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Rentrée des classes : plus de 24 écoles transformées en abris provisoirs à P-au-P

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Le lycée Marie-Jeanne, le lycée des jeunes filles et le lycée Anténor Firmin viennent en tête des écoles servant d’abris aux personnes déplacées avec respectivement 5 700, 3 050 et 1 700 individus dénombrés, selon OIM

Des écoles servant d’abris temporaires pour les déplacés internes par suite des violences des gangs armés se retrouvent en difficulté pour rouvrir cette année, selon des témoignages recueillis par AyiboPost.

L’institution mixte Béthesda, située à Cassagnole 19, Delmas 75, hébergeait jusqu’au début de septembre plus de 570 familles comptabilisant environs 2 200 personnes, dont 147 enfants.

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Ces familles y ont trouvé refuge, après avoir été violemment chassées par les bandits de Canaan fin 2022. Elles ont été accueillies par le pasteur Myrtil Jonas qui, lui aussi, a dû fuir Canaan avec sa famille pour sauver sa peau.

Les réfugiés couchés au sol à Cassagnol 19, craignant l’arrivée d’une forte pluie. 09/09/2023 | © Jean Feguens Regala/AyiboPost

«J’ai mes deux enfants qui doivent retourner à l’école, mais vu que nous sommes maintenant loin de chez nous, c’est impossible», déclare à AyiboPost un homme qui se trouve parmi les personnes ayant trouvé refuge dans les locaux de l’Institution Mixte Béthesda.

Sans aucune assistance des autorités, ces familles ont vécu des moments assez sombres pendant ces neuf mois.

Des réfugiés se réinstallant après s’être abrités un moment de la pluie. 09/09/2023 | © Jean Feguens Regala/AyiboPost

En dépit des multiples promesses d’une organisation internationale et de «l’Office National de la Migration, elles n’ont reçu aucune aide», relate le pasteur Myrtil Jonas, directeur de l’établissement.

Le pasteur essayant d’évaluer certains dégâts avec le journaliste. 09/09/2023 | © Jean Feguens Regala/AyiboPost

«J’ai pris sur moi une grande partie de la responsabilité de ces gens», explique le pasteur qui dit enregistrer d’énormes dégâts dans son établissement scolaire ainsi que son église.

Des femmes essayant de protéger leurs effets de la pluie. 09/09/2023 | © Jean Feguens Regala/AyiboPost

«Arrivé à un moment, continue révérend Jonas, en plus de la rentrée des classes qui s’approchait, je ne pouvais plus leur donner du support. J’ai donc pris la décision de leur demander de partir».

Les déplacés faisant face à la terreur de la pluie dans la rue. 09/09/2023 | © Jean Feguens Regala/AyiboPost

«Les salles de classe sont en très mauvais état. Des bancs et tableaux ont malheureusement été utilisés comme bois de cuisson par les familles», se plaint-il.

Lorsque les parents viennent pour inscrire leurs enfants et remarquent l’état des salles de classe, ils abandonnent et préfèrent inscrire leurs enfants ailleurs», souligne Jonas. «J’essaie difficilement de trouver des moyens en vue de faire des réparations pour recevoir nos élèves au moins au mois d’octobre, mais jusqu’à date, nous n’avons qu’une petite dizaine d’inscrits», déclare le révérend.

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L’école Nationale République du Brésil héberge plus de 800 personnes ayant fui Carrefour-feuilles après l’invasion du gang «Gran ravin» au mois d’août. Elle n’a pas pu rouvrir ses portes pour la rentrée officielle du 11 septembre 2023. Les responsables peinent à trouver un autre endroit pour reloger l’école.

«Nous recevons les inscriptions, mais nous ne savons pas encore où nous allons pouvoir recevoir les élèves», explique Steeven Démésy, responsable administratif de l’école.

«Le ministère de l’Éducation nationale et de la formation professionnelle (MENFP) est venu ici dans le cadre de son enquête. Nous attendons ce qu’il nous dira», poursuit le responsable éducatif.

Nous recevons les inscriptions, mais nous ne savons pas encore où nous allons pouvoir recevoir les élèves

Dans son dernier rapport en date du 25 septembre 2023, le Centre d’analyse et de recherche en droits humains (Cardh) dénombre plus de 35.000 déplacés internes suite aux assauts des gangs armés sur la commune de Carrefour-feuilles et d’autres communes avoisinantes.

Ces personnes déplacées se sont installées sur près de 38 sites dont des écoles et des places publiques dans des conditions très difficiles.

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Dans un communiqué publié par le ministère de l’Éducation nationale le 30 août 2023, une évaluation préliminaire a permis de dénombrer 24 établissements scolaires servant d’abris provisoires pour des personnes déplacées. Parmi ces dernières, 3 100 élèves.

De plus, le ministère annonce à travers ce communiqué qu’une commission d’enquête a été mise sur pied en vue de collecter des données sur le terrain.

Le lycée Marie-Jeanne, le lycée des jeunes filles et le lycée Anténor Firmin viennent en tête des écoles servant d’abris aux personnes déplacées avec respectivement 5 700, 3 050 et 1 700 individus dénombrés, selon un rapport publié par l’organisation internationale pour les migrations (OIM) le 04 septembre.

Contacté par AyiboPost pour obtenir les dernières mises à jour à propos du travail de cette commission d’enquête ainsi que la façon dont le ministère compte accompagner ces écoles, le ministre de l’Éducation nationale et de la Formation professionnelle Nesmy Manigat, n’a pas réagi avant publication.

Le lycée Marie-Jeanne, le lycée des jeunes filles et le lycée Anténor Firmin viennent en tête des écoles servant d’abris aux personnes déplacées avec respectivement 5 700, 3 050 et 1 700 individus dénombrés

Pour le syndicaliste Josué Mérilien, cette situation «assez lamentable» ne fera qu’empirer les conditions de fonctionnement déjà déplorables du système éducatif haïtien de ces dernières années et les traitements déplorables des enseignants.

Pour le coordonnateur général de l’Union Nationale des Normaliens haïtiens (Unnoh), il n’existe pas une volonté réelle du gouvernement de résoudre les problèmes. Dans les pays où l’on se soucie de l’éducation, poursuit le syndicaliste, la réouverture des classes ne se décrète pas, comme le fait le MENFP, elle se prépare.

«Nous devrions attaquer le problème dans ses racines. C’est-à-dire, résoudre le problème de l’insécurité d’abord. Sinon, les mêmes conditions produiront tôt ou tard les mêmes problèmes», tance Mérilien.

Avec plus de 700 personnes qui y sont hébergées depuis le 26 août, le lycée Jean Jacques Dessalines ne peut pas rouvrir.

«Toutes nos dix-sept salles de classe sont occupées. Et c’est même très difficile pour le personnel d’accéder au bureau administratif de l’école » explique à AyiboPost Jean Gérard Fleuriot, directeur du lycée.

Des déplacés de Carrefour-Feuilles à l’intérieur du Lycée Jean Jacques Dessalines. | © Jean Feguens Regala/AyiboPost

«Les gens sont venus avec leur bétail et d’autres choses indésirables qu’on ne devrait pas trouver sur une cour d’école», rajoute Fleuriot. «Donc, envisager la réouverture des classes dans une situation pareille est extrêmement complexe», conclut-il.

Par Wethzer Piercin

© Image de couverture : Lycée de Carrefour-Feuilles | © Jean Feguens Regala/AyiboPost


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Wethzer Piercin est passionné de journalisme et d'écriture. Il aime tout ce qui est communication numérique. Amoureux de la radio et photographe, il aime explorer les subtilités du monde qui l'entoure.

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