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Messi et Ronaldo, le début de la fin

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Ils gagneront certainement beaucoup de millions. Ils feront des coups d’éclats, par ci, par là… mais, ils ne seront plus comme avant. Il faut se rendre à l’évidence. Il faut s’y préparer. Et le plus important, il faut profiter de chaque instant. A commencer par maintenant, analyse Nathan Laguerre

Ils n’ont pas annoncé la fin de leurs carrières. Ils se préparent sans doute à relever de nouveaux défis. Pour la première fois, depuis très longtemps, ils sont tous les deux sortis dès les huitièmes de finales de la Ligue des champions. L’un pense sérieusement à quitter sa maison de toujours. L’autre ira sans doute sous de nouveaux cieux à l’issue de la saison. Ils se partagent un destin commun. Ils ont connu la gloire ensemble. Ils s’acheminent doucement, mais très surement vers la fin. Ils y vont tout droit. Main dans la main.

Lionel Messi et Cristiano Ronaldo sont incontestablement deux des plus grands joueurs de l’histoire du football. Sinon, les deux plus grands. Les débats tiendront aussi longtemps que ce sport et nos passions le seront. Certains pourront toujours leur préférer Di Stefano ou Maradona, Pelé ou Ronaldo (le Brésilien), Cruyff ou Van Basten, Platini ou Zidane, Beckenbauer ou Muller et, puisque le monopole de la passion et de la préférence n’appartient à personne, Manno Sanon ou Philippe Vorbe… Qu’à cela ne tienne ! Messi et Ronaldo appartiennent à la légende. Là où ils sont au Panthéon, personne ne pourra les en sortir. A côté, plus haut ou en dessous des autres… l’histoire en décidera, si elle ne l’a pas déjà fait. Les autres ont fait leur temps. Messi et Ronaldo sont en train de constater, malgré eux, malgré les amateurs de foot, malgré leurs réussites « actuelles », qu’ils sont en train de faire le leur.

Ronaldo, premier arrivé, premier servi…

De deux ans l’ainé de Messi, Ronaldo est le premier à faire face à la cruelle réalité des choses. Lorsqu’il a quitté le Réal Madrid pour la Juve à l’été 2018, le Portugais avait provoqué un tsunami dans le monde du football. Florentino Perez et son Réal avaient pris pour leur grade pour avoir laissé partir le meilleur buteur de l’histoire du Club. Surtout que l’équipe venait de boucler une campagne européenne victorieuse pour la troisième année de suite. Mais, le patron de la Maison Blanche est resté ferme dans ses bottes. Il n’était pas question pour lui de s’engager sur le long terme, tout en s’alignant sur des prétentions salariales aussi élevées, avec un joueur qui venait de souffler, il y a près de six mois ses 33e bougies.

La Juventus de Turin, traditionnelle victime de Ronaldo et de ses coups de génies, saute sur l’occasion. La bonne santé financière des Bianconeri à l’époque, son désir ardent de ligue des champions et de vengeance sur le rival madrilène font pencher la balance. Une grosse opération financière se met en œuvre. 100 millions d’euros pour la cession du joueur, 30 millions d’euros par an et un contrat de quatre ans. La Vieille dame voit les choses en grand. L’Opération Ligue des Champions est en marche. Les déclarations de Leonardo Bonucci, en février 2019, au moment d’évoquer la signature du quintuple ballon d’or illustre parfaitement les attentes turinoises, mais surtout leurs convictions. « Le niveau de l’équipe avec l’arrivée de Cristiano Ronaldo a surement augmenté. Le But est de gagner la ligue des champions, nous ne pouvons et ne devons pas le cacher. Le niveau du football italien s’est amélioré », disait-il, confiant. Pas habitué à faire des folies au mercato, la Juve s’est lâché cette fois-ci. Après avoir installé sa domination sur la Série A, elle veut la Coupe aux grandes oreilles. Elle se donne les moyens de ses prétentions en signant le meilleur joueur de l’histoire de cette compétition.  Résultats des courses : trois éliminations en huitième de finales. Ses bourreaux : l’Ajax, Lyon et Porto. L’échec est cuisant.

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A sa décharge, pour ses deux premières années, Ronaldo a, plus ou moins, été à la hauteur des attentes, marquant à chaque fois lors des éliminations de son équipe. Mais, face à ses compatriotes, pourtant en infériorité numérique pendant près de 70 minutes, CR7 est passé totalement à côté de son match. Impuissant en attaque, incapable d’aider son équipe dans la construction (cela n’a jamais été son point fort), coupable sur le but égalisateur sur coup franc… le Lusitanien a été méconnaissable. Sa passe décisive pour Chiesa est anecdotique devant l’ampleur des dégâts. Dézingué par la presse italienne, accusé de trahison, le Portugais est dans l’œil du cyclone. Pour la première fois de sa carrière, il essuie autant de critiques. Les Italiens, pas connus pour leur sens de la mesure, parlent de la trahison Ronaldo. Rien que ça !

