Voilà les stratagèmes élaborés par les responsables de l’ONA pour gaspiller l’argent des assurés
Des accusations de corruption secouent l’Office National d’Assurance-Vieillesse depuis des années.
Un rapport de la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif (CSC/CA) de 2006 mentionne des prêts réalisés en dehors des normes prévus par la loi-cadre de l’institution.
Mais, il reste difficile d’obtenir des informations sur l’utilisation des fonds collectés par l’ONA sur les contribuables.
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Les dispositions légales qui régissent le fonctionnement de l’institution permettent la mise en place de prêts et des placements.
Ainsi, l’ONA a, entre autres, des placements dans des entreprises comme Auto Plaza, l’hôtel OASIS, le port Lafito Global, et la ferme agricole de Youri Latortue.
« Certaines des entreprises [où l’ONA place l’argent des contribuables] à l’instar de l’hôtel OASIS ont fait faillite depuis des années », rapporte une source, digne de confiance
« Le montant accordé au retraité ne devrait pas être fixe tout au long de la retraite suggère Torchon. L’État devrait ajuster cette somme de 5 à 10 % en fonction de l’évolution de l’inflation dans le pays ».
Les ressources de l’ONA proviennent des cotisations des personnes visées par la loi du 28 août 1967. L’article 200 définit la grille des salaires et les contributions mensuelles à verser. Employeurs et employés doivent cotiser chaque mois. Les employés reçoivent une rente mensuelle à 55 ans, âge de la retraite.
L’ONA et la pension civile constituent les seules ressources d’épargne longue dont dispose le système financier haïtien.
« Cette épargne devrait être insérée dans le secteur productif selon le principe qui veut que l’épargne longue doive être allouée aux besoins de financement à long terme, selon l’économiste Frédéric Gérald Chéry. Elle devrait être affectée aux infrastructures qui exigent du temps pour être rentabilisées et qui génèrent des flux continus de revenus assurant les pensions des retraités », dit l’auteur du livre « La reconstruction de la gourde ».
« La nouvelle génération travaille moins et ne crée pas assez de richesses pour répondre aux pensions des assurés. Ces derniers auront toujours un fonds de pension dérisoire à cause des placements mal calculés »
Par exemple, continue le professeur d’économie à l’Université d’État d’Haïti (UEH), l’État devrait utiliser cet argent pour reconstruire la grande rue de Port-au-Prince avec de nouvelles infrastructures capables de soutirer des taxes sur les véhicules et attirer, du même coup, des acteurs financiers. « L’insuffisance de ces investissements entretient la rareté des infrastructures et une baisse des autres opportunités d’investissements et d’emplois », dit-il.
Une panoplie de prêts sont accordés par l’ONA à ses assurés. L’on retrouve dans cette liste : prêt sur cotisation, sur épargne, OnaFanm, crédits hypothécaires, etc.
Les montants ne doivent légalement pas excéder les 50 000 gourdes.
Selon Me Samuel Madistin, membre de la Fondation Je Klere, les cadres de la fonction publique obtiennent beaucoup plus que 50 000 gourdes dans certaines conditions.
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Avant d’accorder le financement nécessaire pour l’achat d’un bien, un évaluateur est délégué par l’ONA pour déterminer sa valeur. Ces rapports sont souvent trafiqués, dénonce Me Madistin, dont l’ONG lutte contre la corruption. « Après le rapport de l’évaluateur, fait surtout en complicité et par des arrangements avec les hommes d’État, le bien peut être surévalué », ce qui permet au préteur d’obtenir un plus gros prêt, puisque l’acquisition sera utilisée comme garantie.
« En cas de non-paiement, l’ONA peut saisir le bien, déclare Me Madistin. Vu que le bien ne pourra jamais être vendu au montant alloué pour son achat, l’institution devient le grand perdant et risque la faillite à un moment donné », prévient l’avocat.
D’autres experts soulèvent leur désaccord, également. « Plus l’ONA affecte l’épargne à des emprunts individuels à moyen ou à court terme, plus l’économie haïtienne sera dans l’impasse, relate l’économiste Frédéric Gérald Chéry. Ces réalités objectives imposent au pouvoir public de revoir la situation de l’ONA ».
La structure d’assurance-vieillesse se trouve à une impasse, car elle doit s’assurer la disponibilité de fonds suffisants pour payer les assurés. « En cas où les cotisations de l’ONA ne sont pas réinvesties, l’institution ne pourra pas faire face à ses obligations », estime Jean Eddy Lacoste, un professeur à l’UEH qui a dirigé plusieurs travaux de recherche en Travail social sur l’institution.
L’alternative des placements et prêts est préférée aux dépôts infructueux que faisait l’institution dans des établissements bancaires à ses débuts.
Les montants ne doivent légalement pas excéder les 50 000 gourdes.
Les fonds collectés étaient déposés à la Banque de la République d’Haïti (BRH). L’argent n’engrangeait aucun bénéfice puisque la banque centrale accordait 0 % sur l’ensemble de ces fonds.
En quête de profit, l’ONA a opté pour l’alternative des banques privées. « Ces dernières octroient 0,50 pour cent l’an à l’ONA. Alors que cet argent est emprunté à des taux usuraires à des personnes désirant avoir un prêt », fait remarquer Me Samuel Madistin.
Des experts continuent d’encourager une utilisation mieux rationnelle des ressources de l’institution. La question de l’investissement dans les infrastructures peut être liée à la non-intégration des jeunes de façon massive sur le marché d’emploi, selon l’économiste Frédéric Gérald Chéry. « La nouvelle génération travaille moins et ne crée pas assez de richesses pour répondre aux pensions des assurés. Ces derniers auront toujours un fonds de pension dérisoire à cause des placements mal calculés », dit Chéry.
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Alix Torchon, un retraité de l’ONA en témoigne. L’ancien cadre de 62 ans dit avoir passé douze ans comme agronome au sein d’une Organisation non gouvernementale (ONG). Torchon gagnait un salaire qui oscillait entre 1 800 et 3 500 dollars américains chaque mois. L’ONG à laquelle il prêtait ses services faisait des prélèvements mensuels sur son revenu pour payer l’ONA.
Actuellement retraité, il bénéficie 17 976 gourdes mensuellement de l’ONA. « Le montant accordé au retraité ne devrait pas être fixe tout au long de la retraite suggère Torchon. L’État devrait ajuster cette somme de 5 à 10 % en fonction de l’évolution de l’inflation dans le pays ».
D’autres pensionnaires de l’ONA se plaignent de recevoir des fonds dérisoires, incapables de supporter un train de vie décent dans la réalité socioéconomique actuelle.
Photo : Bureau communal de l’ONA sis à Lalue. Carvens Adelson / AyiboPost
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