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Balade photos au Cap-Haïtien, ville historique d’Haïti

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La ville regorge de monuments historiques, et elle a vécu des moments marquants

La ville du Cap Haïtien a fêté les 350 ans de sa création le 15 août 2020. Les débats sur cette commémoration sont très polarisants. Certains croient que l’héritage du colon ne doit pas être mis en avant, pour ne pas faire l’apologie de la colonisation. Comme la ville a été détruite plusieurs fois, ils pensent qu’il est plus logique de compter à partir de sa reconstruction.

D’autres au contraire ne veulent pas enlever le poids de l’histoire, coloniale ou pas. Selon eux, ce sont différents pans de la vie de la ville, ce qui témoigne de sa riche histoire.

Quoiqu’il en soit, le Cap-Haïtien demeure l’une des villes historiques les plus importantes du pays, tant de grands évènements, qui ont une portée nationale s’y sont déroulés. Certains édifices traînent derrière eux des décennies d’histoire, et parfois de drames.

 

Hôpital Justinien

Le centre hospitalier de référence de la ville.

C’est en 1880 que l’idée de créer un hospice pour accueillir les déshérités de la ville du Cap Haïtien a germé dans l’esprit d’Etienne Justinien, maire de la ville à l’époque. Le projet était difficile à réaliser parce qu’il coûterait beaucoup d’argent, mais le maire ne se laissa pas abattre. Il choisit le local d’une ancienne caserne, située sur une petite colline, pour abriter son projet. 

Récolter les fonds a été difficile. A son ami architecte  Frederick Rutter, qui lui faisait entrevoir les difficultés d’une telle construction, il répondit: “Donnez-moi un plan et je me charge de trouver l’argent”.

10 ans plus tard, le 16 mars 1890, l’hospice était inauguré. Avec le concours des sœurs de la Congrégation des filles de la sagesse, Etienne Justinien, nommé administrateur, le dirigea pendant 22 ans jusqu’à ce que la mort l’emporte.

Sous l’occupation américaine, l’hospice se transforma en hôpital. Aujourd’hui, l’hôpital justinien est aussi un centre universitaire qui forme des médecins et des infirmières.

 

Marché Cluny (ou Clugny)

C’est le marché central de la ville. On le connait aussi sous le nom de “mache ri 10”, à cause de son emplacement.

Le principal marché de la ville.

Ce marché existe depuis l’époque coloniale, vers les années 1760. Il est situé sur la place Cluny, et fonctionnait en plein air à l’époque. On y vendait notamment des esclaves. 

En 1890, le président Florvil Hyppolite l’a construit en fer. Cela lui a donné le surnom de marché en fer. Ce marché est aujourd’hui un exemple frappant du problème d’urbanisation de la ville. Il est une source importante d’embouteillage, à cause notamment des camions de marchandises qui y débarquent à longueur de journée.

 

La maison d’Antenor Firmin

La maison d’Anténor Firmin, rue 18 I.

 

Anténor Firmin (1850-1910) est un intellectuel et homme politique du Cap-Haïtien, d’origine très modeste. Il est notamment connu pour son ouvrage de l’égalité des races humaines. Ce livre, un plaidoyer pour la race nègre, était une réponse à l’essai de l’inégalité des races humaines, de Joseph Arthur de Gobineau, ouvertement raciste. 

Jose Marti, apôtre de l’indépendance cubaine, a pendant longtemps été l’ami de Firmin, et disait de lui le plus grand bien.

Atelier à l’intérieur de la maison d’Anténor Firmin.

Anténor Firmin est mort en septembre 1910. La maison dans laquelle il vivait, qui a été construite vers 1825,  a été dévorée par les flammes. Dans cette bâtisse aujourd’hui en ruines, indifférent au poids de l’histoire,  un atelier d’ébénisterie fonctionne à plein régime.