Intraitable compétiteur, Cristiano Ronaldo donnera toujours tout sur le pré pour aller chercher la victoire.

Et pourtant, Ronaldo est tout, sauf un traitre. Intraitable compétiteur, il donnera toujours tout sur le pré pour aller chercher la victoire. Mais, à l’évidence, à maintenant 36 piges, il ne peut plus aller chercher certaines victoires. Ordinairement, à cet âge-là, les footballeurs sont à la retraite. Et si Ronaldo est encore à ce niveau, à ce moment de sa carrière, c’est parce qu’il n’est pas un joueur ordinaire. Excellent professionnel, il pensait sans doute qu’il était à la hauteur du défi turinois. Mais, sur ce coup, c’est bien la Juve qui s’est trahie, qui a trahi ses convictions en détruisant un projet collectif abouti pour bâtir un projet sportif autour d’un joueur (en raison de son âge) qui n’offrait pas toutes les garanties. Cela a marché d’un point de vue marketing. Ça marche plus ou moins bien, en Série A, puisque les Bianconeri ont pu conserver leur titre. Mais, en Ligue des champions, la raison majeure de la venue de Ronaldo, le désastre est considérable. Ce mardi 9 mars 2021, face à Porto, Ronaldo les a bien faits ses 36 ans. Son aventure turinoise ne devrait pas se prolonger à l’issue de la saison. L’erreur de casting est trop flagrante.

Messi, le prochain sur la liste…

Plus jeune que son éternel rival, Lionel Messi aura sans doute, plus de répit avant le grand déclin. Mais, l’Argentin laisse apparaitre lui aussi, les signes d’une fin de règne annoncée. Ballon d’Or en 2019, il ne doit encore ce statut qu’à la faveur de la Crise sanitaire. Le Magazine France football, ayant décidé, pour la première depuis la création de ce trophée, de ne pas décerner le ballon d’Or, l’an dernier. Au grand dam de Robert Lewandoski qui a réalisé une saison époustouflante individuellement et collectivement. Le Polonais a mis la barre très haute, cette année. Et pour s’en amuser, il a invité Messi et Ronaldo à manger à sa table. Sa blague est présomptueuse, mais elle est révélatrice d’une vérité implacable. Messi et Ronaldo ne sont plus les maitres des lieux. Parce que depuis, maintenant plus de dix ans, jamais un joueur n’avait autant embêté ces deux monstres sur le plan statistique. Le Ballon d’Or de Modric en 2018 était surtout la récompense de la belle Coupe du monde croate. Evidemment, l’ancien joueur de Dortmund, devra faire plus, pour présider cette table royale, mais sur cette année, le Bavarois ne leur a laissé que des miettes. Mais, revenons à Messi…

En 2017, le Barca connait deux grands évènements qui ont précipités sa chute : le départ de Neymar et la prolongation du contrat de Messi. Intéressons-nous, au second !

Habité par la crainte de voir partir Messi, le FC Barcelone propose à sa légende un contrat en Or massif : 555 237 619 euros bruts sur quatre ans incluant salaire annuel, prime de signature, etc. selon le Journal Mundo Deportivo, il s’agit là du plus grand contrat de l’histoire du sport. Tout simplement démentiel. Tout juste âgé de trente ans, au moment de signer ce nouveau bail, l’Argentin n’était certes pas encore au crépuscule de sa carrière, mais ses plus belles années étaient déjà derrière lui. On parle quand même, à l’époque d’un joueur qui trainait déjà dans ses pattes, plus de dix ans au plus haut niveau. Ce trop pesant contrat s’associant à la très mauvaise gestion des dirigeants catalans et à la Crise sanitaire ont ruiné le Club catalan. Et ce n’était pas tout. Cette catastrophe économique s’accompagne aussi d’échecs sportifs retentissants, surtout en Ligue des champions. 3-0 contre la Roma en 2018, 4-0 contre Liverpool en 2019, 8-2 contre le Bayern en 2020. Le Barca se fait lessiver à chaque fois. Messi est inexistant, à chaque fois. Et face au PSG, ils ont vécu une nouvelle désillusion…. Battus (1-4) à l’aller, les Culés et Messi ont été incapables de retourner la situation. Pourtant auteur d’une excellente rencontre, l’Argentin a manqué un pénalty décisif en fin de de première mi-temps, ce qui a éloigné leur rêve de remontada face à un PSG, assez frileux.

