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Le Prince Neymar peut-il devenir Roi ?

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Si jamais le PSG venait à se défaire du Bayern Munich, ces joueurs rentreraient à jamais dans le panthéon du football français

À l’été 2017, un coup de tonnerre éclate sous le ciel catalan. Neymar, fidèle ami de Messi, appelé à le succéder sur le trône, décide de partir de l’autre côté des Pyrénées. Sa destination ? Paris. Le Club de la capitale française rêve de Champions League et pour atteindre ses ambitieux objectifs, il sort le chéquier. 222 millions d’euros et Neymar devient le joueur le plus cher de l’histoire. Depuis, l’aventure francilienne de la star auriverde ne cesse de tourner au cauchemar. Blessures, incompréhensions, envies de départ… si le talent du Brésilien est indéniable, c’est son implication dans le projet parisien qui fait jaser.

Cette année, alors que tous ses pépins physiques semblent derrière lui, ce dimanche à Lisbonne, le Prince du Brésil, au terme d’un huitième de final sensationnel, s’invite en finale de la Ligue des Champions contre les favoris de la compétition : le Bayern. L’occasion pour lui de lever définitivement tous les doutes sur sa capacité à régner sur le football mondial.

Neymar est venu à Paris pour la Ligue des Champions. Zlatan, Di Maria, Cavani, Thiago Silva aussi. Près de dix ans après, le projet qatari au PSG se rapproche de l’objectif ultime. Après plusieurs échecs risibles, notamment la remontada face au FC Barcelone, les Parisiens ont calmé leurs nerfs. Ils ont vaincu leurs vieux démons pour se hisser en finale de la plus prestigieuse compétition européenne des Clubs.

S’ils ont un peu trop fêté leur victoire face au RB Leipzig (3-0), sachant qu’ils n’ont encore rien gagné, les Hommes de Thomas Tuchel savent qu’ils sont sur le point de réaliser quelque chose de grand, de très grand. Si jamais ils venaient à se défaire de l’Ogre Bavarois, ils rentreraient à jamais dans le panthéon du football français, particulièrement celui du PSG qui a soufflé ses cinquante bougies le soir du match face à l’Atalanta de Bergame en quarts (victoire 2-1).

Le boulot impeccable de Leonardo

Dans cette épopée européenne spéciale, toute l’équipe parisienne est à mettre en avant. De l’entraineur passant par les tauliers du vestiaire jusqu’à ceux qui jouent un peu moins, à l’image du héros improbable Éric Maxim Choupo-Moting, ils ont tous été dans un bel état esprit. Là aussi, il faut souligner très fortement le travail impeccable de Leonardo qui a su mettre un peu d’ordre dans la maison. Il faut quand même se rappeler qu’à un moment où le PSG enchainait les désillusions, plusieurs de ses joueurs, dont certains achetés à prix d’or, n’ont pas toujours été irréprochables.

Revenu aux commandes, l’ancien international brésilien a très vite récupéré les clés du camion. Il a mis le club sur les rails. Un peu plus d’un an après son retour aux affaires, les Franciliens sont déjà sur le port prêt à s’embarquer dans la plus belle et la plus excitante aventure de leur histoire.

Mais, au-delà de ce collectif qui s’est enfin créé et plus soudé que jamais, un homme cristallise, presque à lui tout seul, toutes les attentions. Arraché du Barca, il y a trois ans, Neymar est dans la forme de sa vie. Déjà artisan de la qualification en huitièmes de finale face à Dortmund, le numéro 10 brésilien a remis cela avec plus de maestria. Cette fois-ci, face aux Bergamasques de l’Atalanta et aux Allemands du RB Leipzig.

Intenable et en dépit de son inhabituel manque de précision devant les buts, l’ancien joueur de Santos a déjà fermé beaucoup de bouches. Il a fait taire les mauvaises langues (et peut-être la mienne) qui critiquaient son choix de quitter le Barca, son prestige et surtout le meilleur joueur du monde, pour aller s’installer en France. Ce championnat, disaient-elles, ne lui permettra jamais d’atteindre les sommets.

Pour beaucoup d’observateurs, et parmi eux certains des plus avisés, en signant au PSG, l’enfant du Brésil entamait le chemin de l’exil. Mais, trois ans après, et avant même la finale, Ney tient déjà deux petites revanches.

Premièrement, son PSG est en finale de la Ligue des Champions là où Cristiano Ronaldo avec la Juventus de Turin et Messi à Barcelone depuis son départ ont échoué.

