La Confédération d’Amérique du Nord, Central et la Caraïbe a décidé de mettre à l’écart tous les clubs haïtiens dans ses compétitions régionales.

Les clubs jamaïcains et dominicains sont les principaux bénéficiaires de cette sanction, car ils obtiennent une place supplémentaire qui, auparavant, était réservée aux clubs haïtiens.

Parallèlement, les sélections haïtiennes de football misent sur les expatriés pour jouer dans les compétitions internationales et les matchs amicaux. Ainsi, la majorité des joueurs sélectionnés dans la sélection masculine jouent dans un club à l’extérieur du pays. Dans la liste des 23 joueurs sélectionnés pour la Gold Cup 2023, seul Steven Sabba, joueur du Violette, jouait en Haïti.

C’est également le cas pour la sélection féminine. Parmi les 23 joueuses sélectionnées lors de la dernière Coupe du Monde féminine, seule Esthericove Joseph était affiliée à un club haïtien.

À ce jour, difficile de dire quand les championnats nationaux haïtiens reprendront. L’insécurité bat son plein dans la capitale haïtienne et la FHF n’a toujours pas trouvé un accord avec les clubs malgré plusieurs tentatives de réunion.

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Roberto Baggio Louima et Elyvans Dejean, deux joueurs du Viollette AC, continuent leur carrière en prêt en République Dominicaine. Anderson Nalien n’a pas eu cette opportunité parce qu’il n’avait pas le contact nécessaire, dit-il.

Face à l’incertitude qui règne autour du championnat haïtien, Nalien se fixe un autre objectif : «comme beaucoup d’Haïtiens, j’attends l’email du « Programme Biden » avec l’espoir que ma vie puisse changer».

Cet article a été mis à jour pour préciser une citation de Nathan Laguerre 16.9 6.11.2023

Par Kervens Merisema

© Image de couverture : freepik


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Kervens Merisema est étudiant mémorant en Communication sociale à l'Université d'État d'Haïti (UEH). Passionné d'histoire et de sport, il est journaliste à AyiboSport depuis juin 2021.

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