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Le maïs ne produit plus d’électricité à Tuffet depuis Matthew

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En attendant le système d’électricité 24h/24 promis par le président Jovenel Moïse, Tuffet, un petit village de la commune des Cayes, qui a été électrifié pendant deux ans grâce à des épis de maïs se retrouve dans le noir. Un demi-million de dollars a été dépensé pour mettre en place ce micro-réseau qui a besoin de 250,000 dollars pour se refaire une santé.

De 2014 à 2016, Limyè pa w, une compagnie d’énergie rurale, a fourni de l’électricité à la communauté de Tuffet en utilisant des épis de maïs. Les habitants de la quatrième section communale des Cayes, ont pu voir leur maison électrifiée pour la première fois de leur vie. Limyè pa w a la capacité de fournir une énergie électrique d’une puissance de 25 kilowatts et compte à date 72 abonnés, la compagnie est capable de desservir au moins 120 ménages. Quarante-cinq livres d’épis de maïs permettent de produire à peu près deux heures d’électricité.

Un rêve, un projet

Limyè pa w est avant tout la réalisation d’un rêve et le résultat d’un long processus. Selon Duquesne Fednard, principal initiateur du projet, cette compagnie entre dans le cadre de ses objectifs d’entrepreneur social. «Je voulais vraiment me lancer dans cette lutte combien difficile qu’est l’électrification du pays », confie Duquesne, détenteur d’une maitrise en finance internationale de l’Université Columbia aux Etats-Unis. Optimiste de nature, Duquesne admet cependant que des obstacles de poids sont constamment campés au travers son chemin.

Pour l’implémentation du projet, Duquesne Fednard a bénéficié du support d’un camarade d’université, Shell Benjamin, un Américain qui avait pendant longtemps travaillé dans le secteur de la micro finance, et de son ami Daniel Bierenbaum. Chacun d’entre eux a investi dans Limyè pa w à hauteur de 50%, afin de mettre en place le réseau. Le reste de l’argent nécessaire à la réalisation du projet a été financé par l’USAID et la BID.

L’idée de départ était d’électrifier des villages en utilisant les ressources disponibles dans leur environnement immédiat. Selon Duquesne Fednard, une étude a été menée pour savoir quelles sont les villes de provinces qui pouvaient fournir beaucoup plus de déchets agricoles, notamment des épis de maïs. Les résultats ont démontré que le département du Sud est le deuxième département en matière de production agricole en Haïti. Un micro réseau a donc été mis en place à Tuffet, aux Cayes, pour la distribution du courant. Le réacteur permettant à l’entreprise de fonctionner provient de la Californie, aux Etats-Unis, et coûte 30 milles dollars. A côté du réacteur, le système est supporté par 48 panneaux solaires et 48 batteries. A partir de six heures de l’après-midi, le réseau fonctionnait sur le système biomasse, tandis que le système solaire était utilisé au cours de la journée. Mis à part du réseau qui se trouve à Tuffet, Limyè pa w dispose d’un réseau solaire à Jacmel qui fonctionne jusqu’à date.

Implication de la communauté locale

D’après Duquesne Fednard, Il fallait à tout prix impliquer des acteurs locaux dans ce projet. Pour la gestion du projet sur le terrain, « Ça devait être une structure reconnue et respectée dans la zone. C’est pourquoi nous avons choisi la Société Coopérative Agricole Tet Ansanm de Tuffet ( SCATET) comme gestionnaire et représentant local de la compagnie », explique Fednard. SCATET est une organisation qui a été fondée en juillet 1965 et est propriétaire de l’espace sur lequel fonctionne Limyè pa w.  Elle devait en outre s’assurer du recrutement des techniciens de Limyè pa w et de la surveillance du réseau.

Selon Chery Paul-André, coordonnateur de SCATET,  Limyè pa w n’a pas été un succès dans le Nord car il n’y a pas eu assez d’épis de maïs. La réussite de ce système  à Tuffet était due en grande partie au programme de Sécurité Alimentaire (SECAL) mis en place par le Ministère de l’Agriculture des Ressources Naturelles et du Développement Rural (MARNDR) et financé par l’Agence Française de Développement (AFD) et l’Union Européenne. C’est en effet grâce à ce projet visant le renforcement de la production agricole notamment la production de maïs, que la compagnie arrivait à obtenir assez de rejets de maïs pour alimenter son système. «Heureusement pour Tuffet, SECAL disposait de 219 hectares de maïs », s’exclame Paul-André.