Union Club
Ce bâtiment construit par Christophe était un observatoire, sous son règne. Au début du 20e siècle, il deviendra un club privé, appelé Union Club. Ce club était un cercle où l’élite de la ville, tant intellectuelle qu’économique, se réunissait. Le bâtiment était décoré avec ostentation, et était une preuve de la bonne santé économique des membres qui le fréquentaient. Le président Paul E. Magloire en était lui-même un membre.

Le bâtiment de l’Union Club, abrite aujourd’hui une institution d’enseignement supérieur

De grands noms ont visité l’Union Club. C’est là que le président Stenio Vincent a signé avec le président Franklin D. Roosevelt l’accord qui mettait fin à l’occupation américaine d’Haïti.

L’Union club connaîtra une triste fin. François Duvalier, invité à maintes reprises, avait toujours refusé de s’y rendre. La seule fois qu’il y est allé, il a commencé son discours en s’adressant ainsi à Charles Leconte, président du club: « Président, parce que vous êtes président, avec un petit “p“ sans doute, mais président quand même… »

Duvalier se méfiait de l’élite qui se réunissait dans les salons du club. Il ne voyait en eux que des potentiels conspirateurs, partisans de Paul Magloire. Vers les années 1960, il fit fermer le club, pour y installer des organismes de l’Etat.

Aujourd’hui, le bâtiment abrite l’université du roi Henri, une institution privée.

Barrière bouteille

Les trois guérites de la Barrière

L’origine du nom de Barrière bouteille n’est pas bien connue. Pour certains il provient de la forme des édifices, pour d’autres du nom d’un colon appelé Bouteille.

Quoiqu’il en soit, Barrière bouteille est placée à l’entrée Sud de la ville. Son histoire est intéressante. Il s’agit en fait d’une fortification. Couplée au fort de Bel air, situé dans les hauteurs de la ville, non loin, la barrière bouteille a beaucoup contribué à rendre la ville du Cap-Haïtien imprenable. Mais à l’époque coloniale, elle n’était composée que de deux guérites. C’est en 1954, pour le cent-cinquantenaire de l’indépendance, que sera ajoutée une troisième.

Il est rapporté qu’à une époque, les véhicules qui entraient dans la ville étaient inspectés en bonne et due forme à leur arrivée à la barrière bouteille. On la transforma même en poste de péage. Tous les véhicules, à l’exception de ceux de l’Etat, étaient assujettis à une taxe d’une gourde pour entrer dans la ville.

Normalement peintes en jaune, les guérites ont été au cœur de la polémique quand en 2012, sous la présidence de Michel Joseph Martelly, elles revêtiront la couleur rose du parti présidentiel PHTK.

Barrière bouteille est aujourd’hui dans un piteux état, à l’image d’une bonne partie de la ville. Pourtant en 2012, les trois guérites avaient été restaurées.


Délégation du Nord

Ancien palais du roi Henri

Cet édifice abritait le palais de Henri Christophe, devenu le roi Henri 1er. Situé à l’Ouest de la place d’armes Notre Dame, il est l’un des bâtiments construits par le roi, pour rehausser le prestige de la ville, capitale de son royaume. Mais Henri Christophe lui préférait de loin le palais Sans-soucis, à quelques kilomètres du Cap-Haïtien, dans la commune de Milot.


Vertières
Connu comme l’endroit où a eu lieu la dernière bataille pour l’Indépendance du pays, le 18 novembre 1803, Vertières reste un site historique de haute valeur. Les présidents se sont succédé pour déposer des gerbes de fleurs aux pieds des statues des héros et héroïnes de l’indépendance.

Le monument de Vertières, sous un autre angle



Ce monument érigé en 1953, est rentré dans le patrimoine national en 1995. Il met en scène six personnes, dont deux femmes. Il y a également un cheval, celui de François Cappoix, touché par un boulet de canon, selon la légende.

