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Seulement 2 partis politiques sur 83 répertoriés ont un site web actif

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À l’ère des médias sociaux et la transition exclusive de médias en ligne, si l’on cherche à s’informer des idées politiques promues par les partis politiques haïtiens, on risque d’y perdre son latin. Si certains embrassent timidement et maladroitement la communication digitale, d’autres l’ignorent complètement, préférant se fier à la notion d’oralité du pays. Ce qui en dit long sur la structure des partis qui désirent gouverner ce pays. Sur un échantillon de 83 partis politiques, seuls 2 ont un site web mis à jour, et 11, une page Facebook active. 

Lisez la deuxième partie de cet article ICI.

Depuis l’été 2018, une partie de la jeunesse haïtienne s’appuie sur le numérique pour mettre les bâtons dans les roues du gouvernement et de l’establishment politique haïtien. En misant sur les réseaux sociaux, les initiateurs et sympathisants de #PetroCaribeChallenge, #AyitiNouVleA et de #NouPapDòmi occupent l’actualité politique et appellent d’un vœu pieux à un procès sur le dossier Petro Caribe et à une alternance politique – un changement radical du système de gouvernance actuelle. Pourtant très peu de partis et de regroupement de partis politiques dont la visée est de s’emparer du pouvoir embrassent la communication digitale.

Si à l’époque des élections de 2015 et de 2016, le parti au pouvoir – Parti Haïtien Tèt Kale (PHTK) avait une équipe expérimentée en communication politique qui animait un site web et des pages de réseaux très actifs, seuls la page Facebook et le compte Twitter existent désormais. Ils restent toutefois, de loin, les plus aimés et suivis (128 249 abonnés Facebook et 29 300 abonnés Twitter au 27 avril 2019). Mais, le site web du parti est inactif seulement deux ans après l’accession de son représentant au pouvoir avec les 595 430 votes à la suite d’élections à faible taux de participation (environ 21 % d’un électorat de 6,2 millions). Si Facebook et Twitter tombent en panne, la base « d’élite » du parti restera dans l’ombre. Le site web du regroupement de partis politiques de l’ancien Premier ministre, Jean-Henry Céant, Renmen Ayiti, est inexistant.

L’opposition au pouvoir en place ne fait pas mieux à quelques exceptions près. Après l’officialisation du mouvement #PetroCaribeChallenge dans les rues, l’opposition prétend s’en emparer, mais avec toutes les limites qu’on lui connait depuis des lustres. Elle n’arrive pas à mettre en place une stratégie digitale à la hauteur de ses ambitions là où tout a commencé.

Des partis identifiés comme les plus populaires

Si le mouvement anti-gouvernemental mené par l’opposition dite « démocratique » n’aboutit pas et si de nouvelles têtes n’émergent pas, fort à parier qu’aucun changement de système ne s’ensuivra. S’il aboutit, faudra-t-il, au risque de tomber de Charybde en Scylla, se tourner vers des partis politiques incapables de rendre des comptes, de vendre leurs idées politiques ou d’inciter la jeunesse à adhérer à leurs idées ? Ou se fier aux nouvelles formations politiques ? Quelles sont les idées politiques de l’opposition actuelle en lesquelles la jeunesse – à l’origine du mouvement, se reconnaîtrait-elle ? Du moins, si elles existent, où est-ce qu’elles sont explicitées ? Tant de questions que nous voulions aborder en analysant la communication digitale d’un échantillon de 83 partis.

Pour sélectionner notre échantillon, nous avons considéré plusieurs documents officiels. Un document du ministère de la Justice daté de 2014 indique que 141 partis sont enregistrés et légalement reconnus. Déjà en 2015, le nombre a augmenté : le Conseil électoral provisoire reçoit des inscriptions de 192 partis et groupements politiques, dont 103 ont été agréés. Aux dernières élections, seuls 53 d’entre eux ont envoyé un candidat à la présidentielle. Mais au début de 2018, le gouvernement Tèt Kale devait arroser 58 partis politiques de 146 millions de gourdes du trésor public d’après le Comité de suivi pour le financement des partis politiques.

En combinant la liste de ce comité et celle des partis représentés aux dernières élections de 2016, nous sommes parvenus à une liste de 83 partis et regroupements politiques censés être « les plus populaires du pays ». Nous voulions savoir par une recherche basique de l’utilisation des outils de communication ce qu’ils veulent offrir à la nation. Car pour prétendre à la magistrature suprême, cela suppose une certaine popularité (dans l’idéal, sans tricheries dans les urnes) même lorsqu’il faut la construire à quelques mois des élections.

