Cette situation pénalise les étudiants qui veulent soutenir leur mémoire de sortie
Au sein de l’Université d’État d’Haïti, des professeurs peuvent passer des années sans communiquer les résultats des examens de passage.
Ce comportement peu professionnel entrave le parcours académique des étudiants et explique, en partie, la quantité insuffisante de jeunes universitaires qui arrivent à boucler leur cycle d’études avec la soutenance d’un mémoire de sortie.
Jacki Valerice est de ceux-là.
Entré à la Faculté des Sciences humaines (FASCH) en 2008, il passe les examens pour un cours de Sociologie des organisations en 2010. Un seul professeur dispensait alors la matière pour la session.
Dix ans plus tard, Valerice attend encore sa note malgré les multiples démarches entreprises auprès de l’administration de la faculté.
L’étudiant s’est adressé au secrétaire général de l’entité Jean Yves Bartellemy en 2016. Ce dernier a affirmé qu’il est conscient du problème et lui avait demandé de convaincre le professeur d’envoyer les notes même par un simple message sur WhatsApp.
Valerice s’est mis à l’œuvre en multipliant les appels téléphoniques, courriels et messages privés. Mais, il n’a toujours reçu aucune réponse de la part du professeur qui, pourtant, dispense ses cours chaque nouvelle session à la faculté.
Des interventions directes
« Il y a malheureusement des professeurs qui soumettent les notes avec beaucoup de retard », admet le doyen de la FASCH, Josué Vaval, qui dit reconnaître l’existence de cette tendance. « Cela requiert souvent des interventions de manière directe, du responsable du département parfois, pour débloquer l’étudiant ».
Cette situation entrave l’ambition des étudiants. Jacques Charles par exemple a terminé son mémoire en sociologie au mois de décembre 2019, mais il peine encore à le soutenir devant un jury.
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Son blocage : la note manquante pour un cours d’animation sociale qu’il a suivi avec une professeure depuis 2017.
Ce jeune sociologue souligne qu’il vient de perdre l’opportunité de suivre un programme de maîtrise en France à cause de la négligence de la professeure. « Si j’avais eu les résultats du cours d’animation sociale, je me serais inscrit comme plusieurs de mes camarades l’ont fait depuis le mois d’août 2019 ».
Réussir tous les cours
Rentrée à la FASCH en 2010, Stecy (prénom d’emprunt) a aussi tout fait pour boucler le cursus académique malgré les affres du système de crédit de cette entité de l’UEH.
En 2014, Stecy parvient à la fin du cycle d’études. À ce stade, elle attend uniquement le résultat d’un cours pour avoir toutes ses notes.
Elle entame alors la rédaction de son mémoire de sortie qu’elle termine en 2016. Mais jusqu’à cette année, le professeur en question tardait à publier les résultats pour un examen réalisé deux ans auparavant.
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L’ennui, c’est qu’à l’UEH, pour déposer son mémoire, il faut détenir un certificat du secrétariat général attestant la réussite de tous les cours.
Ainsi, Stecy entamera deux années de luttes, à côté d’autres collègues, qui se sentaient lésés par la nonchalance du même professeur. Elle obtiendra finalement les résultats de l’examen en 2018, soit 4 ans plus tard.
« Grâce à la bataille que nous avons entamée contre l’insouciance du professeur, il a publié des résultats en 2018 et nous étions étonnés de tomber sur les notes d’un étudiant qui a subi des examens depuis 2012 », révèle Stecy.
Certificat temporaire
À la FASH, certaines matières sont dispensées par un seul professeur, ce qui complique encore plus les démarches des étudiants qui seraient partants pour reprendre les cours avec un superviseur plus réactif.
Pour tempérer les effets de cette pratique, les autorités de l’université accepteraient désormais de délivrer le « certificat » aux étudiants ayant une note manquante afin qu’ils puissent déposer leur mémoire de sortie.
Cette information n’est ni confirmée ni infirmée par le doyen de la FASCH. Cependant, Josué Vaval rappelle que « l’étudiant ne pourra pas soutenir son travail de mémoire en ayant une note manquante ».
De plus, Josué Vaval confie que des « mesures sont prises au niveau du conseil des études » obligeant les professeurs à soumettre à temps les notes des étudiants. Il regrette néanmoins que « ces mesures ne soient pas respectées à 100 % ».
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Devant l’entêtement de certains professeurs, Josué Vaval souligne que la faculté se voit parfois obligée de prendre des sanctions qui sont de deux ordres.
La première est interne et concerne l’engagement du professeur. En cas de sanction, la faculté peut ne pas programmer le professeur et l’obliger à se faire remplacer par quelqu’un qu’il doit payer lui-même.
La deuxième, c’est sa révocation pure et simple au niveau du Ministère des Finances.
Selon Josué Vaval, il y a déjà, un professeur retardataire qui a subi la deuxième sanction.
Contacté, le vice-recteur aux affaires académiques de l’UEH, Hérold Toussaint, confie que le rectorat a déjà traité pareilles dérives qui touchent toute l’Université. Cependant, il souligne que « chaque faculté gère généralement le problème à l’interne ».
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