Faute de tests massifs, il reste difficile de savoir effectivement combien de personnes infectées par le Covid-19 circulent dans le pays
Depuis son apparition en Chine en décembre 2019, le nouveau Coronavirus frappe fort. À date, les bilans de la pandémie font état de 857 487 infectés et 42 107 morts à travers le monde.
La propagation rapide du Covid-19 a fini par atteindre 202 pays et territoires, dont Haïti. Selon le Ministère de la Santé publique et de la population (MSPP), au 1er avril, il n’y aurait cependant que 16 cas de Coronavirus confirmés à travers le pays.
Certains professionnels de la santé se méfient de ces chiffres à cause de l’absence d’un programme de dépistage généralisé. Alors qu’Haïti n’a effectué qu’une petite centaine de tests depuis l’arrivée de la pandémie, la République dominicaine compte 300 tests par jour.
En plus, le seul centre à détenir les capacités techniques pour effectuer ces tests se trouve à Port-au-Prince.
Une quantité limitée de tests
En Haïti, les activités de surveillance épidémiologique ont débuté tardivement.
La prise de température a commencé dans les aéroports du pays à partir du 31 janvier 2020. Jusqu’au 28 mars, le nombre d’investigations formelles réalisées par le MSPP était de 127.
Parmi ces 127 cas, 105 personnes étaient identifiées comme dossiers suspects de Coronavirus suivant les chiffres fournis par la Direction d’épidémiologie de laboratoire et de la recherche (DELR) du MSPP. Aussi, les autorités sanitaires n’ont réalisé que 105 tests. 15 d’entre eux se sont révélés positifs au Covid-19.
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« Les chiffres officiels sont justes et crédibles. Les autorités du MSPP n’ont pas intérêt à fournir de fausses informations », soutient le docteur Harry Beauvais, directeur du Centre haïtien d’investigation et de traitement avancé de l’infertilité (CHITAI).
Cependant, ce spécialiste croit que les autorités n’ont pas encore dépisté assez de gens, faute de test. « Si le ministère avait la capacité de réaliser un dépistage à grande échelle, les chiffres évolueraient en un clin d’œil », mentionne Harry Beauvais.
Les États-Unis ont commencé il y a peu un dépistage avec le test rapide du Covid — 19. Ces tests permettent d’avoir les résultats dans une vingtaine de minutes environ. Depuis, le nombre de contaminés ne fait que croître.
Des porteurs sains
La plupart de gens touchés par le Covid-19 sont asymptomatiques. C’est-à-dire, visiblement, ils ne présentent aucun symptôme. Ces gens sont quand même « capables de transmettre la maladie », confie le docteur Harry Beauvais.
D’où l’importance d’un dépistage de masse, renchérit le docteur Raphaël Allan. Ce chirurgien pense que nous ne sommes pas au courant du nombre réel des cas de Coronavirus dans le pays.
« Le peu de cas confirmés au Covid-19 peut être vu et considéré comme la pointe d’un iceberg visible dans un océan », fait savoir ce médecin qui croit que les personnes contaminées par le nouveau Coronavirus sont légion en Haïti.
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À cet effet, Raphaël Allan préconise des mesures préventives. Lorsque les formes graves du Coronavirus sont déclarées chez les patients, dit-il, nos centres hospitaliers seront incapables d’assurer une prise en charge adéquate.
Pour sa part, le docteur Harry Beauvais pense que le gouvernement devrait s’atteler à amasser des fonds pour se procurer des tests de dépistage. « Un test rapide coûte environ 25 dollars américains ».
Par ailleurs, conscient des faiblesses du système sanitaire haïtien et de l’incapacité de l’État pour la réalisation des tests à grandes échelles, le Premier ministre, Jouthe Joseph, entend rendre obligatoire le port des masques comme l’un des moyens de prévention à cette pandémie, malgré les mises en garde sur le manque d’efficacité des cache-nez les plus courants.
Un seul centre de réalisation de test
Le Laboratoire national de Santé publique est l’unique centre habilité à réaliser les tests du nouveau Coronavirus. Selon Jacques Boncy, directeur de cette entité, il n’existe pas d’autres annexes de cette entité dans les grandes villes du pays.
Questionné sur la quantité de tests réalisés par jour, Jacques Boncy n’avait pas voulu partager de chiffres. Ce médecin biologiste se montre aussi réticent à divulguer la quantité de tests disponibles en Haïti. « Je ne peux pas vous donner de chiffre. L’opération est dynamique et on s’approvisionne au fur et à mesure qu’on identifie nos besoins », déclare-t-il.
Plus loin, Boncy révèle que la machine utilisée pour la détection du matériel génétique du virus peut réaliser des séries de 40 à 96 tests à la fois pendant une durée de 24 heures. Mais, dit-il, le nombre de tests varie en fonction de la quantité de spécimens prélevés par la Direction d’épidémiologie de laboratoire et de la recherche (DELR).
Jacques Boncy se dédouane aussi de la faible quantité de tests réalisés par jour. Selon ses mots, le laboratoire national ne fait pas de prélèvement, mais plutôt des tests laboratoires sur les spécimens envoyés par le ministère et l’Organisation mondiale de la Santé en Haïti. Contactées à ce sujet, l’OMS et la DELR n’ont pas répondu aux demandes d’interview.
Un package
Selon les informations disponibles, 90 921 personnes ont été diagnostiquées dans les aéroports Toussaint Louverture et Cap-Haïtien. Ce type de dépistage se diffère de celui réalisé en laboratoire.
Selon Jacques Boncy, le test du nouveau Covid-19 est un package englobant à la fois : la prise de température, un processus de questionnement et des tests de laboratoires. Les deux premiers ne permettent pas de déterminer avec certitude si quelqu’un a le Coronavirus.
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Les dernières données révèlent que 10 703 personnes ont été contrôlées sur les points frontaliers du pays. 59 autres étaient placées en quarantaine institutionnelle et 385, en quarantaine domiciliaire. Un nombre restreint de 12 personnes étaient placées en isolement.
Malgré les mesures annoncées par l’administration en place, la peur de se faire contaminer par le virus rend des citoyens agressifs face aux personnes déclarées positifs. Ceux qui sont contaminés par la maladie craignent également d’être victimes de la part de la population, selon le docteur Raphaël Allan.
« Étant donné que les possibilités de se faire soigner se font rares dans le pays, les gens peu informés de la maladie pensent que leur survie dépend de l’éradication des personnes infectées par le virus », dit Raphaël Allan.
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