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Un cas suspect de Coronavirus, une tentative de lynchage et des pressions de l’État haïtien

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Nelson Bellamy a été testé négatif au Covid-19. Mais avant ce résultat, sa vie a été en danger plusieurs fois, à cause de l’absence de prise en charge des autorités haïtiennes

Dans une adresse à la nation, les autorités du pays ont informé que deux cas d’infection au covid-19 ont été recensés en Haïti. Des mesures ont été prises en vue d’empêcher la propagation de cette pandémie qui affecte le monde.

Mais bien avant cette adresse à la nation, un cas relatif au nouveau coronavirus a tenu les Haïtiens en haleine pendant deux ou trois jours. Le pays entier attendait avec impatience les résultats des prélèvements effectués sur Nelson Bellamy. Ce professeur à l’université de Limonade a subi des tests pour vérifier son statut par rapport au covid-19.

Les résultats, connus quelque temps après, ont démontré que le professeur n’était pas infecté par le virus. Dans une conférence de presse donnée le vendredi 20, le Premier ministre Joseph Jouthe a déclaré que Nelson Bellamy recherchait le buzz.

Le professeur qui se sent indigné et atteint dans sa personnalité exige des excuses publiques du chef du gouvernement alors qu’il affirme avoir été pressuré par la ministre de la Santé pour mentir sur la prise en charge inadéquate offerte par l’État. 

De retour des USA

Le vendredi 13 mars 2020, Nelson Bellamy rentre en Haïti après avoir passé quelques jours aux États-Unis, notamment en Floride. « Je visitais ma famille, explique Nelson Bellamy. En plus je participais à une cérémonie de mariage. J’allais bien quand je suis rentré, je suis même allé en cours. »

Le lendemain mardi 17 mars, c’est une tout autre histoire. « J’ai ressenti une forte fièvre, dit-il. Je n’arrêtais pas de tousser. Je ressentais des courbatures dans tout mon corps, je n’allais pas bien. J’ai appelé un ami professeur pour lui en parler. »

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Nelson Bellamy se rend chez une infirmière qui habite le village dans lequel il vit. « J’ai expliqué mes symptômes, dit-il. J’ai demandé de prendre ma température. Elle était de 39,4. D’après l’infirmière, elle était beaucoup trop haute ». Pour atténuer cette forte fièvre, on lui prescrit des comprimés d’ibuprofène, et un biogrip.

Nelson Bellamy rentre à la maison, prend ses comprimés et se couche. Mais le malaise persiste. C’est alors que l’idée insidieuse du covid-19 lui passe par la tête, comme il en a tous les symptômes. « De nouveau j’ai appelé un ami, et je lui ai demandé quel numéro appeler, pour les symptômes que je ressentais. J’ai appelé les deux numéros, je n’ai trouvé personne ».

Menaces de mort

Devant l’impossibilité d’entrer en contact avec les numéros mis à la disposition de la population par le Ministère de la Santé publique et de la Population (MSPP), Nelson Bellamy estime que c’est son devoir d’alerter tous ceux qui ont été en contact avec lui depuis son retour au pays. « J’ai fait une publication pour leur demander de faire attention. J’ai expliqué ce que je ressentais. Je ne savais pas que cela allait causer de telles violences ».

En effet, les réactions n’ont pas tardé pas, selon le professeur. « Un voisin m’a alerté que tout le quartier en parlait. Un étudiant m’a contacté pour me dire qu’il avait donné mon numéro à quelqu’un du MSPP qu’il connaissait ».

Quelque temps après, les autorités sanitaires le contactent par téléphone. « La personne que j’ai eue à l’autre bout du fil m’a dit que des dispositions allaient être prises. Elle a assuré que la direction départementale du MSPP allait être informée de la situation, pour les suites. »

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Cet appel, Nelson Bellamy dit l’avoir reçu entre 9 h et 10 h. Ce n’est que 10 heures plus tard, vers 8 h, qu’on le contacte à nouveau, pour le test du Covid 19. « J’ai passé la journée à boire différentes sortes de thés que les gens me conseillaient, explique Nelson Bellamy. Je gargarisais de l’eau chaude pour ma gorge. D’autres personnes me disaient que je devais laisser mes fenêtres ouvertes. C’était une situation d’anxiété extrême. »

« Quand les gens du MSPP sont arrivés, poursuit-il, je suis allé à leur rencontre sur la route nationale, car ils ne voulaient pas venir chez moi, à cause des masques qu’ils portaient. On m’a fait des prélèvements dans le nez et la gorge. »

Après les prélèvements, Nelson Bellamy rentre chez lui. Ce soir-là, il dormira la peur au ventre. « C’était le vide autour de ma compagne et moi, dit-il. Des amis qui en temps normal seraient venus me voir n’ont fait que m’appeler. Il n’y avait qu’Isla et moi. Je recevais beaucoup de menaces. Des gens disaient qu’ils allaient incendier ma maison. »

Après les prélèvements, Nelson Bellamy rentre chez lui. Ce soir-là, il dormira la peur au ventre. Photo: FB / NB

