Je parie !
Je parie que ton soudain intérêt envers moi est basé sur le fait que tu me voies sourire au lieu de pleurer, pensai-je en ignorant l’énième appel de Jimmy.
Ma tristesse qui faisait sa force en me faisant ployer sous le poids de la honte ne lui satisfaisait pas, il a fallu qu’il ronge tout ce qu’il me restait d’amour-propre pour qu’enfin je m’en aille. Il a fallu que je baisse les bras pour qu’il ait envie de me montrer les changements qu’il voulait faire. Il a fallu que quelqu’un d’autre me fasse sourire pour qu’il soit nerveux à la pensée que je puisse ne plus être là à l’attendre. J’en déduis donc qu’il ne lui était jamais venu à l’esprit que si je restais, c’était par choix et non par manque d’options.
Je parie que cela doit le surprendre de voir que je ne réponds plus à ses appels ni à ses messages m’invitant à nos nuits blanches, où nous dansions jusqu’à l’aube ou fumions un joint du haut de Boutilliers dans notre petit coin secret, où nous nous racontions nos vies, nos espoirs et nos utopies. En dépit du poids des souvenirs de ces griots, de ces bières « ki fè chemizèt », j’ai gardé la tête haute et laissé la messagerie l’informer de mon indisponibilité. Oui, ces souvenirs sont encore plus vivaces en moi quand je me rappelle comment nous finissions ces soirées l’un dans les bras de l’autre dans le froid de cette zone. Il ne saura jamais combien ne pas lui répondre m’aura blessé mais je ne suis pas sûre, à dire vrai, que mon bien-être ait été un facteur qui l’ait jamais intéressé.
Je parie que toutes ces autres qui réclamaient son temps n’ont jamais pu lui offrir une conversation pouvant stimuler son intellect puisqu’il continue à solliciter mon opinion sur certains projets qu’il veut entreprendre. Peut-être que ce sont encore des excuses pour mieux m’avoir à portée de main et m’utiliser selon son bon vouloir ? Ou alors, ces demoiselles, sont-elles trop occupées à se pomponner, à se rendre belle pour lui? Je ne suis pas trop érudite en la matière mais je sais que la mode est au « brazilian hair » et que cela demande un soin particulier. Mais, n’était-ce pas ce qu’il avait voulu? N’était-ce pas un choix, son choix, de dépenser son énergie et son argent dans l’éphémère quand le concret était à portée de main ?
Je parie que celles-là ne savent pas lui faire des petites surprises sans grande envergure, mais qui à l’époque, le faisaient se sentir si important. Il ne saura jamais les sacrifices consentis pour voir ce beau sourire émerger sur son visage en tenant compte de ses souhaits. Je parie qu’elles planifient mieux quand il s’agit de lui soutirer de l’argent plutôt que de dépenser le leur pour répondre à certains caprices de sa personnalité égocentrique. Oui, je le reconnais, c’était ma décision de n’avoir aucune restriction quand il était question de lui mais c’était là le choix d’une femme amoureuse… une femme qui faisait une overdose de la notion du partage.
Et je parie que s’il lit ce message, il ne comprendra jamais ces mots car son esprit obtus soutenu par son ego sans bornes préfèrera penser que je me vante de notre histoire ou de mon rôle. Ou, peut-être, pensera-t-il que c’est un lot de reproches adressé à tort… que c’est le propre des femmes aigries de déballer leur douleur.
Mais non ! Ce ne sont que des faits exposés à la lumière du jour par une femme qui a décidé de ne pas rater le train du futur et de travailler sur elle-même au lieu de sacrifier son énergie pour un garçon qui joue à être un homme. Et cette femme avait toujours dit qu’elle se voit conquérir le monde avec ou sans lui…. mais de préférence avec lui… car, en dépit de certains traits de personnalité peu flatteurs le caractérisant, elle avait vu son potentiel. Oui, elle avait vu ce qui pouvait se produire quand deux êtres etaient en symbiose dans l’élaboration de leurs objectifs….
Mais, cher Jimmy, je parie que pour toi, l’herbe aurait été verte partout, peu importe la personne… Mais, maintenant que tu as traversé chez la voisine, tu comprends que chaque maison a son mode de fonctionnement… que l’ancien chaudron avait toute sa valeur.
Je parie, aussi, que tu continueras de sourire en prétextant que tout va bien et parce que je ne m’abaisserai pas comme certaines femmes qui se complaisent à partager leur intimité avec la rue, personne ne saura tes lamentations d’enfant pour que je te revienne.
Mon cœur conservera les conversations secrètes que nous avons eues maintes fois, où je t’ai expliqué que ma fierté ne me permettrait pas de refaire ce parcours du combattant que j’ai fait tant de fois seule et volontairement. Pourtant, le souvenir que je chérirai de toi sera cette larme que j’ai vu perler au coin de ton œil quand tu as remarqué la froideur de mon corps qui ne trembla pas comme autrefois quand tu me ravis ce dernier baiser par la force comme pour te prouver que tu avais encore une incidence sur moi.
Et je parie que cela, il ne le dira jamais. Mais ce n’est pas grave car lui et moi, nous le savons. Et ça, je suis assez magnanime pour le garder comme notre dernier petit secret.
Meg Jean
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