La population civile fuit en masse, différents endroits sont assiégés par des gangs armés, des pénuries de produits de première nécessité se font sentir
Le contexte sécuritaire de l’aire métropolitaine ne cesse de se détériorer depuis le début de l’offensive violente des gangs contre les institutions étatiques le 29 février dernier.
La population civile fuit en masse, différents endroits sont assiégés par des gangs armés, des pénuries de produits de première nécessité se font sentir.
Depuis lors, des lieux tels que : Portail Léogane, rue Magloire Ambroise, le Marché Salomon au bas de la ville, sont le théâtre des affrontements entre les forces de l’ordre et les criminels.
Le jeudi 29 février, le commissariat de la commune de la Croix-des-Bouquets a été attaqué par les gangs, coûtant la vie à 6 policiers qui ont demandé en vain des renforts pendant plusieurs heures.
Le même jour, plusieurs institutions ont été vandalisées et pillées.
C’est le cas de l’Office National de Vieillesse (ONA) à Shada, la Faculté d’Agronomie et de Médecine Vétérinaire (FAMV) ainsi que les locaux du ministère de l’agriculture (MARNDR) à la Croix-des-Missions. On a également constaté des actes de saccage dans une école pour enfants spéciaux à la ruelle Alerte.
Le sous-commissariat de cette zone a également été la proie des bandits qui l’ont incendié.
Le transport aérien est à l’arrêt sur tout le territoire. Plusieurs compagnies telles que Jet Blue, Air Transat, American Airlines ont annoncé avoir suspendu leurs vols suite aux attaques orchestrées sur l’aéroport international Toussaint Louverture. Plusieurs avions ont été touchés par des projectiles.
Des actes de violence inouïe sont enregistrés le jour suivant, soit le 1er mars, avec l’incendie de l’Office d’Assurance Véhicule Contre Tiers (OAVCT) à Tabarre, le pillage suivi d’incendie du mini-supermarché «La Province Market» à l’angle des rues de l’Enterrement et Oswald Durand.
La panique a continué durant la journée du 2 mars. Dans la soirée, une extraordinaire évasion de la prison Pénitencier National, où des criminels notoires étaient détenus, a eu lieu.
Malgré les alertes concernant une possible offensive contre le plus grand centre carcéral du pays, cela n’a pas empêché l’attaque de se produire.
Sur environ 3 687 prisonniers détenus dans cette prison civile, il ne resterait qu’une petite centaine après l’évasion, parmi eux, les ressortissants colombiens impliqués dans l’assassinat de l’ancien président Jovenel Moïse. Plusieurs individus importants inculpés dans l’affaire ont pris la fuite.
Depuis cette escalade de la violence, une dizaine de commissariats ont été détruits, des points fixes habituels de la zone métropolitaine restent sans aucune présence policière.
Le 3 mars, l’hôpital Saint François de Sales n’a pas été épargné par les scènes de pillage à la rue de l’Enterrement.
D’autres grands hôpitaux font face à d’énormes difficultés d’approvisionnement en intrants médicaux et à une absence de personnel soignant.
Un groupe de manifestants s’identifiant comme sympathisant du parti «Pitit Desalin» et du groupe «Fòs Kanapevè» s’est rendu devant l’ambassade du Canada sur la route de Delmas, lors de la journée du 7 Mars.
Certains d’entre eux ont jeté des pneus enflammés dans l’enceinte de l’ambassade.
À ce jour, aucun bilan officiel n’a été communiqué par le gouvernement, qui s’est contenté de décréter un couvre-feu pour un mois dans le département de l’Ouest.
Depuis le 29 février, des citoyens fuient la rue Cameau, le bas Delmas, Portail Léogâne, la rue Magloire Ambroise, etc. pour se réfugier ailleurs.
L’Organisation Internationale de la Migration (OIM) a déjà identifié quinze des sites d’accueil précédents de déplacés internes, qui sont complètement vidés de leurs occupants.
Le vendredi 8 mars 2024, l’ébullition politique semble avoir épargné les rues de Port-au-Prince. Les marchés – comme à Christ-Roi – fonctionnaient. Les camionnettes s’en allaient, et revenaient. La vie reprenait son cours…
Dans les environs du Champ-de-Mars, un stationnement improvisé de bus était observable. Habituellement, cette station se trouve aux abords du stade Sylvio Cator.
En apparence, la ville reprenait vie. Mais ce n’est qu’une illusion. Trompeuse, certainement. Car, les longues files dans les stations-service et les points de distribution d’eau laissent présager de prochaines pénuries de carburant et d’eau potable.
Certains supermarchés signalent également une affluence inhabituelle : à Star 2000 sur la route de Delmas, une ligne impressionnante peut être observée dans l’après-midi du vendredi 8 mars.
L’ébullition politique s’accompagne de pillages de nombreux magasins. D’attaques contre le port le plus important du pays, avec la promesse d’une famine probable – comme le rapporte l’ONG Mercy Corps, si rien n’est entrepris dans les jours à venir pour rétablir le fonctionnement de ces institutions.
Des cadavres – souvent calcinés – gisent dans certaines rues. Comme ces deux pieds non brûlés, seuls témoins restants d’un ancien corps – à moitié consumé, toujours à la Ruelle Rivière. «Deux hommes sont arrivés et l’ont exécuté dans la soirée», témoigne un homme à AyiboPost, encore sous l’emprise de la terreur de la scène.
Les policiers ne s’aventurent pas dans les rues.
«Des rues laissées aux criminels», estime Samuel Madistin, lors d’une interview jeudi avec AyiboPost. L’avocat, président de la fondation Je Klere, appelle à un changement de leadership à la police nationale d’Haïti et au sein de l’armée dans un contexte où des négociations politiques doivent déterminer l’avenir.
Un avenir qui – selon le département d’État des États-Unis – n’inclurait pas l’actuel Premier ministre, Ariel Henry, sous l’administration duquel les quelques institutions encore debout dans le pays se sont effondrées.
Et la descente continue.
Par Jean Feguens Regala et Jérôme Wendy Norestyl
Widlore Mérancourt a contribué à ce reportage.
Image de couverture : Un manifestant tenant une pancarte exigeant le départ du Premier ministre de facto Ariel Henry devant l’ambassade du Canada, le 7 mars 2024. | © Jean Feguens Regala/AyiboPost
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