L’ambassade américaine exhorte les protagonistes de la crise politique haïtienne à dialoguer pour trouver une solution commune, selon des déclarations faites à AyiboPost
Les États-Unis remettent les négociations entre les acteurs de la crise haïtienne au cœur du débat politique. La secrétaire d’État adjointe américaine aux opérations conflit et stabilisation, Anne Witkowsky, est en mission dans le pays du 7 au 9 mars 2022. Elle rencontre le gouvernement, ses alliés et les opposants « pour discuter du soutien américain à des solutions haïtiennes aux problèmes auxquels le pays est confronté », selon un communiqué en date du 4 mars 2022 de l’ambassade américaine.
Les USA « continuent d’appeler le gouvernement haïtien, le Montana Group et d’autres représentants politiques et de la société civile à engager des discussions sérieuses entre eux et à travailler dans le but de parvenir à un accord unique qui ouvre la voie à des élections libres et équitables, qui devraient avoir lieu lorsque les conditions sur le terrain le permettent », a confié à AyiboPost, un porte-parole de l’ambassade américaine en Haïti, ce 9 mars 2022.
Selon le communiquant, il « appartient aux Haïtiens de tout le pays et de tous les horizons idéologiques — dans la société civile, le secteur privé, les partis politiques et les élus — de créer les conditions qui permettront à un gouvernement démocratiquement élu d’entrer en fonction dans les meilleurs délais. »
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Plusieurs structures et personnalités dont le Premier ministre Ariel Henry ont rencontré l’envoyée spéciale des États-Unis, Anne Witkowsky.
« Ce 8 mars, une délégation de 2 femmes et 2 hommes (Magali Comeau Denis, Magalie Georges, Jacques Ted Saint-Dic et Leslie Voltaire) du BSA ont rencontré l’émissaire Anne Witkowsky. Mots clés de la rencontre : écoute, dialogue, inclusivité, sécurité, stabilité sur le long terme, redéfinition des rapports », a informé sur Twitter le Bureau de Suivi de l’Accord Montana. C’était une bonne discussion, selon un Tweet de l’ambassade américaine.
Dans la même journée d’hier, d’autres rencontres ont été organisées à l’ambassade des États-Unis en Haïti.
Le Premier ministre Ariel Henry s’est aussi entretenu, ce mardi, avec l’émissaire des USA. Ces échanges ont porté, entre autres, « sur les questions de sécurité, des élections, du dialogue inter haïtien », a fait savoir la primature dans un Tweet. Le chef du gouvernement dit, sur le réseau bleu, avoir « réaffirmé sa ferme volonté de restaurer la sécurité et de poursuivre le dialogue national avec les forces vives du pays, en vue d’un large consensus dans la perspective des prochaines consultations populaires ».
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Cette visite vient trois semaines après l’avortement du processus de dialogue entamé entre les membres de l’accord Montana et ceux de l’accord du 11 septembre 2021, signé entre le Premier ministre Ariel Henry et des structures de opposition dont le « Secteur Démocratique et Populaire ». Le lundi 14 février 2022, les représentants du Bureau de Suivi de l’Accord Montana (BSA) devaient s’entretenir avec le Premier ministre haïtien ainsi que ses alliés à la primature, mais la rencontre n’avait pas eu lieu à cause d’un problème de ponctualité.
« La mauvaise foi de l’équipe Montana est manifeste, avait twitté le leader du SDP, André Michel. Ils ont laissé la primature ce [lundi 14 février 2022] avant 4 h 30, sans avertir personne. Nous les avons attendus toute la soirée. Cette situation oblige le gouvernement à franchir les autres étapes du processus, tout en restant ouvert au dialogue ».
Les membres du BAS avaient de leur côté dénoncé le fait qu’on les ait fait attendre dans une salle à la primature sans explications.
Depuis l’épisode, les représentants de l’accord Montana ont posé des conditions pour poursuivre toute discussion avec Ariel Henry ainsi que ses alliés. Parmi elles, il y a le retrait du processus du changement de la constitution, la cessation du processus de nomination des membres du conseil électoral provisoire et le choix d’un terrain neutre pour les débats.
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Il ne sera pas facile de réconcilier la position des deux groupes, même lorsqu’ils accepteraient de se rencontrer à nouveau. Les signataires de l’accord Montana s’entendent pour une transition de deux ans. L’accord du 11 septembre 2021 dispose que le gouvernement doit tout faire pour que les élections aient lieu à la fin de cette année.
Aussi, l’accord Montana demande un gouvernement de transition bicéphale. Or, le Premier ministre Ariel et ses alliés optent pour un pouvoir monocéphale dirigé par Ariel Henry jusqu’aux prochaines élections.
« Dans l’attente du rétablissement de la présidence de la république, le Conseil des ministres dirigé par le Premier ministre exerce pleinement et effectivement le Pouvoir exécutif, tel que défini par la constitution », peut-on lire dans l’article 2 de l’accord du 11 septembre 2021.
La descente d’Anne Witkowsky intervient après la démission fracassante de l’émissaire américain Daniel Foote en septembre 2021. Dans une lettre adressée au secrétaire d’État Antony Blinken, Foote avait dénoncé les autorités américaines qui refoulent massivement des centaines de migrants haïtiens arrivés aux États-Unis après avoir traversé plusieurs pays de l’Amérique du Sud, alors qu’Haïti fait face à des crises politiques, économiques et sociales aiguës.
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Le diplomate qui était en poste depuis deux mois avait dénoncé l’ingérence des États-Unis dans les dossiers politique d’Haïti. Il s’indignait également du fait que les autorités américaines n’aient jamais pris en considération ses recommandations.
Le Premier ministre Ariel Henry, supporté par les États-Unis, dirige Haïti en dehors de toute légalité, depuis l’expiration incontestable du mandat de Jovenel Moïse le 7 février 2022. Le président a été assassiné à l’intérieur de sa résidence privée le 7 juillet 2021. Des appels téléphoniques lient Ariel Henry à un des principaux suspects, Joseph Felix Badio. Accusé de ne pas vouloir l’aboutissement de l’enquête, le chef du gouvernement a régulièrement réaffirmé sa volonté de rester au pouvoir et de mener l’investigation à terme.
Image de couverture: Quelques membres du Conseil National de Transition et le Président élu Fritz Jean lors du débat public du Samedi 29 Janvier 2022. Carvens Adelson / AyiboPost
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