Les différentes statues n’ont pas été sculptées par des Haïtiens. C’est le Cubain Juan José Sicré Matanzas qui a été choisi par Paul E. Magloire, pour ces œuvres. Elles avaient été créées dans le but de commémorer le cent-cinquantenaire de l’indépendance.

En 2011, le site a été vandalisé. Des individus ont dérobé des pièces comme l’épée de François Capoix, appelé Cappoix la mort pour sa bravoure.

La grande prison du Cap-Haïtien

La grande prison du Cap-haïtien


Cette caserne, aussi prison, a été pillée en 1986 lors de la chute de Jean Claude Duvalier. Les locaux ont en partie été restaurés par l’Institut de sauvegarde du patrimoine national, qui y a créé le centre jacques Stephen Alexis. L’Ispan y a aussi érigé son bureau local. Le centre loge également les bureaux de la direction départementale du ministère de la culture et de la communication.

Fort Picolet
Le fort Picolet a été érigé dès l’époque coloniale par Jean-Valentin Vastey en 1769. Il surplombe la mer, près de Rival, une plage publique qui fait le bonheur des baigneurs et des adeptes de la course à pied. Il fait partie d’un ensemble de forts appelés à défendre la rade du Cap-Haïtien. Cet ensemble sera complété par le fort Saint-Joseph, et le fort Etienne Magny, du nom d’un soldat de Christophe.

Vue aerienne du fort Picolet


Pendant un temps, le fort Picolet était sous le commandement d’Henri Christophe, alors que Toussaint Louverture était gouverneur général de la colonie. En 1802, le général Leclerc, envoyé de Napoléon Bonaparte, accompagné d’une flotte de vaisseaux apparait dans la rade du Cap-Haitien, avec pour mission d’envahir la ville.

Cette expédition se déroulait en même temps que d’autres, à Fort Liberté, et au Port Républicain (Port-au-Prince). Christophe refusa de livrer la ville, parce qu’il n’en avait pas reçu l’ordre de son chef, Toussaint Louverture.

Agacé, Leclerc fit parvenir une lettre à Christophe, dans laquelle il lui intimait l’ordre de céder ses positions, sous menace d’envahir la ville avec plus de 15000 hommes. Henri Christophe répondit en ces termes: ‘[…] Si vous avez la force dont vous me menacez, je vous prêterai toute la résistance qui caractérise un général; et si le sort des armes vous est favorable, vous n’entrerez dans la ville du Cap que lorsqu’elle sera réduite en cendres, et même sur ces cendres je vous combattrai encore […]”.

Mettant à exécution ses paroles, Christophe fit évacuer la ville et intima l’ordre d’y mettre le feu. Le fort Picolet devait donner le signal de l’incendie par un coup de canon, au soir du 4 février 1802.

Lorsque les Français débarquèrent, le futur roi avait tenu parole: la ville n’était que flammes et cendres.

Cimetière du Cap-Haïtien

Porte d’entrée du cimetière


Pendant longtemps, surtout aux temps de la colonie, le cimetière du Cap-Haïtien était situé aux côtés de la cathédrale Notre Dame. Il a par la suite été déplacé, pour être relogée ici, en dehors du centre-ville.

Trois enfants morts.



Ce monument mortuaire est à la mémoire de trois enfants, d’une même famille, Les Kampmann. Ils sont tous les trois morts très jeunes. Marie Joseph Yvonne, Frantz et Marie Marcelle sont décédés respectivement à quatre ans, deux ans, et 15 mois.

La maison de Nord Alexis

Le général Nord Alexis a été président du pays de 1902 à 1908. Cette maison en briques rouges lui appartient. De style victorien, les maisons de ce type étaient réservées à une certaine élite économique.

Jameson Francisque

Les photos sont de Frantz Cinéus et de Feguenson Hermogène

 

Journaliste. Éditeur à AyiboPost. Juste un humain qui questionne ses origines, sa place, sa route et sa destination. Surtout sa destination.

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