Résultats de notre analyse : 2 partis ont un site web mis à jour !

Nous avons vérifié si ces partis ont un site web, une page Facebook, un compte Twitter, ou une page Wikipédia. Parlementer dans les émissions de radio à longueur de journée ne signifie pas qu’un parti rend consultables sa vision et ses idées pour prendre les rênes du pays. Nous avons recherché les 83 noms dans Google, ensuite dans chacun des sites de médias sociaux susmentionnés, puis les noms de leurs représentants, soit pas moins de 800 actions de recherche. Le résultat est stupéfiant !

Sur les 83 partis et regroupements de partis dans notre liste combinée, seulement 8 partis ont un site web, et parmi eux, seuls 2 sites sont mis à jour. Environ 13 % ont une page Facebook active (en considérant que le parti a publié au moins une fois en 2019), 21 % ont un compte Twitter et 14 % ont une page Wikipédia. Le graphique ci-après représente ces résultats.

En d’autres termes, nos résultats révèlent que :

  • 8 partis ont un site web à savoir, Parti Fédéraliste, Plan Action Citoyenne, Mouvement patriotique populaire dessalinien (Mopod), Platfòm Pitit Desalin, Parti Républicain Haïtien, Òganizasyon pèp k ap lite (OPL), Parti Kle, Consortium (ce site n’existe que de nom, car sans contenu).
  • 14 ont une page Wikipédia où l’idéologie est indiquée pour 7 d’entre eux (à savoir Fanmi Lavalas, Fusion, Inite patriyotik, Oganizasyon pèp k ap lite, Rassemblement des démocrates nationaux progressistes, Union nationale chrétienne pour la reconstruction d’Haïti). Les idéologies en commun sont la social-démocratie, la démocratie chrétienne, le conservatisme, et le progressisme. Cependant, aucune des pages n’a un paragraphe traduisant l’idéologie indiquée à Haïti.
  • 18 ont un compte Twitter, mais seulement 4 d’entre eux sont actifs (à savoir @fusionhaiti, @mopodhaiti, @ofisyelpeyizan et @phtkhaiti)
  • 43 ont soit une page, un compte ou un groupe sur Facebook, pour seulement 11 pages actives. Les pages pour la plupart n’ont été créées et animées qu’à l’aube des élections de 2015.
  • Aucun parti n’est activement représenté sur les quatre canaux.

Vous pouvez consulter ici le tableau de comparaison et la liste des partis considérés.

       *Veuillez noter que ces chiffres peuvent varier d’un jour à l’autre. Seules les pages PHTK, Mopod, PAC et Unir sont actives au 27 avril 2019.

Ces résultats ne doivent pas décourager les partis qui essaient de s’institutionnaliser. S’il faut féliciter et encourager les rares partis qui s’adonnent à animer leurs pages, il y a toutefois plusieurs anomalies dans la gestion de leur présence sur les réseaux et dans la toile : la majorité des sites web ne sont pas mis à jour, les pages Wikipédia sont très succinctes (parfois 2 à 4 phrases) et ne disent rien sur la vision du parti ou son histoire, leur langage prouve que ces pages n’ont pas été créées ni relues par quelqu’un du parti, les sites web sont très mal conçus (à l’exception de celui du Plan d’Action Citoyenne et du Parti Républicain Haïtien), les pages Facebook ne suivent pas forcément une stratégie de communication… les entorses sont nombreuses. La performance de la majorité des partis révèle aussi l’absence de communication publique prenant en compte la diversité des canaux et l’importance d’aller vers son électorat tout au long de l’année.

Il ne faut pas non plus se faire d’illusions, avoir plus d’abonnés ne signifie pas être plus performant sur le terrain. Ce n’est pas le mobile de cette enquête. Car même le PHTK avec sa centaine de milliers d’abonnés ne fonctionne pas à l’image d’une institution.

*Veuillez noter que ces chiffres peuvent varier d’un jour à l’autre. Seuls les comptes Fusion et PHTK sont actifs au 27 avril 2019.

Comment s’informer alors des idées politiques de ces partis quand ils ne communiquent pas assez ? Comment leur faire confiance qu’ils veulent changer l’image d’un pays quand ils ne peuvent même pas s’offrir une image ? Comment espérer qu’ils pourront revitaliser des institutions régaliennes quand ils peinent à gérer les leurs ? Certainement, d’aucuns diront qu’il ne s’agit pas d’image, mais d’idées. Retour à la première question.

Yvens Rumbold

Contributeur Ayibopost

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