Nous n’avons jamais connu un tel mépris dans l’histoire politique d’un pays qui a pourtant été souvent mal dirigé. Nous n’avons jamais été témoins d’un tel degré d’outrecuidance
Les appels à la démission du gouvernement de facto du docteur Ariel Henry se multiplient. Les adresses à des officiels de ce «gouvernement» aussi. Leurs noms sont quasiment devenus des injures. Comme ceux de leurs alliés, on devrait dire leurs complices, qui ne peuvent plus sortir, aller boire un verre ou assister à des funérailles sans se faire huer et caillasser.
Certains avaient une profession, une réputation. Pourquoi diable ces gens sont-ils allés perdre leurs carrières dans une folle et sanglante entreprise ? On ne peut y trouver que deux motivations, l’une ou l’autre ou les deux ensemble : l’appât du gain et la folie du pouvoir.
L’entreprise est folle. Comment prétendre diriger un pays qui ne veut pas de vous, ne vous reconnaît aucune légitimité ? Vous n’avez pour le faire que la corruption et la violence. Mais on ne peut pas corrompre tout un peuple. Ni exercer la violence éternellement.
L’entreprise est sanglante. La police nationale, malgré la bonne foi de nombre de policiers qui voudraient simplement faire correctement leur métier, protéger et servir la population, est réduite à une armée privée qui ne protège et ne sert que les personnes au pouvoir. Les gangs délogent des populations, tuent des citoyens. Lorsque ces citoyens protestent, appellent à l’aide, manifestent, on exige des policiers qu’ils les répriment.
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Le gouvernement de facto est un acteur de la violence que subit la population. À quoi utilise-t-il notre argent ? En plus de la corruption et de la violence, il s’avilit dans la trahison. Se maintenir, c’est nous trahir. Les intérêts de la nation. Toute logique de sortie de crise, de rétablissement des institutions, de politique sociale et sécuritaire, exige son départ.
Certains avaient une profession, une réputation. Pourquoi diable ces gens sont-ils allés perdre leurs carrières dans une folle et sanglante entreprise ?
Le docteur Ariel Henry et ses comparses regardent un pays pourrir, mourir, parlent d’autres choses en vaquant à leurs petites affaires. Nous n’avons jamais connu un tel mépris dans l’histoire politique d’un pays qui a pourtant été souvent mal dirigé. Nous n’avons jamais été témoins d’un tel degré d’outrecuidance. Chaque enfant qui meurt à Carrefour-Feuilles ou Martissant, on devrait l’amener et coucher son corps devant votre porte. Mais vous utiliseriez les armes de la police nationale pour empêcher la conscience populaire d’arriver jusqu’à porte derrière laquelle vous vous cachez.
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La démission ne vous sauvera pas du jugement de l’Histoire, mais elle vous protègera peut-être, je le souhaite, de l’exercice de la colère vengeresse d’un peuple que vous poussez à bout.
Haïti ne mérite pas ce qu’elle subit uniquement pour que vous vous mainteniez au pouvoir. Qui y gagne quoi ? Les gangs qui montent en puissance. Les plus conservateurs, réactionnaires et avides de ce monde des affaires qui a aussi des comptes à rendre à la nation. «L’international» qui a entraîné ce pays dans une longue suite de mascarades soi-disant démocratiques et s’enfonce et nous enfonce dans une continuité criminelle.
Le docteur Ariel Henry et ses comparses regardent un pays pourrir, mourir, parlent d’autres choses en vaquant à leurs petites affaires.
Pour les enfants qu’on tue à Carrefour-Feuilles, pour vos enfants à vous qui ont sans doute déjà honte de leurs pères et mères, pour un pays encore à faire auquel votre présence ne fait que barrer le chemin, et s’il vous faut des raisons vulgaires qui vous toucheront peut-être un peu plus, pour la conservation des biens que vous avez accumulés, proposez-nous une formule pour votre départ.
Le sentiment général est que vous êtes en guerre contre Haïti. Cette guerre, au final, qui croyez-vous la perdra ? Une formule de départ, cela me semble la seule discussion qu’Haïti peut encore accepter avec vous.
Par Lyonel Trouillot
Image de couverture : Fuyant la violence des gangs à Carrefour-Feuilles, une habitante se réfugiant au lycée de la zone regarde par la fenêtre, le 16 août 2023. | | © Jean Feguens Regala/AyiboPost
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