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Lyonel Trouillot | «Chasser des gens déjà chassés de leur logis : Voilà de quoi avoir honte !»

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Une police qui se précipite pour chasser des gens déjà chassés de leur logis, parce qu’ils s’approchent trop d’une ambassade que leur présence ne menace pas, voilà de quoi avoir honte

Une Haïtienne qui se baisse pour pisser dans la cabine d’un avion parce que l’accès aux toilettes lui est interdit par une hôtesse rigoriste. Pas de quoi avoir honte. Tel immense comédien français a vécu pareil embarras. Et combien de fois dans l’histoire de l’avion civile, telle condition ou maladie a forcé des passagers à de telles réactions.

Mais, une décision du gouverneur de la Floride entérinée par un document du ministère de l’Éducation autorisant à enseigner que l’esclavage a entraîné des conséquences positives pour des esclaves noirs qui ont ainsi appris des métiers et des savoir-faire, voilà un motif de honte pour un Occident dont certains dirigeants affichent ouvertement leur racisme. Que le racisme amène des votes, voilà ce qui devrait être un motif de honte pour un Occident se prétendant inventeur de tout : la démocratie, la raison, la pensée, la science… et plus que jamais donneur de leçons. Le problème avec les vieux maîtres ronronnant leurs contradictions, c’est l’avènement des mauvais élèves.

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Non. Une dame à laquelle son corps ne laisse pas le choix, une anecdote parmi d’autres, et pas de quoi avoir honte.

Mais une police haïtienne qui se précipite pour chasser des gens déjà chassés de leur logis, parce qu’ils s’approchent trop d’une ambassade que leur présence ne menace pas, voilà de quoi avoir honte. Proposition de les loger ailleurs ? Politique d’aide aux populations déplacées par la violence des gangs ? Non, bien sûr. Après tout, ce n’est pas une police aux ordres d’un gouvernement aux ordres de la nation. C’est le gouvernement de l’ambassade. Elle l’a choisi, le protège, le biberonne. Il la supplie, la vénère, lui offre un peuple en gage. Voilà de quoi avoir honte.

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Cela va de concert avec le haut niveau d’érudition des membres du pouvoir. Un Premier ministre en mode avion sinon pour chanter son quant-à-moi, et multiplier les appels au secours de son gouvernement. Un ministre qui ne trouve rien de mieux à dire que l’existence d’un lien filial entre la révolution haïtienne et telle «grande» révolution, à l’occasion de la fête nationale d’une ancienne puissance coloniale. Celui-là n’a jamais entendu parler de Makandal ni lu le moindre ouvrage d’un historien ou anthropologue des trente dernières années. La révolution haïtienne fille de la révolution… on ne dit plus cela que dans la section primaire de la bibliothèque coloniale.

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Et vient le 28 juillet. L’Occupation, on s’en souvient ? Une mission «visant à rétablir la paix et l’ordre». Et combien de Conzé pour combien de Péralte ! Ah, il y a de vrais motifs de honte. Laissons cette dame pisser en paix.

Par Lyonel Trouillot

Photo de couverture : Un agent de l’Unité Départementale de Maintien de l’Ordre (UDMO) ordonne aux réfugiés devant l’Ambassade des États-Unis en Haïti de vider les lieux, avant de recourir au gaz lacrymogène pour les disperser, le mardi 25 juillet 2023. | © Jean Feguens Regala/AyiboPost


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Poète, romancier, critique littéraire et scénariste, Lyonel Trouillot a étudié le droit.

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