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Photos | Le cauchemar continue à Carrefour-Feuilles

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Depuis le samedi 12 août 2023, le bidonville subit l’assaut violent des gangs armés. Des milliers de familles sont contraintes de s’enfuir

Farnise Ladouceur revenait de l’église à Carrefour-Feuilles dans la matinée du dimanche 13 août lorsqu’elle reçut un projectile dans le dos. «Mon fils qui m’accompagnait a chuté à trois reprises alors qu’il tentait de m’évacuer», a témoigné la dame, depuis l’Hôpital de l’Université d’État d’Haïti (HUEH) ce mercredi.

L’enfer s’est abattu sur Carrefour-Feuilles dès le samedi 12 août. Les membres du redoutable gang de «Ti Lapli» à Grand Ravine s’en prennent violemment à la population, dans le but de contrôler la zone.

Des habitants de Carrefour-Feuilles constatant avec impuissance leur maison partir en flammes depuis la Rue Magloire Ambroise.  | © David Lorens Mentor/AyiboPost

Environ 1 020 ménages, comprenant 4 972 individus, ont fui le bidonville, selon le bilan du 14 août de l’Organisation internationale de la Migration (OIM), dans un contexte où les journalistes enregistrent des scènes violentes faites de maisons incendiées, de blessés en grand nombre, d’enfants et de handicapés contraints de s’enfuir pour se mettre à l’abri.

À Carrefour-Feuilles, un père tente de fuir la zone avec ses enfants à bord d’une moto. | © David Lorens Mentor/AyiboPost

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Ce mercredi, vers midi, une centaine d’habitants de Carrefour-Feuilles se sont rendus au quartier général des Forces armées d’Haïti (FADH) pour leur demander d’intervenir, puisque la Police nationale d’Haïti (PNH) se trouve impuissante et incapable de répondre aux bandits.

Une foule d’habitants de Carrefour-Feuilles devant le bâtiment de la FADH, à proximité du Palais national, appelant les militaires à venir à leur aide. | © David Lorens Mentor/AyiboPost

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L’attaque la plus violente a été enregistrée le dimanche 13 août. Le lendemain, des centaines d’habitants de Carrefour-Feuilles ont manifesté dans les rues de Port-au-Prince pour exiger une intervention de la police. La protestation a été violemment dispersée par la PNH.

Un agent de l’UDMO tire des pneus des mains de manifestants pour les empêcher de les enflammer. | © Jean Feguens Regala/AyiboPost

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Les milliers de victimes de la violence des gangs sont réparties dans une douzaine de sites, selon l’OIM.

Un homme rencontré le 15 août, au Gymnasium Vincent, l’un des sites d’accueil, déclare être dans les rues avec un pantalon, un soulier et une chemise, depuis dimanche. «J’ai appris que les bandits ont pillé ma maison et y ont mis le feu», dit-il, entre deux sanglots.

Une femme aveugle parmi les résidents de Carrefour-Feuilles se réfugiant au camp de Gymnasium Vincent. Elle exprime sa détresse face à la situation précaire engendrée par la violence des gangs. | © David Lorens Mentor/AyiboPost

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Des dizaines de victimes pouvaient être vues mardi au Gymnasium. «Nous étions au Lycée national de Carrefour-Feuilles, mais il n’y a plus d’espace et les bandits continuaient de s’approcher», explique l’homme.

Avec une seule douche, l’espace n’est pas adapté aux circonstances. «Nous vivons grâce à la générosité des gens depuis dimanche», a-t-il ajouté.

Une famille parmi les réfugiés au Lycée de Carrefour-Feuilles, fuyant les rues et les impasses désormais sous le contrôle des gangs armés. | © David Lorens Mentor/AyiboPost

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À l’HUEH, l’urgence est absolue : «Nous recevons entre trois à cinq blessés par balles par jour et certains viennent avec des complications graves», déclare à AyiboPost le médecin résident, Carlo Vallière.

L’institution se trouve débordée. «C’est un enfer», soutient Vallière. «Il fait très chaud et il n’y a pas d’électricité.»

Des membres de personnels utilisent une petite lampe électrique rechargeable pour prendre soin des malades lorsqu’il fait nuit.

Lire aussi : Témoignage poignant d’un médecin qui réalise des interventions chirurgicales sans électricité

La grève entamée à l’HUEH en décembre 2022 et qui a duré jusqu’en avril 2023 pour exiger l’amélioration de l’état physique du plus grand centre hospitalier du pays tarde à porter ses fruits. «Les promesses faites n’ont pas été respectées», regrette le Dr Vallière.

Le médecin résident Carlo Vallière éprouve des difficultés à lire dans des conditions de panne d’électricité à l’HUEH.| © Jean Feguens Regala/AyiboPost

Pourtant, c’est l’HUEH qui reçoit Farnise Ladouceur après son traitement en urgence à l’hôpital de Médecins Sans Frontières à Turgeau.

Hospitalisée à l’HUEH, Farnise Ladouceur a été touchée par une balle dans le dos à Carrefour-Feuilles en rentrant de l’église le dimanche 13 août 2023. | © Jean Feguens Regala/AyiboPost

L’attente de son exeat sera longue, car les bandits ont mis le feu à sa maison. En sanglot, elle déclare :«J’ai tout perdu».

Carrefour Feuilles n’est pas à sa première attaque.

La zone subi l’assaut des bandits de Grand Ravine le 10 novembre 2022.

Lors de cette attaque, il y a eu des blessés par balles et des décès, déclare à AyiboPost l’ancien policier Abelson Gros-Nègre.

Un habitant de la région, préférant rester anonyme pour des raisons de sécurité, confie à Ayibopost avoir à l’époque perdu sa maison où il avait passé toute son enfance, il y a plus de 27 ans.

«Ce jour-là, j’ai perdu une moto que je venais tout juste d’acheter», dit la source. «La voiture que j’avais empruntée à un ami a été incendiée par le gang de Grand Ravine», continue le résident qui précise qu’à partir de ce jour, il n’a plus été en mesure de reprendre le contrôle de sa maison.

Par Jean Feguens Regala & David Lorens Mentor

Fenel Pélissier a contribué à ce reportage.

Image de couverture : Une résidente de Carrefour-Feuilles appelle à l’aide des autorités. Elle souhaite retrouver sa famille à Jacmel, mais fait face à des difficultés financières. | © David Lorens Mentor/AyiboPost


Regardez notre émission spéciale AyiboLab sur l’attaque armée perpétrée par des gangs dans la zone de Carrefour-Feuilles :

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Photojournaliste freelance à AyiboPost depuis mars 2023.

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