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Enfants, jeunes filles et criminels du Pénitencier National dans le même centre

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Le risque de violence sexuelle dans cet environnement de détention mixte est accru, où des criminels endurcis parfois déjà condamnés cohabitent avec les enfants et des personnes en détention préventive prolongée, selon deux organismes de défense du droit des prisonniers

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Le Centre de réinsertion des mineurs en conflit avec la loi (CERMICOL) avait été construit pour accueillir jusqu’à une centaine d’enfants détenus.

Aujourd’hui, le CERMICOL est débordé avec 337 prisonniers, dont des hommes, des femmes et des enfants des deux sexes, selon un organisme de défense des droits humains ayant parlé à AyiboPost.

Au moins 70 prisonniers précédemment incarcérés au pénitencier national sont maintenant entassés dans deux petites salles du CERMICOL destinées à la formation des mineurs, d’après une source interne au plus grand centre carcéral du pays, abandonné après avoir été vidé de ses occupants par les bandits le 2 mars 2024.

Le Centre de réinsertion des mineurs en conflit avec la loi (CERMICOL) avait été construit pour accueillir jusqu’à une centaine d’enfants détenus.

Les détenues de la prison civile des femmes de Carbaret se trouvent également au CERMICOL depuis près de deux ans, à la suite d’une attaque armée survenue en septembre 2022.

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Selon un responsable du pénitencier, qui a demandé à rester anonyme en raison de la sensibilité du sujet, l’infrastructure du CERMICOL n’est pas suffisamment solide pour résister à une éventuelle pression des détenus qui tenteraient de s’évader.

La promiscuité au sein du centre pour mineurs empêche les responsables d’accueillir de nouveaux détenus, y compris ceux provenant du Parquet de Port-au-Prince, souligne le responsable.

«À plusieurs reprises, nous avons refusé de recevoir de nouveaux prisonniers, car nous n’avons plus d’espace», déclare la source, ajoutant qu’il n’est au courant d’aucune démarche de la Direction d’administration pénitentiaire (DAP) pour reloger les prisonniers dans un espace plus approprié.

La promiscuité au sein du centre pour mineurs empêche les responsables d’y accueillir de nouveaux détenus, y compris ceux provenant du Parquet de Port-au-Prince.

Situé à Delmas 33, le CERMICOL représente aujourd’hui le seul centre de détention opérationnel dans la région métropolitaine de Port-au-Prince après l’évasion de 3800 détenus au pénitencier national et des centaines d’autres qui se trouvaient à la prison de Croix-des-Bouquets, également prise d’assaut par les bandits au début du mois de mars 2024.

Selon deux organismes de défense du droit des prisonniers, le risque de violence sexuelle dans cet environnement de détention mixte est accru, où des criminels endurcis parfois déjà condamnés cohabitent avec les enfants et des personnes en détention préventive prolongée.

Il existe une insuffisance de blocs sanitaires et de salles de douche par rapport au nombre de détenus. Les conditions hygiéniques relatives aux femmes sont préoccupantes, selon des témoins.

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Selon les derniers chiffres collectés par le Réseau national de défense des droits humains (RNDDH), le CERMICOL abrite 149 femmes et une fille, 90 garçons et 97 hommes.

Légalement, les fonctions des établissements de détention pour mineurs et pour adultes sont différentes.

«Un mineur qui est en contravention avec la loi ne va pas en prison mais doit être placé dans une atmosphère très particulière », explique Samuel Madistin, avocat et responsable au sein de la fondation Je Klere.

À plusieurs reprises, nous avons refusé de recevoir de nouveaux prisonniers car nous n’avons plus d’espace.

Selon Maître Madistin, se référant à la loi du 7 septembre 1961 et celle du 16 juillet 1952, il est prévu de placer le mineur dans une institution publique, surveillée et d’éducation corrective, où il doit recevoir une éducation morale, civique et professionnelle.

Le CERMICOL ne peut pas remplir cette fonction aujourd’hui.

«Les espaces dédiés aux activités des mineurs se raréfient de plus en plus au CERMICOL», révèle Jude Chery, président de l’Association des volontaires pour la réinsertion des détenus en Haïti (Avred-Haïti).

Depuis 2019, ce professionnel accompagne les jeunes détenus dans l’apprentissage de divers métiers manuels tels que le recyclage des plastiques, le macramé et la fabrication de produits chimiques.

Il n’y a plus d’espaces de jeu, les activités de formation ne peuvent plus se tenir, et les programmes scolaires et académiques destinés aux jeunes sont interrompus.

«Sur les neuf classes disponibles, seulement deux sont actuellement en fonction, à savoir les classes de huitième et neuvième années du cycle fondamental », précise Chery, soulignant un environnement de travail bruyant et des moyens logistiques limités.

Il n’y a plus d’espaces de jeu, les activités de formation ne peuvent plus se tenir, et les programmes scolaires et académiques destinés aux jeunes sont interrompus.

Les experts préviennent d’un risque accru de maladies contagieuses, de régression intellectuelle chez les mineurs, ainsi que de problèmes psychologiques tels que la dépression, le stress et l’angoisse, liés à leur détention inadaptée.

Selon le RNDDH, sur les 251 mineurs en détention en Haïti, seuls neuf sont condamnés, soit 97 % en détention préventive prolongée. Cette situation concerne également la majorité de la population carcérale haïtienne.

Pasner, 20 ans, détenu depuis trois ans au CERMICOL pour vol à main armée, n’a pas comparu devant son juge. Roméo, 19 ans, détenu depuis février 2020, attend également d’être jugé. Ils craignent pour leur avenir éducatif et demandent à être jugés et éventuellement libérés.

Cette problématique n’est pas spécifique à Port-au-Prince ; elle affecte également la prison civile des Cayes. Parmi les 869 détenus, le BDHH a répertorié 31 garçons mineurs et 3 filles mineures. Jacques Letang, avocat et superviseur juridique au BDHH, souligne que de nombreux mineurs cohabitent avec des adultes dans des conditions de détention similaires.

Les experts préviennent d’un risque accru de maladies contagieuses, de régression intellectuelle chez les mineurs, ainsi que de problèmes psychologiques tels que la dépression, le stress et l’angoisse, liés à leur détention inadaptée.

«L’État doit agir !», insiste Madistin. «Les autorités doivent rendre fonctionnels les centres de détention pour éviter que des détenus potentiellement dangereux ne soient accueillis dans des centres destinés aux mineurs», conclut le défenseur des droits humains.

Par Lucnise Duquereste et Rolph Louis Jeune

Image de couverture éditée par AyiboPost illustrant la situation actuelle du Centre de réinsertion des mineurs en conflit avec la loi (CERMICOL).



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Journaliste à AyiboPost depuis mars 2023, Duquereste est étudiante finissante en communication sociale à la Faculté des Sciences Humaines (FASCH).

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