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La guerre des gangs ferme les écoles à Croix-des-Bouquets

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Les élèves issus des écoles de la Croix-des-bouquets risquent de perdre le dernier trimestre de l’année académique 2021-2022

Alors que l’année scolaire suit son cours en Haïti, des établissements scolaires dans plusieurs régions de la capitale, dont la Croix-des-Bouquets, ne sont plus en mesure de fonctionner à cause de guerres entre gangs rivaux.

« Les portes des écoles sont restées fermées depuis plus de huit jours et on n’a aucun espoir quant à la date de leur réouverture », déclare Roosevelt Affricot, directeur de l’Institution Mixte Jean Himmler Affricot. Située à Shada, cette école d’un effectif de 250 élèves se trouve sur le territoire du gang Chen Mechan, allié du G9, qui s’affronte à 400 Mawozo, dont le leader, Germine Joly alias Yonyon, vient d’être extradé vers les États-Unis.

Selon Affricot, également membre de l’association des directeurs d’écoles de la Plaine du Cul-de-sac, plus d’une centaine d’établissements de la zone sont pratiquement à l’arrêt. Ces dysfonctionnements viennent rallonger la liste des régions comme Martissant et Bel Air déjà victimes de l’emprise féroce des gangs.

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Le tam tam incessant des armes lourdes entraîne également la paralysie des marchés publics et des activités commerciales. Certaines institutions scolaires veulent quand même braver le danger pour rouvrir leur porte plus d’une semaine après le début des affrontements.

Le Centre de Formation de Clercine avait sans succès tenté de fonctionner, confie Lewis Georges, un membre de la direction de l’école.

Le calme relatif à Clercine donne de l’espoir aux responsables de l’Institution Mixte Union des jeunes. « Nous voulons fonctionner, mais nous nous demandons si les parents auront assez de confiance pour envoyer leurs enfants à l’école par rapport à l’ampleur de la situation qui se dégénère au quotidien », déclare Damas Claudaris, un des responsables de l’institution.

Le tam tam incessant des armes lourdes entraîne également la paralysie des marchés publics et des activités commerciales.

Cette école, qui accueille environ 150 élèves, fonctionne dans l’après-midi. Elle se situe non loin de la place publique de Clercine. « Certains parents nous ont appelés pour savoir quand les activités scolaires vont reprendre, mais nous ne pouvons rien leur dire », poursuit Damas Claudaris.

Les écoles publiques comme le lycée Guy Malary qui se trouve à Croix-des-missions et le lycée de Duvivier sont aussi à l’arrêt.

Les parents sont aux abois. Depuis le début des affrontements à Croix-des-Bouquets, Rose-Myrtha Dorcé prend refuge sur le site d’hébergement du building Kay Castor avec ses trois petits enfants, âgés respectivement de 6, 5 et 4 ans. La dame passe une bonne partie de sa journée sur la place de Clercine, non loin des locaux du corps d’interventions des Forces motorisées (BIM).

Ses deux premiers enfants sont en deuxième et première année fondamentale. Leur dernier jour de classe remonte au vendredi 23 avril 2022. Depuis, ils ne peuvent plus retourner en classe. La résidente Butte Boyer à Croix-des-missions est enceinte de trois mois.

Vallon est propriétaire d’une maison située à Butte Boyer. Il relate avoir traversé un mur pour s’échapper aux balles des bandits. « C’est la première fois que nous vivons une telle expérience », dit-il.

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Ce père de seize enfants avait au total onze locataires dans sa demeure. Il explique que sa petite fille de cinq ans lui demande toujours quand elle pourra retourner à la maison et reprendre ses activités scolaires à l’institution mixte Vegal Réal.

À date, plus de 435 personnes, dont 176 familles, sont sur la liste officielle des déplacées dans certaines zones de la Croix-des-Bouquets. Ce chiffre augmente encore au jour le jour, fait savoir l’ingénieur Emmanuel Pieresaint, coordonnateur du bureau de la protection civile de Tabarre.

Le ministère de l’Éducation nationale et de la formation professionnelle (MENFP) n’a pas encore réagi face à la situation qui se dégrade dans la Plaine du Cul-de-sac.

« Je vous suggère de contacter le ministre pour toute information relative à ce sujet », déclare à AyiboPost Melody Vincent, responsable de communication du MENFP. Contacté à maintes reprises au téléphone, le ministre Nesmy Manigat était injoignable.

En général, chaque zone est sous la supervision d’un inspecteur éducatif qui travaille pour le compte du MENFP. Les directeurs d’écoles de la Plaine du Cul-de-sac se plaignent de n’avoir pas reçu d’appels venant de la part de ces autorités.

Lewis Georges, membre du staff du Centre de Formation de Clercine, fait savoir qu’il n’a reçu aucune visite d’inspecteurs de la région alors que les élèves risquent de perdre le dernier trimestre de l’année académique 2021-2022 sans l’intervention du MENFP pour relocaliser les institutions scolaires.

Le Premier ministre de facto Ariel Henry n’a pas non plus réagi depuis l’éclatement des affrontements entre les gangs rivaux dans la Plaine du Cul-de-sac.

Les photos sont de Fenel Pélissier pour AyiboPost

Fenel Pélissier est avocat au Barreau de Petit-Goâve, professeur de langues vivantes et passionné de littérature.

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