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Photos | Une des plus anciennes écoles professionnelles d’Haïti dans l’urgence absolue

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96 ans après sa création, l’école professionnelle publique Jean Baptiste Damier manque d’argent et se trouve encerclée par des bandes armées

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Fondée en 1926, Jean Baptiste Damier est l’une des premières écoles professionnelles du pays. Situé à la rue Montalais au centre-ville de Port-au-Prince, ce centre de formation porte le nom d’un ancien ministre de l’Éducation.

L’école fonctionne aujourd’hui dans une situation de dégradation extrême, ce qui l’empêche de mener à bien la formation professionnelle des jeunes dans les métiers.

« L’école ne peut pas dispenser ses cours de façon convenable, révèle Francky Francoeur, membre de la commission qui gère l’institution depuis tantôt six mois. Les matériels didactiques et pratiques font défaut sans compter le grave problème salarial des professeurs. »

Le centre professionnel Jean Baptiste Damier offre sept filières de formation telles que : électricité bâtiment, mécanique industrielle, haute couture, construction métallique, etc.  Une trentaine de professeurs accompagnent plus de 450 étudiants. Les formations durent trois ans.

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Deux des professions enseignées à l’école sont très coûteuses. « Il s’agit de la mécanique générale et l’ébénisterie, fait savoir Frantz Bien Aimé, coordonnateur des étudiants et formateur en travaux de bois. Il nous faut des moyens pour acheter des matériaux et de nouveaux appareils pour que les étudiants puissent travailler. »

Les étudiants paient 7 500 gourdes comme frais académiques. Puisque l’Institut national de la formation professionnelle (INFP) qui coordonne et régule l’enseignement technique et professionnel en Haïti ne dispose pas de budget de fonctionnement pour les centres professionnels publics du pays, l’école se retrouve toujours en difficultés financières.

Selon Carmel Vilfranche, directeur de coordination des opérations à l’INFP, la loi portant réorganisation et modernisation de la formation technique et professionnelle ratifiée en 2018 fait obligation aux centres professionnels de générer des moyens pour leur fonctionnement.

Selon cette loi, le fonctionnement des institutions professionnelles repose sur les frais académiques des étudiants et les rentrées des productions des ateliers des centres ou parfois des dons.

Jean Baptiste Damier paraphe souvent des contrats avec le ministère de la Justice pour la fabrication d’équipements en bois pour les tribunaux du pays. « Mais cela n’est pas suffisant », souligne Frantz Bien Aimé.

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L’école a été sévèrement touchée par le tremblement de terre du 12 janvier 2010. Depuis, des hangars ont été construits dans la cour de l’institution.

Douze années après, le centre n’est pas encore reconstruit. Les hangars ne peuvent plus résister. « Nous sommes obligés de les rénover à chaque moment et de changer les bois en putréfaction », fait savoir Frantz Bien Aimé, coordonnateur des étudiants.

L’INFP avait trouvé, en 2018, un accord avec l’ambassade du Japon et la Banque caribéenne de développement pour la reconstruction du Centre.

« Le coût du projet était évalué à environ quatre millions de dollars », fait savoir Maguy Durcé, ancienne directrice de l’INFP. L’espace étant trop petit, les bailleurs ont abandonné le projet.

« Taïwan voulait construire un grand centre de formation, mais le terrain réservé pour la construction du centre est trop restreint, déclare Yves Carmel Vilfranche, directeur de coordination des opérations à l’INFP. Le seul espace que nous avons trouvé était à Titanyen. C’était bien trop loin. En plus, les responsables de l’école J.B Damier sont opposés à l’idée de déplacer le centre. Du coup, on a perdu le projet. »

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En dépit de tout, le centre a rouvert ses portes au grand public en janvier 2022 après une longue période de fermeture. « Les activités académiques fonctionnent avec difficulté, ce qui affecte les conditions d’études », raconte Marc-André Deshommes, étudiant en troisième année en mécanique ajustage.

Wilca Chery Georges qui a intégré le centre en janvier de cette année pour apprendre la mécanique générale estime que les conditions d’apprentissage ne sont pas bonnes. « Il n’y a pas de matériaux pour que les étudiants fassent des séances de pratique », dit le jeune dans la vingtaine.

L’école professionnelle J.B Damier se situe non loin de la Cathédrale de Port-au-Prince, à quelques pas de Bel-Air. Lors d’une visite d’AyiboPost, le 2 juin dernier, des barricades étaient érigées par les groupes armés en conflit à la rue Montalais situé à proximité du centre.

« Parfois, les crépitements de balles empêchent la tenue des cours, déclare Marc — André Deshommes. Lorsque cela dégénère, on est souvent obligé d’abandonner les classes pour sauver notre peau. »

Les photos sont de Carvens Adelson pour AyiboPost

Molière Adely pratique le journalisme depuis 2018. Il a déjà collaboré avec plusieurs médias. Étudiant en sociologie à la Faculté d’Ethnologie de l’Université d’État d’Haïti (FE/UEH), Adely s’intéresse à la politique, la culture et aux sujets de société.

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