«S’il n’y a pas de plan d’action élaboré, pour sensibiliser et faire comprendre aux gens son importance, dans dix ans encore, nous risquons de perdre l’espèce», prévoit le botaniste Kalule Cebe
Cocotiers, citron, mazonbèl, manioc ou le café local appelé «arabica typica»… la liste des plantations en voie de disparition était déjà longue en Haïti.
Pourtant, elle doit désormais intégrer l’arrivée du jacquier, surnommé «Jaca», comme le signalent plusieurs agronomes sur AyiboPost.
Ce gros fruit juteux et sucré autrefois retrouvé en abondance dans le département de la Grand’Anse se raréfie dans la zone au moins depuis le passage du violent ouragan Matthew en 2016.
Les ailes indomptables du cataclysme ont causé des dégâts de 2,8 milliards de dollars en dévastant les champs, plié les arbres et envoyé au chômage des dizaines de milliers de gens de la zone.
«Dans la troisième section communale de Désormeaux à Dame-Marie où j’ai grandi, presque tous les grands arbres, y compris les jacquiers, ont succombé», témoigne à AyiboPost Wesnel Jean-Louis.
La petite localité de Divaraine où l’homme habite aujourd’hui avait environ une dizaine de jacquiers, mais «la majorité a été abattue par le vent».
Lire aussi : Le maïs ne produit plus d’électricité à Tuffet depuis Matthew
Ce fruit originaire d’Inde et du Bangladesh était autrefois abondant dans des régions telles que Dame-Marie, Moron, Chambellan et Anse d’Hainault.
Dans la troisième section communale de Désormeaux à Dame-Marie […], presque tous les grands arbres, y compris les jacquiers, ont succombé.
Jean Widal Fanor, Ingénieur Agronome, travaillant depuis 26 ans dans le département de la Grand’Anse, souligne le déficit de recherches approfondies sur ces cultures en déclin.
«Depuis le passage dévastateur de Matthew dans le Grand Sud, aucune étude approfondie n’a été entreprise», déplore le spécialiste.
Scientifiquement connu sous le nom d’Artocarpus heterophyllus, le Jacquier vient de la famille des Moraceae, tout comme l’arbre à pain ou l’arbre véritable.
Originaire d’Asie du Sud-Est, ce fruit exotique a été introduit en Haïti il y a plusieurs siècles. Il est consommé une fois mûr et par portions.
Le poids du «jaca» oscille entre 10 et 30 kg, avec une longueur d’environ 40 cm et un diamètre d’environ 15 cm. Il renferme une pulpe contenant des graines de la taille d’une châtaigne, appréciées par certains grillées ou bouillies.
Kalule Cebe, un botaniste, indique que le jacquier est récolté en Haïti, y compris dans le département de la Grand’Anse, principalement de juin à août. Toutefois, les périodes de récolte peuvent légèrement varier en fonction des conditions météorologiques et des pratiques agricoles locales.
La rareté du fruit suscite des inquiétudes. Selon Kalule, «il n’existe pas de politique de valorisation et d’encadrement agricole pour la multiplication du Jacquier en Haïti.»
Les paysans ne s’impliquent pas dans sa replantation. Et pendant ce temps, dans certaines régions, l’arbre est abattu pour être transformé en charbon de bois.
De plus, il y a peu, voire aucune donnée officielle concernant la culture et la consommation du jacquier en Haïti.
Lire aussi : La variété locale de café en voie de disparition en Haïti
Aux moins deux défis pour valoriser le jacquier persistent.
Le premier se rapporte à l’insuffisance des pépinières, selon plusieurs agronomes interviewés par AyiboPost.
Le second concerne l’absence d’une demande solide. C’est l’expérience de la ferme Au Secours Agrovet de la Grand’Anse en service depuis 2012.
«Lorsque nous avons les plantules, nous rencontrons des difficultés pour les vendre en raison d’une faible demande», déclare à AyiboPost le responsable de production de l’institution, Anisto Louïs-Charles.
Il n’existe pas de politique de valorisation et d’encadrement agricole pour la multiplication du Jacquier en Haïti.
Certains spécialistes font appel à l’État. «S’il n’y a pas de plan d’action élaboré, que ce soit avec le gouvernement, les producteurs ou les consommateurs, pour sensibiliser et faire comprendre aux gens son importance, dans dix ans encore, nous risquons de perdre l’espèce», alerte l’agronome Kalule.
Beaucoup ne le savent pas : le fruit du jacquier demeure riche en vitamines, en minéraux, en phytonutriments et en protéines.
C’est pourquoi, Fredo Jean, un cultivateur à Dame-Marie, prend grand soin des deux spécimens présents dans sa cour. Pour lui, ces arbres ont une valeur inestimable. Selon Jean, «certains pourraient les abattre pour en faire du charbon, mais moi, je les chéris. Et quand ils donnent des fruits, les gens affluent pour les acheter chez moi.»
Image de couverture éditée par AyiboPost montrant le fruit du Jacquier. | © Photos : Grown in Haiti/Facebook
Visionnez cette vidéo explicative d’AyiboPost sur ce délicieux fruit qu’est la pomme jacque (djaka en créole haïtien) :
Gardez contact avec AyiboPost via :
► Notre canal Telegram : cliquez ici
► Notre Channel WhatsApp : cliquez ici
► Notre Communauté WhatsApp : cliquez ici
Comments