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Ces athlètes veulent mettre Haïti au sommet du bodybuilding

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Neuf jeunes athlètes haïtiens se regroupent pour briller dans la musculation à travers le monde.

Emie Sandy Jean Baptiste, Soukaina Prosper, Mendes Reynold Junior, Patrice Jean, Spely Laventure, Zico Clément, Jean Viersin Jahnsen, Piterkson Saintil et Jean-Luc De Ganot sont les noms des athlètes qui se cachent derrière le projet Inshape (en forme en français). Inshape est le produit de l’initiative prise en 2016 par le  bodybuilder Jean-Luc De Ganot qui vient de remporter en février dernier le Diamond Cup Caribe en République Dominicaine.

De Ganot est médecin nutritionniste, il se sert de ses compétences pour faire de ce regroupement une entreprise de consultation en nutrition et en préparation physique. C’est ainsi qu’il a fait la rencontre de ces huit autres athlètes dont il est devenu le coach personnel. Depuis, ces jeunes se retrouvent souvent en salle de sport pour s’entrainer et discuter. Cette année, les sportifs ont décidé de structurer le groupe.

Inshape est très jeune, cependant, les exploits de ses membres ne sont pas négligeables. Mendes Reynold Junior et Zico Clément viennent de gagner un tournoi à Aruba. Le premier ira en Italie en novembre 2018 pour la finale de cette compétition et le second se rendra en Chine prochainement. Après le tournoi d’Aruba, Mendes Reynold Junior est devenu un professionnel habilité à participer aux grandes compétitions mondiales.

Spely Laventure a débuté sa carrière de bodybuilder en 2016 où il est sorti vice-champion de la Copa independancia en République dominicaine. Il a connu d’autres succès au cours de cette même année dans d’autres compétitions comme Mr Republica Dominica (3ème), Campiona del centro americano y del caribe (3ème). En mars 2017, il était en troisième place à ifbb diamond club. Laventure s’apprête à se rendre en Finlande à la fin de 2018 pour remporter la nordic cup.

Pour sa part, Piterkson Saintil vient d’obtenir la 4ème place en mai dernier lors  d’une compétition en République Dominicaine. Inshape semble représenter presque toutes les étoiles de la fitness en Haïti. En Avril 2017, Emie S. Jean Baptiste a été championne de la compétition régionale Regio Norte en République dominicaine. En février dernier, elle a terminé  en 3ème position à Diamond cup.

Quant à Jean Luc, c’est un habitué des compétitions de bodybuilding. Il a commencé à participer aux concours en 2014 en terre voisine où il vivait depuis 2009. Actuellement, De Ganot  a pour objectif de permettre aux membres de l’equipe qui n’ont pas encore fait de compétition de prendre leur baptême de feu en octobre prochain dans la Caraïbe et en Europe. « Nous sommes les premiers haïtiens à nous regrouper pour le bodybuilding en Haïti», lance l’entraineur d’un ton fier.

Des sportifs réalistes

Ces jeunes sportifs portent le rêve de faire l’honneur d’Haïti à travers le monde par le bodybuilding. Ils ont toutefois compris que le sport à lui seul ne leur permettra pas de gagner leur vie en Haïti. Ils sont aussi des professionnels de la médecine, de la comptabilité, de la climatisation et de l’entrepreneuriat. Chacun évolue dans son champ professionnel et ils se rencontrent en week-end pour les entrainements. Même ceux qui ne peuvent pas être sur place pendant les séances d’entrainement peuvent participer. Avec une photo, l’entraineur examine le corps et il fait si possible, des prescriptions nécessaires. Piterkson Saintil par exemple, est un étudiant en aménagement du territoire qui vit au Cap-Haitien qui est connecté au reste du groupe évoluant à Port-au-Prince.

 Les difficultés rencontrées par les athlètes en famille

« Le sport est toujours un tabou pour les femmes dans certaines familles dans la société haïtienne. Quand le corps d’une femme est musclé, les gens pensent qu’elle coure le risque de ne plus attirer les garçons, » ainsi parle Emie, la plus jeune athlète du groupe. Fitness n’a jamais été son objectif de départ, mais elle adorait le sport. Toute jeune, Emie a été volleyeuse dans son collège; après ses études, elle se rendait dans les salles de sport pour le bien-être et la santé. C’est là que son chemin a croisé celui de De Ganot qui l’a convaincu d’aller plus loin dans le sport. La famille de la jeune sportive n’a jamais soutenu le fait qu’elle soit de mèche avec l’haltère, toutefois, elle n’a aucune crainte pour sa santé. « Contrairement aux rumeurs populaires, la musculation n’a aucune incidence négative sur la fertilité chez la femme. J’ai vécu en République voisine, les dominicaines m’ont avoué que le fitness augmente leur désir sexuel, j’ignore si c’est le cas pour les haïtiennes », lance le coach De Ganot d’un ton ironique. Emie a ajouté que la femme qui pratique le bodybuilding en Haïti est une rebelle qui fait fi de tous les codes de beauté imposé par l’ordre social.

Les reproches ne pèsent pas seulement sur le dos des femmes en Haïti. Deux hommes du groupe ont aussi subi des persécutions au sein de leur famille. Quand Spely Laventure a commencé a fréquenté les salles de sport, c’était dans le but de fuir la plus grande déception de sa vie. Après cinq ans passés au sein  d’une banque commerciale privée à travailler en tant qu’officier de service, Spely a perdu  son emploi. Pour compenser son inactivité, il se confinait dans les salles de sport. « A force de passer mes journées au gym, ma famille a fini par se lasser de moi. On me proférait des reproches sous forme de question absurde du genre, pourquoi j’infligeais un tel châtiment à mon corps ?”

Pour sa part, jusqu’en 2013, Piterkson Saintil n’a jamais pu mener une vie de sportif actif à cause de ses parents qui lui interdisait de se gonfler les biceps.

Malgré HaïtiL’avenir prometteur de ces jeunes 

La dernière compétition de bodybuilding en Haïti remonte à 2017, dans un challenge bilatéral ayant opposé Haïti à la République Dominicaine. C’était la première édition de « Haïti Body Building Classic » qui s’est tenue à l’hôtel Marriott. Il faut signaler que c’est Spely Laventure, un membre du groupe In shape qui est sorti champion des champions de cette grande première. Selon les sportifs, Haïti n’a pas les moyes pour réaliser des compétitions suivant les normes internationales. Cela n’empêche pas au groupe Inshape de relever des défis internationaux. Ces jeunes travaillent sur beaucoup de projets qui leur permettront d’accoucher leur rêve qui est de parvenir à insuffler la vie dans le bodybuilding en Haïti.

Laura Louis

Image: Georges Harry Rouzier/Inshape

Laura Louis est journaliste à Ayibopost depuis 2018. Elle a été lauréate du Prix Jeune Journaliste en Haïti en 2019. Elle a remporté l'édition 2021 du Prix Philippe Chaffanjon. Actuellement, Laura Louis est étudiante finissante en Service social à La Faculté des Sciences Humaines de l'Université d'État d'Haïti.

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