On dira sans doute, que Messi n’est pas la seule cause des échecs du Barca ; qu’il ne peut pas, tout seul, faire la différence ; que les joueurs à ses côtés ne sont pas les meilleurs… mais, cela n’enlèvera pas le poids insignifiant de Léo dans les grands rendez-vous, alors que cela a toujours été sa marque de fabrique. On reconnait les grands joueurs dans les grands rendez-vous. Ce n’est pas demain, que cela va changer. Quand tu n’arrives plus à faire des différences comme tu le faisais si bien avant, quand tu n’arrives plus à peser sur le sort des rencontres, quand tu assistes impuissant aux débâcles répétées de ton équipe…cela ne peut pas être que la faute des autres. Messi a toujours été le symbole de la grandeur de Barcelone. Il en est aujourd’hui, ne serait-ce que symboliquement, la principale cause de la décadence. A bientôt 34 ans en juin, l’Argentin aura, sans doute l’occasion, de sortir quelques tours de sa boite, à l’instar de ce somptueux but inscrit contre le PSG. Son génie est éternel, faut-il le rappeler. De temps en temps, il nous rappellera que l’oiseau même quand il marche, il montre qu’il a des ailes. Cela sera surtout révélateur que désormais, l’oiseau ne vole plus. Il marche. En attendant de s’arrêter.

Partir du Barca, lui donnera, peut-être un nouveau souffle, mais pas une nouvelle vie. Le génie n’a qu’un siècle, après il faut qu’il dégénère. Messi aussi. Messi surtout.

Et pourquoi, ils sont encore là ?

Cette question se pose assez légitimement. Respectivement meilleurs buteurs de Série A et de la Liga, Ronaldo et Messi affichent des statistiques assez honorables, voire convaincantes. Ne sont-ils pas meilleurs que les autres ? A part Lewandoski qui semble se détacher (lui non plus, il n’est pas trop jeune), qui d’autres mériteraient les fauteuils de Ronaldo et Messi ? Comme disent les avocats : « la cause se plaide ». Ayons pour preuve les chiffres, honorables Magistrats. En réplique : « Les statistiques sont la forme la plus élaborée du mensonge ». Jamais, cette phrase attribuée à Winston Churchill n’avait pris tant de sens. Messi marque. Ronaldo marque. Allez voir contre qui ! Allez voir dans quelles circonstances ! Allez voir à quelles occasions…

Trahis par leurs corps et/ou leurs hygiènes de vies, Neymar et Hazard ne semblent pas être en mesure de se disputer le trône qui leur était pourtant promis. Salah et Mané s’essoufflent avec les Reds de Liverpool. Lukaku ne semble pas avoir les épaules assez larges pour porter une telle responsabilité. Benzema, lui aussi sur la fin, ne coche pas toutes les cases… Bruno Fernandes n’a pas assez de références, au plus haut niveau, pour entrer dans tels débats. Le creux générationnel semble être plus profond qu’il n’en a l’air. S’ils sont encore là, c’est à cause d’une relève qui a tant de mal à s’assumer… De plus, juger Messi par rapport aux autres est une grossière erreur. Ils ont toujours été sur une autre planète. Il faut les évaluer par rapport à eux-mêmes. A ce qu’ils font depuis plus de dix ans. Le fait seulement de revenir parmi les terriens, de tenir des comparaisons avec Lewandoski ou d’autres, n’est-ce pas là le signe le plus visible du déclin ?

Les tubes du moment Mbappé et Halland semblent se préparer à une lutte aussi infernale que passionnante que leurs glorieux ainés. Mais, ils n’ont ni leurs talents ni leur palmarès. En tout cas, pas encore. Surtout, ils n’ont que 20 et 22 ans. Deux ans de différence, comme un signe du destin. Mais, il faudra peut-être attendre.

En attendant justement, Messi et Ronaldo continueront de marquer des buts. Ils remporteront sans doute d’autres titres. Ils gagneront certainement beaucoup de millions. Ils feront des coups d’éclats, par ci, par là… mais, ils ne seront plus comme avant. Il faut se rendre à l’évidence. Il faut s’y préparer. Et le plus important, il faut profiter de chaque instant. A commencer par maintenant.

Nathan Laguerre

Spécialiste en droit du sport, Nathan Laguerre est avocat au Barreau de P-au-P. Il adore le football !

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