D’un système prépayé à un système personnalisé

Dans un premier temps, ‘Limyè pa w’ vendait de l’électricité via un système prépayé. Selon cette méthode de distribution, l’énergie électrique de l’abonné est coupée une fois qu’il n’a plus d’argent sur son comte. Par exemple, les utilisateurs du service payaient 100 à 200 gourdes par semaine, en fonction de leurs besoins respectifs. Certains abonnés profitaient du manque de surveillance sur le réseau pour faire des montages de prises qui leurs permettaient de jouir de l’électricité avant même que leur compteur puisse contrôler leur vraie consommation. « L’erreur que nous avons faite c’était de mettre le compteur chez l’abonné. Ils pouvaient contourner le compteur et connecter directement sur le câble pendant la nuit », estime le responsable de l’entreprise.

Limyè pa w s’est donc vu dans l’obligation  de changer son système de vente. A présent, les ménages qui ne possèdent que des ventilateurs, des téléphones et des ampoules paient 400 gourdes le mois. Ceux qui utilisent également des téléviseurs et des réfrigérateurs doivent payer 1000 gourdes par mois. Les gens qui n’étaient pas encore connectés au système, ou qui ne pouvaient pas être branchés en raison de leur distance, avaient la possibilité de louer les batteries de Limyè pa w autant de fois qu’ils en avaient besoin.

Limyè pa w un ajout à l’économie locale

Cette initiative présentait de multiples avantages. Limyè pa w permettait non seulement aux habitants d’éclairer leur maison et d’utiliser toute sorte d’appareils électroménagers, mais l’entreprise génèrait aussi des revenus additionnels. D’une part, les planteurs peuvent désormais vendre leurs épis de maïs à Limyè pa w et gagner ainsi de l’argent. « Un seul sac d’épis de maïs est vendu à 15 gourdes », précise Paul-André.  D’autre part, ce projet encourage la production de maïs dans la zone et devient du coup plus profitable pour les producteurs.

Limyè pa w garantit également l’emploi de deux techniciens à temps plein, afin de s’assurer de la bonne marche des appareils de la compagnie.

Limyè pa w stoppé par Matthew, après deux ans de fonctionnement

Après l’ouragan Matthew, Limyè pa w peine à fournir de l’électricité à cause du choc subi par ses matériels. « Le réacteur est tombé en panne et un seul de nos ‘inverters’ fonctionne », informe Paul-André. Selon Duquesne Fednard, il faudra faire des levées de fonds en vue de remettre en marche la compagnie. « Mais les sponsors tardent à venir », déclare l’entrepreneur.

D’après Paul-André, toutes les démarches entreprises auprès des autorités étatiques demeurent infructueuses. Sachant que le président, Jovenel Moise, veut coûte-que-coûte électrifier entièrement le pays, Paul-André dit lui avoir adressé une lettre concernant Limyè pa w. Le coordonnateur de SCATET  a quand même l’opportunité de recevoir la visite de Jovenel Moise avant qu’il ait été élu. Après avoir reçu la lettre, le président de la République a profité pour lui promettre que dans 72 jours Limyè pa w bénéficiera du support de son administration. « Pourtant plusieurs mois se sont écoulés, jusqu’à date Jovenel Moise ne nous a pas contacté et nos matériels sont toujours en panne »,  s’indigne Paul-André.

Rappelons que Limyè pa w n’est pas l’unique projet de Duquesne Fednard en Haïti. Il est également responsable d’une usine fabriquant des réchauds améliorés qui utilisent 50% moins de charbon. A l’instar de Limyè pa w, ce projet intervient dans le cadre du développement durable, en protégeant l’environnement. En attendant que ‘Limyè pa w’  doit trouver au moins 250 milles dollars pour remettre en fonction le réseau de Tuffet, en attendant les habitants du village vacillent dans le noir.

Patrick Erwin Michel a étudié les Sciences Juridiques à la Faculté de Droit et des Sciences Economiques (FDSE) de l’Université d’Etat d’Haïti. Il finalise actuellement son mémoire de sortie sur la pauvreté et les Droits humains. Il a également étudié l’art dramatique à l’Ecole Nationale des Arts (ENARTS), ainsi que le journalisme à l’ISNAC. Son champ d’intérêt inclue le Droit, la littérature, la sociologie et les arts.

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