Le 12 janvier 2010, la terre a tremblé. Mère Nature obligeait tous ceux qui avaient les moyens financiers à s’envoler vers une terre étrangère. Me concernant, je m’envolais vers le Canada. Ce voyage soudain et non planifié allait me permettre de prendre du recul par rapport à ce que vivait mon pays. Je ne voulais pas partir et j’avais le sentiment d’avoir été arrachée à ce qui est mien.
Sur la route m’amenant à l’aéroport, de temps à autre je regardais en arrière, mais malheureusement, chaque minute m’éloignais un peu plus de chez moi. J’avais l’etrange impression d’être dans un rêve. J’avais le cœur serré mais je prenais courage, imaginant que mon retour serait pour bientôt. Arrivée à l’aéroport, je fis des adieux sans fin à mes parents. Au fond de moi, j’avais l’impression de les laisser pour toujours. Je voulais être rassurée. J’ouvris ma bouche tremblotante:
- « Papi, je reviens toujours le 1er mars ? »
- « M’ poko konnen cheri, m’ poko konnen. »
Ces mots m’ont déchiré le cœur et m’ont hanté jusqu’au jour où j’ai décidé de retourner chez moi.
Je suis arrivée à Montréal dans les débuts de ma vingtaine. Dans ma tristesse la plus profonde, j’ai été éblouie par la beauté des premiers flocons de neige, par les feuilles aux milles couleurs de l’automne et par le printemps érable. Mais je n’ai pas de souvenirs d’y avoir été heureuse. Il me manquait le réveil naturel du matin, les fleurs du midi, le soleil brulant de l’été, le ciel bleu étoilé pour me sentir exister. Pourtant, j’habitais dans une belle ville, l’une des plus sécuritaires en Amérique du Nord. Mais là n’était pas la question. Mon cœur était en lambeaux et mon âme meurtrie. Il fallait que je revienne dans les bras de ma douce mère, Haïti pour retrouver le bonheur.
Haïti est ce petit pays qui change mon état d’âme, qui transforme mes contorsions de peines en danses de joie. C’est ce que j’appelle « peyi bonè ». Haïti est ce pays qui fait monter mon taux d’adrénaline quand j’y retourne passer des vacances. C’est ce pays qui donne une valeur ajoutée à mes rêves et qui réveille en moi les plus beaux souvenirs de mon enfance. Malgré toutes ces longues années passées en terre étrangère, je n’ai jamais réussi à me détacher du pays où mon cordon ombilical a été enterré. Cette terre est mon Haïti chérie parce que c’est ici que j’ai été aimée avant même d’avoir compris ce qu’était l’amour; parce qu’ici, même quand tout semble noir, les gens ont toujours le sourire sur le visage; parce qu’ici de parfaits inconnus me manifestent leur amour quand ils m’appellent « ti cheri », « ti dou », « ti kòkòt ».
Comme disait Othello Bayard, il fallait que je laisse Haïti pour comprendre et connaitre sa véritable valeur. Mais aujourd’hui, je suis chez moi, dans le pays qui m’a vue naitre et grandir, dans le pays où j’ai prononcé mes premiers « je t’aime ». Mwen nan peyi ke m’ rele pa m’ et la bonne nouvelle, c’est que je suis plus qu’heureuse.
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.Quéth
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