Un témoin et un proche de l’école racontent à AyiboPost le déroulé de l’incident
La balle explose la lame de vitre d’une fenêtre. Et le professeur de sciences sociales s’effondre, devant ses élèves à 11 h 50, hier mercredi matin.
Alors que le sang vif de Sorel Jasmin inonde le sol, des cris stridents s’échappent de la salle de classe. Des élèves déboulent l’escalier pour aller chercher de l’aide. Leur agitation se mêle au tam tam des armes de guerre qui criaillent dans les environs de l’école de l’avenue Poupelard, située à cinq minutes du Palais national.
Des professeurs accourent, posent une toile sur la blessure ouverte de leur collègue et le transportent vers le petit dispensaire derrière l’école pour sa stabilisation. Ensuite, une voiture transfère Jasmin vers un hôpital de la capitale, où il recoit encore des soins.
L’école de l’avenue Poupelard, située à cinq minutes du Palais national.
« J’étais venu travailler et je me suis dit que c’est fini pour nous, c’est fini pour l’école, témoigne une source, employée de l’établissement. Je ne suis pas au courant des menaces au niveau de l’administration, mais des balles tombent tout le temps dans la cour de l’école. »
L’institution ferme ses portes « jusqu’à nouvel ordre » en marge de cet incident qui prend place dans un contexte d’accélération de l’insécurité en Haïti. Les gangs constamment en activité ne semblent s’imposer aucune limite. Ni églises ni péristyles. Encore moins les hôpitaux.
« Les actes de violence armée contre les écoles en Haïti, notamment les fusillades, les saccages, les pillages et les enlèvements, ont été multipliés par neuf en un an, alors que l’insécurité croissante et les troubles généralisés commencent à paralyser le système éducatif du pays », a averti l’UNICEF dans une note sortie le 9 février 2023.
Les gangs constamment en activité ne semblent s’imposer aucune limite. Ni églises ni péristyles. Encore moins les hôpitaux.
L’école Externat la providence se trouve à quelques minutes de Bel Air, un quartier populaire de la capitale aux prises avec une résurgence de violence depuis la fin du mois de février 2023. Une cinquantaine de morts serait à déplorer selon une organisation de défense des droits humains. Les bandits ont mis le feu sur des citoyens, et calcinés beaucoup de maisons.
Il reste difficile de connaître l’origine exacte du dernier conflit en cours à Bel Air. Cependant, des témoignages recueillis par AyiboPost auprès des habitants de la zone suggèrent qu’il s’agit d’une bataille rangée entre deux anciens alliés. En filigrane, il y a également des assauts de l’ancien policier devenu chef de gang, Jimmy Chérizier, qui tente d’occuper ce quartier stratégique en vue de la réalisation d’élections dans la zone métropolitaine.
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Selon une source au sein de l’établissement et une autre proche de l’école, l’Externat la Providence vit au rythme des fusillades. Mardi 28 février 2023, les tirs étaient tellement puissants et rapprochés que les enfants ont été sommés de s’abriter au rez-de-chaussée. Toute activité était à l’arrêt, et les parents invités à récupérer leurs enfants dès que possible.
L’Externat la Providence vit au rythme des fusillades.
Les cours se sont poursuivis jusqu’à jeudi. Avant deux heures ce jour-là, une atmosphère de territoire en guerre s’est installée dans les parages de l’école. Dans la panique, professeurs et élèves se sont réfugiés « dos bas » au rez-de-chaussée, encore une fois.
L’institution devra attendre hier mercredi 8 mars pour reprendre ses activités, mais uniquement avec les élèves de la 7e jusqu’à NS4. Une bonne partie des salles de classe fonctionnaient avec la moitié de leur effectif.
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En réalité, l’école est consciente des dangers de l’espace. « La partie commence, me suis-je dit, quand j’ai entendu les premières détonations hier, rapporte notre source. On a couru fermer toutes les fenêtres. »
Après le début des affrontements au Bel Air, la sœur responsable a fait une simulation d’attaque avec les enfants. « Un projectile a transpercé la toiture en tôle de cette même classe de 9e année pour finir sa course sur le buffet la semaine dernière », raconte notre source.
L’école est consciente des dangers de l’espace.
Plusieurs centaines d’élèves reçoivent une éducation, donnée par une cinquantaine de professeurs, excluant le petit personnel à l’Externat de la Providence. L’école a déménagé de la rue du Peuple pour cause d’insécurité, il y a trois ans. Les enfants ont un jour retrouvé plusieurs cadavres à l’entrée de l’etablissement Il n’est pas clair si l’Externat rouvrira ses portes au cours du mois de mars, et dans quelle condition.
« Ceci montre que le pays à mon avis n’est plus dirigé, déclare la source. Dans un pays dirigé normalement, un professeur ne peut pas recevoir un projectile en pleine salle de classe. »
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