La rentrée scolaire d’octobre s’est déroulée sous la mitraille des gangs. Beaucoup d’écoles privées et publiques servent de refuges temporaires pour les personnes déplacées
Près de 3 000 écoles dans le département de l’Ouest et du bas-Artibonite, situées dans des zones contrôlées par des gangs, sont fermées.
Ces chiffres, révélés à AyiboPost par le directeur du ministère de l’Éducation nationale et de la Formation professionnelle, Yves Roblin, mettent en lumière l’échec des autorités à contenir la violence des gangs.
Cette situation affecte particulièrement les lycées et écoles nationales, principalement fréquentés par des enfants issus de milieux populaires.
Le département de l’Ouest compte 6 857 écoles, dont 525 publiques et 6 332 non publiques, selon les données du Système d’Information pour la Gestion de l’Éducation (SIGE) du MENFP.
Le département de l’Artibonite dispose de 2 621 écoles, dont 522 publiques et 2 099 non publiques.
La rentrée scolaire d’octobre s’est déroulée sous la mitraille des gangs. Beaucoup d’écoles privées et publiques servent de refuges temporaires pour les personnes déplacées.
Cette situation affecte particulièrement les lycées et écoles nationales, principalement fréquentés par des enfants issus de milieux populaires.
Des institutions comme l’École nationale Dahomey, hébergée dans les locaux de l’École nationale République dominicaine à Delmas 12, et l’établissement Pierre Sully à Delmas 16 peinent à fonctionner dans ces zones contrôlées par Jimmy « Barbecue » Cherizier, un puissant hors-la-loi. L’établissement est menacé par des hommes armés qui exigent sa fermeture, déclare à AyiboPost le directeur de Dahomey, Manès Georges.
En raison de la violence, les élèves du 1er et 2e cycle étaient peu nombreux lors de la première semaine de l’ouverture. Le 3ᵉ cycle de l’institution tente malgré tout de fonctionner pour les enfants des quartiers de Solino et du Village de Dieu.
Cette école avait déjà dû quitter son local à Delmas 6 en 2019 en raison des assauts de gangs. La plupart des enfants de l’Ouest et de l’Artibonite changent d’école à un rythme intenable.
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Marck Angel Janvier, 13 ans, habitait la zone de Caridad à Carrefour-Feuilles avec sa mère. Cependant, la famille a dû fuir la zone après l’incendie de leur maison lors d’une attaque de gangs l’an dernier. L’enfant fréquentait auparavant le Collège Notre Dame de la Caridad. Il a ensuite été inscrit au lycée Fritz Pierre Louis.
Il a quitté de nouveau cette école, devenue infréquentable au centre-ville, pour l’École nationale Isidore Boisrond en février 2024, lors des attaques du gang Viv Ansanm au centre-ville de Port-au-Prince.
Aujourd’hui, Janvier n’est plus scolarisé. « Quand je vois un enfant aller à l’école alors que je ne peux plus le faire, cela me donne envie de pleurer », confie-t-il à AyiboPost.
L’École nationale République Dominicaine, auparavant située du côté de Delmas 14, s’est relogée dans les locaux de l’École République du Canada en février 2024.
L’institution, qui accueille des enfants issus des quartiers de Tokyo, Cité Soleil, La Saline, et Pont-Rouge, ne pouvait plus fonctionner en raison des attaques de la coalition de gangs Viv Ansanm.
« Les bandits ont pillé l’espace, emportant les portes, les céramiques et détruisant les murs et le bloc sanitaire », explique à AyiboPost Donald Damelus, directeur du 3ᵉ cycle fondamental de l’école.
Quand je vois un enfant aller à l’école alors que je ne peux plus le faire, cela me donne envie de pleurer,
-confie-t-il à AyiboPost.
L’insécurité affecte également le lycée Daniel Fignolé.
Localisé initialement à Delmas 6, cet établissement a été relocalisé l’année dernière dans les locaux de l’École Nationale du Canada à Delmas 3 et au Collège Immaculée Conception à Delmas 11.
Cette année, l’école a trouvé refuge à Delmas 31 à Saint-Louis de Gonzague, puis finalement au Collège Immaculée Conception. « Lors de la semaine d’ouverture, nous avons recensé environ 450 élèves », précise son directeur, Karnold Annelas.
Le lycée Alexandre Pétion, situé au Bel-Air, a cessé ses activités en 2023.
En février 2024, l’établissement s’est relogé dans les locaux de l’Université Américaine des Sciences Modernes d’Haïti (UNASMOH) à la rue Christophe. Bien que le montant du contrat avec l’État haïtien pour la période de mai à août ne soit pas précisé, l’État peine à régler sa dette envers l’UNASMOH.
Les propriétaires ont tenté d’expulser l’établissement pour non-paiement le 6 novembre 2024, explique le directeur du lycée, Carriey Derival.
L’insécurité impacte l’effectif des établissements.
L’École nationale République du Dahomey a enregistré une baisse des effectifs lors de la rentrée scolaire 2024.
L’institution comptait environ 2 500 élèves en 2017. « Pour l’année scolaire 2023-2024, nous avons clôturé avec 325 élèves », indique son directeur Georges.
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Les enseignants se rendent rarement à l’établissement en raison de l’insécurité. L’École nationale République dominicaine, qui comprend trois cycles d’étude, est passée d’approximativement 600 élèves en 2023 à 200 cette année.
Les enseignants ne peuvent plus se rendre à l’école, rapportent les responsables. « Au lycée Daniel Fignolé, nous avons perdu la majorité de nos élèves », informe le directeur Karnold Annelas.
Le lycée attend théoriquement 800 élèves cette année, soit une baisse importante par rapport aux 2 000 élèves environ en 2021 et près d’un millier en 2023.
Bon nombre d’élèves du lycée Alexandre Pétion, originaires de Bel-Air, Carrefour-Feuilles, Plaine du Cul-de-Sac, et bas-Delmas, ont migré vers les provinces ou ont abandonné l’école.
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« En 2017, le lycée comptait environ 3 000 élèves, contre la moitié de cet effectif aujourd’hui », ajoute le directeur du lycée, Carriey Derival. Ces dernières années, les élèves perdent régulièrement plusieurs mois de classe.
Pour l’année académique 2022-2023, le lycée a fonctionné pendant trois mois, contre seulement deux mois pour 2023-2024.
Phebe Bénisson, âgée de onze ans, habite provisoirement les anciens locaux du ministère de la Communication à Bois Verna.
Bénisson fréquentait l’institution Mixte Frères Maroc, située à l’angle de la ruelle Alerte et Magloire Ambroise. Cette école a cessé de fonctionner après l’attaque de Carrefour-Feuilles en août 2023.
En janvier de cette année, la mère de l’enfant l’a inscrit au lycée Fritz Pierre Louis. Il n’a suivi que deux semaines de cours dans cet établissement avant qu’il ne ferme ses portes en raison de la violence des gangs.
« À l’école, je jouais au football avec mes amis, je travaillais et j’apprenais à lire, raconte Bénisson. Maintenant, je pense avoir oublié tout ce que j’ai appris. »
Le garçon, en classe de 3ᵉ année fondamentale, veut devenir aviateur. Aujourd’hui, il passe ses journées dans les rues de Port-au-Prince.
Image de couverture | Des écoliers haïtiens concentrés en classe, engagés dans leur apprentissage. ©Unicef
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