Deuxièmement, le championnat français est devenu grâce à lui, un championnat plus prisé. Les audiences ont explosé particulièrement dans son pays natal où le football est pour ses 200 millions d’habitants une religion d’État. Sur le terrain les résultats n’ont pas tardé à venir quand cette année justement, la Ligue 1 est parvenue à placer deux équipes dans le dernier carré (Lyon et le PSG) pour la première fois de son histoire. Farmer league, tu disais…

Neymar, un homme de défi

Qu’on l’aime ou qu’on ne l’aime pas, il faut reconnaitre en Neymar une mentalité hors norme. Simulateur, chambreur, pleurnichard… oui. Mais, aussi des paris fous, que probablement lui seul, sur le circuit, a le courage de tenter. D’années après années…

Tout a débuté à Santos, son club de cœur. Alors que l’Europe entière lui tendait les bras et que le monde entier le voulait, il est resté à Santos pour, disait-il, gagner la Copa Libertadores de America, l’équivalent de la Ligue des Champions. Le Club n’avait plus remporté la prestigieuse compétition sud-américaine depuis quarante-huit ans avec un certain Edson Arantes Do Nascimiento dit Pélé.

Le 22 juin 2011, le gamin de 19 ans, buteur en finale face au Peñarol (2-1) de Montevideo permet à son club formateur de renouer avec son glorieux passé sous les regards admiratifs de Pélé. Ce jour-là, il pouvait célébrer son triomphe, sous les yeux du Roi, il pouvait fièrement porter sa couronne. Et l’histoire ne faisait que commencer. Deux ans plus tard, Neymar quittera le Santos FC pour rejoindre le FC Barcelone.

OPINION : Pardon, mais le football me manque !

À l’été 2013, un nouveau pari risqué attend le prodige brésilien. S’il rejoint à l’époque l’un des meilleurs clubs du monde, Neymar devra s’adapter à ce football européen plus rapide, plus rugueux et plus exigeant mentalement et physiquement. Tout ça en à peine moins d’un an de la prochaine coupe du monde au Brésil où l’espoir de tout un peuple repose sur ses frêles épaules. Si le Barça finit la saison sans véritable succès, Neymar montre d’excellentes choses pour sa première saison. Son adaptation est réussie.

En 2014, c’est surtout à la Coupe du Monde qu’il va briller. Leader d’un Brésil sans inspirations, l’enfant de Santos ne déçoit pas. Il porte son équipe. L’un des meilleurs joueurs du tournoi jusqu’à sa blessure en quarts face à la Colombie, le no 10 Auriverde, passe à quelques centimètres près de la paralysie. Il échappera à la fessée allemande en demi-finales (7-1). Pour Neymar, le grand défi sera de retrouver son meilleur niveau après cette grave blessure par suite d’une fissure de sa colonne vertébrale. Et là encore, il relèvera défi.

En 2015, il aide le Barca à monter une fois de plus sur le toit de l’Europe. Triple buteur en demi-finales face au Bayern de Munich et buteur en finale face à la Vieille Dame (3-1), il termine co-meilleur buteur de la compétition. Son trio magique composé avec Messi et Suarez, la MSN reste à ce jour, pour certains, la meilleure association d’attaquants de l’histoire.

En 2016 à l’occasion des Jeux Olympiques de Rio, après avoir renoncé à la Copa America Centenario, le capitaine brésilien jura d’apporter à son pays le seul titre qui manquait à son palmarès. Après avoir échoué dans cette quête, quatre ans plus tôt à Londres défait par le Mexique, il réussit enfin à offrir cette médaille d’or au Brésil. L’orgueil des Brésiliens en souffrait. Eux qui ont tout gagné dans toutes les catégories. Fantomatique en phase de poules, critiqué alors que son pendant féminin Marta affole les compteurs, pour Neymar le rêve olympique ressemble à un horrible cauchemar. Mais, il tient bon. Après la qualification laborieuse face au Danemark, Neymar assume ses responsabilités et sort une nouvelle prophétie, cette fois-ci devant les caméras et les micros de ses détracteurs : « j’ai déjà été beaucoup critiqué et je n’y fais plus attention. Je suis habitué à passer de l’enfer au Paradis (…) ».

En quarts de finale, il marque son premier but du tournoi face à la Colombie. En demi-finales face au Honduras, il inscrit un doublé dont le but le plus rapide de l’histoire des JO. En finale face à l’Allemagne, il est l’auteur de l’ouverture du score et du dernier tir au but décisif. Neymar est submergé par l’émotion. Une fois de plus, il a réussi son pari. L’or olympique est enfin brésilien.