Évacuation d’urgence

Le lendemain matin, de très tôt, une voisine contacte Isla. « Elle nous a assuré que nous devions partir parce que, selon elle, la situation allait s’envenimer. J’ai appelé le président de l’université pour demander mon évacuation. »

Environ deux heures plus tard, une ambulance arrive. « Le chauffeur n’avait pas de bonnes indications concernant mon adresse, raconte Bellamy. Je l’ai entendu qui demandait à voix haute où étaient les gens infectés par le coronavirus. Nous sommes sortis, nous avons mis des masques, et nous sommes montés dans l’ambulance. »

Le véhicule file vers Milot, où il y a un hôpital de référence. Mais en cours de route, alors qu’il ne reste que quelques kilomètres, Nelson Bellamy reçoit un appel qui lui demande de rebrousser chemin. « Il parait que le personnel soignant de l’hôpital ne voulait pas me recevoir, dit-il. Ils ne comprenaient pas pourquoi je ne restais pas dans un hôpital du Nord-Est. Des gens s’étaient réunis devant l’hôpital, et ils m’attendaient de pied ferme. »

Un périple sans fin

Le couple contacte alors le directeur du MSPP dans le département, Jean Denis Pierre. Celui-ci leur demande de se garer devant l’université de Limonade. Une voiture banalisée, leur dit-il, sera envoyée pour les récupérer. Le couple, ainsi que le chauffeur, qui est descendu du véhicule, attendent. C’est alors qu’un bus rempli de passagers arrive à hauteur de l’ambulance.

« Les passagers sont descendus, dit Nelson Bellamy. La plupart étaient armés de bâtons, de fers, etc. Ils voulaient savoir si c’était l’ambulance du coronavirus. C’est grâce au chauffeur que j’ai eu la vie sauve. Il a dit aux gens que nous n’étions pas malades, que nous allions récupérer un membre de notre famille. Entretemps, Isla et moi, avions enlevé les masques, pour nous protéger. »

Le chauffeur qui se rend compte qu’ils sont en danger décide de rebrousser chemin à nouveau. Cette fois, ils doivent aller à l’hôpital de la convention baptiste, à Kafou Lanmò, non loin de Limonade. « Le chauffeur nous a déposés et il est parti, continue Bellamy. J’ai essayé de joindre le directeur de l’hôpital. La première fois il a répondu à mon appel, me disant de patienter cinq minutes. Une heure et demie plus tard, j’attendais encore. Il a même fermé son téléphone. »

« J’ai prié ma compagne de me laisser et de se mettre à l’abri, dit le professeur. Je me suis masqué le visage avec un mouchoir et j’ai décidé de rentrer à Port-au-Prince. »

Rentrer à Port-au-Prince

Il est près de 3 heures pm. Nelson Bellamy prend deux taxis de suite pour aller à Saint-Raphaël, et rejoindre la capitale. Mais il ne trouve pas de bus pour Port-au-Prince. Il se rend alors à Hinche. Il n’y a pas non plus de voyage vers Port-au-Prince à cette heure. « J’ai voulu alors de me rendre à Mirebalais, j’ai de la famille là-bas. Mais par chance, j’ai trouvé un dernier bus qui rentrait à Port-au-Prince. »

Cet autobus le dépose au carrefour de l’aéroport où sa famille qu’il a prévenue l’attendait. « J’étais désormais en sécurité, dit Nelson Bellamy. Et c’est alors que j’ai entendu un responsable du MSPP qui disait à la radio que j’avais été pris en charge et que les forces de l’ordre m’avaient même accompagné. »

Quelques heures avant la conférence de presse de Jovenel Moïse, la ministre de la Santé, Dre Marie Greta Roy Clément, appelle Nelson Bellamy. « Elle a confirmé que le test était négatif. Je lui ai expliqué mes péripéties. Elle voulait me forcer à dire à tout le monde que l’État m’avait pris en charge, que c’était ma responsabilité envers mon pays. »

Contacté à ce sujet, le MSPP, à travers son porte-parole Sameson Jean Louis, a affirmé que c’était la parole de Nelson Bellamy, contre celle du Gouvernement. « Ce dossier est clos, dit Sameson Jean Louis. Nous l’avons pris en charge, nous avons fait les tests. Le Premier ministre a déjà parlé de ce cas. Maintenant nous avons d’autres priorités. »

Nelson Bellamy, qui est convaincu que le pays n’est pas prêt pour cette épidémie, assure qu’il envisage de porter plainte contre certaines personnes, notamment le journaliste Cyrus Sybert. Selon le professeur, le journaliste aurait dit qu’il avait le SIDA. « Je vais lui demander quelles sont ses sources, dit Nelson Bellamy, car il n’y a pas de prise de sang pour le test du Covid-19. »

Le journaliste a été contacté. Cet article sera mis à jour s’il réagit.

Jameson Francisque

Journaliste. Éditeur à AyiboPost. Juste un humain qui questionne ses origines, sa place, sa route et sa destination. Surtout sa destination.

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