En 2017, il vit, ce qui est à ses yeux, l’un des plus beaux moments de sa carrière. Après une défaite (0-4) face aux Parisiens un soir de Saint Valentin, il est le premier à croire en la qualification. Alors que tout le monde les voyaient dehors (lui et son équipe), il continuait à y croire. Après la catastrophe alors que tout le monde était KO, il a eu ce message d’espoir : « Même s’il n’y a qu’1 % de possibilité, j’aurai 99 % de foi», affirmait-il sur les réseaux sociaux.

La suite, nous la connaissons tous. Double buteur et passeur décisif sur le but de Sergi Roberto, Ney guidera le Barca sur le chemin de la remontada (6-1). Il ne peut malheureusement rien au tour suivant face aux redoutables Turinois. Mais, en manque de reconnaissance, Neymar se décide de quitter la Catalogne la même année où l’attend un nouveau défi : guider Paris vers les sommets, mais aussi et surtout devenir le meilleur joueur du Monde.

Paris, l’enfer puis le Paradis?

L’expérience parisienne de Neymar ressemble à ces histoires d’amour insolites… qui finissent mal. En tout cas, c’est ce qui a failli se passer à l’été 2019. Dans sa quête de grandeur, le Brésilien échoue piteusement. En club comme en sélection, rien ne se passe comme prévu.

D’abord, il est confronté aux caprices de Cavani. Meilleur buteur de l’histoire du club, l’Uruguayen est le véritable chouchou du parc des Princes. Les deux stars n’arrivent pas à s’entendre. Pas effrayé par les millions qui ont attiré le Brésilien, l’ancien Napolitain pense avoir plus de légitimité. Neymar doit sortir les crocs. Le Penalty Gate marquera à jamais son expérience parisienne.

D’un autre côté, Neymar doit faire aussi avec la concurrence de Kylian Mbappé. Acheté à prix d’or lui aussi, diablement talentueux lui aussi, le prodige français revendique plus de responsabilités. Champion du monde, bourreau de l’Argentine de Messi, buteur en finale de Coupe du Monde…, l’enfant de Bondy est entré dans une autre dimension. À Paris, il cherche un nouveau statut. On commence alors à claironner que Neymar est sorti de l’ombre de Messi pour aller se parer sous celui d’un gamin de 20 ans.

Même s’il marche sur la Ligue 1 lors de ses apparitions, l’ancien Blaugrana n’est pas épargné par ses adversaires. À Strasbourg à Dijon ou à Marseille… Neymar provoque et prend des coups. Les arbitres laissent faire. En France on ne protège pas les artistes. En tout cas pour Neymar et son clan, pas assez.

Le Brésilien prend une fâcheuse habitude avec les blessures avant les matchs décisifs. Il assiste depuis les tribunes aux éliminations successives du PSG en huitièmes de finale de Ligue des Champions face au Réal de Madrid et Manchester United. Il doit jouer la coupe du monde sur une cheville. Il doit renoncer à la Copa America où son Brésil triomphe enfin après plus de dix ans de disette. Neymar à Paris est un échec cuisant. Le Brésilien a perdu son rang. Celui qui voulait devenir le meilleur joueur du monde chute à la douzième place du classement du Ballon d’Or en 2018, lui qui a terminé sur le podium en 2015 et en 2017.

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En 2019, il n’est même pas retenu dans la liste des nominés. Comme si cela ne suffisait pas, les Parisiens ne sont plus aussi souverains, en France. Ils perdent tour à tour la Coupe de la Ligue et la Coupe de France au profit de Strasbourg et du Stade Rennais.

Dégoûté, Neymar demande à être transféré. L’enfant prodige veut rentrer à Barcelone où Léo Messi n’a jamais digéré son départ. Mais, le PSG exige le prix fort. Le Barça doit renoncer. Neymar aussi. Celui qui est parvenu à se mettre le public à dos doit entamer sa rédemption. Un nouveau chemin de croix. Il doit passer une année de plus à Paris.

La saison démarre. Neymar ne joue pas encore. Pour son premier match au parc des Princes, Paris reçoit Strasbourg. Les supporters lui promettent l’enfer. Ils tiennent parole. Chaque touche de balle du brésilien est accueillie par des sifflets, des broncas… le divorce est consommé. Alors que l’on se dirige vers un bien terne match nul, le Brésilien sort de sa boite, une retournée acrobatique dont lui seul a le secret. Le Parc ne peut que s’incliner. Neymar est peut-être une forte tête. Un salaud. Mais, c’est quand même un garçon en or et pétri de talents.

Quelques jours après, il récidive face à Lyon en marquant le but de la victoire. Pas totalement libéré par ses blessures, Neymar se ménage. Seulement une quinzaine d’apparitions en Ligue 1. Il sait que s’il veut se faire pardonner, c’est sur la scène européenne qu’il doit briller. Sanctionné pour ses propos le soir de l’élimination face à Manchester United, le Brésilien manque le début de la Ligue des Champions. Paris brille en étrillant notamment le Réal (3-0). Tout va bien dans le meilleur des mondes. De toute façon, les phases de poules n’ont jamais été un obstacle pour les Parisiens.

En 2020, Paris doit faire face à son destin européen. Sur leur route, le tirage a mis le Borussia Dortmund. Lors du match aller, les Allemands s’imposent à domicile (2-1). Battus par un gamin de 19 ans, Erling Haaland, les vieux démons parisiens ressurgissent. Déjà auteur du but de l’exploit à aller, le Brésilien ouvre le score pour guider les siens vers la victoire au retour (2-0). Trois ans que le PSG n’avait pas atteint les quarts. Le nouveau coronavirus qui semblait détruire le rêve parisien va pourtant leur « faciliter » les choses. L’UEFA décide un final 8 dans un format classique de coupe du monde ou de coupe d’Europe. Les équipes devront croiser le fer dans la bulle de Lisbonne. Et là, Neymar brille comme jamais. Face à Atalanta, il est élu homme du match même s’il ne marque pas. Face à Leipzig, il a été un poison de tous les instants.

Emmené par son génial numéro 10 brésilien, le PSG accède à la finale de la Ligue des Champions pour la toute première fois de son histoire. Les joueurs exultent. Les champs Élysée explosent. Pour Paris et pour Neymar, c’est déjà une petite victoire. Les voilà aux portes du paradis.

Dimanche, la consécration ultime?

Les Parisiens n’ont rien gagné. Et ça, ils le savent ou encore ils devraient le savoir. Parvenir à la finale, c’est bien. Mais, si au bout il n’y a pas la victoire, la symphonie sera inachevée. L’histoire ne retient que les vainqueurs. Seul un succès dimanche permettra aux Parisiens de lever tous les doutes. S’ils ont été favorisés par le tirage et par le contexte, en finale ils seront attendus au tournant. Puisqu’en face, ce seront les favoris de l’épreuve. Les Bavarois emmenés par Robert Lewandowski, meilleur buteur de la compétition, écrasent tout sur leur passage depuis le début du tournoi.

Tottenham, Chelsea, Barcelone, Lyon… ils ont tous été engloutis par l’Ogre Bavarois. Comme les Parisiens, ils ont tout raflé sur la scène nationale. Il ne leur manque que la consécration européenne pour couronner une saison exceptionnelle. Les coéquipiers de Neymar n’ont pas eu affaire à un adversaire aussi redoutable que le Bayern, cette saison. Surs de leurs forces, les Joueurs de Hans-Dieter Flick avancent sur le PSG avec beaucoup de certitudes et quelques doutes… puisqu’eux aussi n’ont pas affronté une équipe aussi déterminée et aussi forte (notamment en attaque) que le PSG cette saison. Avec Neymar, Mbappé et Di Maria, les Parisiens disposent dans les conditions normales de température et de pression, de la meilleure attaque du monde. Les attaquants parisiens feront apparaitre au grand jour les lacunes défensives bavaroises, si Hans Flick ne rectifie pas le tir.

Cette finale qui s’annonce passionnante et équilibrée sera peut-être l’occasion pour Neymar (28 ans) de ravir enfin à Messi (33 ans) et à Cristiano Ronaldo (35 ans) le statut de meilleur joueur du monde qu’ils se disputent depuis maintenant douze ans. Au-delà du résultat, c’est surtout la maitrise et le niveau de jeu proposé par le Brésilien qui impressionne. Ce qui a poussé le Journal l’Equipe à se demander cette semaine, si Neymar n’est pas actuellement le meilleur joueur du monde ?

Même si le match de ce dimanche ne répondra pas totalement cette question, il nous apportera les premiers éléments d’appréciation. En tout cas, l’éternel prince du Brésil et du football semble enfin avoir la stature et la posture pour régner sur la planète football.

Et parce qu’enfin ce moment d’histoire est unique, en face, il y aura Lewandowski qui en cas d’échec du Brésilien à conquérir le trône se fera le plaisir de prendre les rênes. Moins, clinquant, il est vrai. Moins plébiscité, c’est certain. Mais, tout aussi légitime.

Nathan Laguerre

Spécialiste en droit du sport, Nathan Laguerre est avocat au Barreau de P-au-P. Il adore le football !

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