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Le directeur de l’EDH indexé dans le rapport PetroCaribe et autres nominations controversées de Jovenel Moïse

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Rockfeller Vincent, Michel Présumé, Edwin Florexal… Le président Jovenel Moïse nomme des personnalités indexées dans des cas de corruption ou de trafic d’armes, à la tête d’institutions de l’État

Le vendredi 10 juillet 2020, le Premier ministre Joseph Joute nomme Rockfeller Vincent à la tête du ministère de la Justice et de la sécurité publique. Il remplace à ce poste Lucmane Delille qui n’aura passé qu’environ cinq mois en tant que ministre.

Quelques jours après, un nouvel arrêté nomme Michel Présumé directeur de l’Électricité d’Haïti, à la place de l’ingénieur Hervé Pierre Louis. Ce changement survient dans un contexte où le pays connaît une forte pénurie d’électricité.

Mais suite à ces deux nominations, une partie de la société civile a crié au scandale. Rockfeller Vincent aurait quelques taches dans son CV, qui ne feraient pas de lui le candidat idéal au poste de ministre.

Même chose pour Michel Présumé, dont le nom a été cité une trentaine de fois dans le rapport sur la dilapidation des fonds Petrocaribe. Comme secrétaire d’État à la planification, il a personnellement dressé la Fiche d’Identification et d’Opération de Projets (FIOP) ainsi que le document définitif pour la réhabilitation controversée du tronçon de la route de Borgne. Ce contrat a été attribué à la compagnie Agritrans, une firme du président de la République, Jovenel Moïse.

Selon Stéphane Michel, membre de la plateforme Nou p ap domi, émergée à la faveur du Petrocaribe challenge, cette nomination montre un manque de considération du président pour les mouvements de reddition de compte.

« Il apparaît clairement que Michel Présumé a des liens avec l’entreprise du président [ndlr Agritrans], dit Michel. Ils entretiennent des liens de confiance entre eux. Le président met à ses côtés des personnes qui lui ressemblent. Ils vont donc continuer à détourner les entreprises de l’État de leur vraie fonction, à leur avantage. En choisissant de placer à la tête de l’Edh quelqu’un dont le nom est cité dans le rapport, le président confirme ce qu’il a dit au sujet de la CSCCA, à savoir que la cour ne faisait pas son travail. »

Ce n’est pas la première fois que des personnes à qui l’Exécutif confie des tâches de haute importance sont indexées dans des dossiers louches.

Révoqué pour incompétence

En 2006, le Réseau national de Défense des droits humains signe un article dans les colonnes du Nouvelliste. L’organisme félicitait la justice pour une commission mise sur pied pour évaluer des décisions prises par des magistrats, en faveur de présumés criminels. Par la même occasion, le RNDDH s’est empressé de réclamer une enquête sur Lesly Jules, Luiseleme Joseph et Rockfeller Vincent. Les trois hommes étaient rattachés respectivement aux juridictions de Saint-Marc, Gonaïves et Cap-Haïtien. Selon le réseau des droits humains, ils seraient accusés de vendre la justice aux plus offrants.

Ces allégations mèneront, d’après le RNDDH, au licenciement de Rockfeller Vincent. Pourtant quelques années après, à la création du Conseil Supérieur du Pouvoir judiciaire (CSPJ), Vincent se retrouve parmi les premières personnalités à être nommées dans ce conseil.

Quelques années après, le Premier ministre Jacques Guy Lafontant le licencie de ses fonctions dans la justice pour absence de performances. Dans la lettre de révocation, le Premier ministre dénonce des résultats qui ne justifient pas le salaire du commissaire.

Nouvelle nomination

Mais en janvier 2020, Jovenel Moïse a réintégré Rockfeller Vincent dans l’administration publique, à la tête de l’ULCC, pour remplacer Claudy Gassant, pourtant fraîchement nommé directeur de cet organisme. Lors de son passage, Rockfeller Vincent n’a pas oublié le RNDDH et leur dénonciation en 2006.

Quelques mois après sa nomination, il émet un avis de recherche contre Marie Gesly Damas Jean Pierre, l’administratrice du RNDDH. Pour cause, un financement accordé à l’organisme par le BMPAD en 2016. Le RNDDH dénonce sans tarder « un acte de lâcheté, de persécution, et d’intimidation », car les rapports financiers sur cet argent auraient déjà été acheminés en 2017 à l’ULCC. « Un acte de revanche », a pour sa part estimé le protecteur du citoyen, Renan Hédouville. S’ensuit un échange de cordialités entre les deux hommes, l’un reprochant à l’autre d’aller au-delà de ses attributions.

Contacté à ce sujet, Pierre Espérance, coordonnateur du RNDDH n’a pas voulu réagir. « Nous allons suivre les agissements du nouveau ministre, mais pour le moment nous ne souhaitons pas intervenir. » De même que Marie Yolène Gilles, ancienne collaboratrice du RNDDH, aujourd’hui responsable de la Fondation Je Klere, qui évolue aussi dans le domaine des droits humains. « Nous allons incessamment sortir un dossier sur ce sujet », informe-t-elle.

Impliqué dans la dilapidation des fonds Petrocaribe

L’EDH a un nouveau directeur, plus d’un an après que la promesse du président Jovenel Moïse de fournir l’électricité 24/24 à tout le pays aurait dû se matérialiser. Michel Présumé prend ce poste dans un contexte où le pays est plongé dans le noir. Bien avant, Michel Présumé avait occupé la fonction de directeur de la Teleco, privatisée depuis, et de secrétaire d’État à la planification, sous le gouvernement de Laurent Lamothe notamment.

Alors qu’il était à ce poste de secrétaire d’État, il aurait été impliqué dans la dilapidation des fonds Petrocaribe. Dans le rapport de la CSCCA sur la mauvaise gestion de ces fonds, le nom de Michel Présumé est cité pas moins de 26 fois.

« Le secrétaire d’État à la planification M. Michel Présumé, fait parvenir à Marie Carmelle Jean Marie, le document définitif ainsi que la FIOP du projet réhabilitation de la route Borgne/Petit Bourg de Borgne, accompagné d’une requête demandant au MEF de procéder au versement de la somme de 28 873 898 de gourdes […] » lit-on dans le rapport. La construction de cette route était attribuée à Agritrans, la compagnie du président Jovenel Moïse.

Le FIOP est le document descriptif du projet. Il contient toutes les informations liées à sa mise en œuvre (plan de mise en œuvre, responsabilités, planification financière, plan de suivi et évaluation, etc.).

Des précédents

Les cas de Rockfeller Vincent et de Michel Présumé ne sont pas isolés. L’administration de Jovenel Moise a déjà fait des nominations controversées. Certaines n’ont pas eu écho. Le 11 mars 2019, le président a réactivé la commission nationale de désarmement, de démantèlement et de réinsertion. Cette commission a pour charge, entre autres, de désarmer les bandes armées qui deviennent légions dans le pays depuis quelque temps.

Edwin Florexil, ancien major des forces armées d’Haïti, a été choisi pour diriger les travaux de cette commission. Seulement, en 2008, Edwin Florexil a été emprisonné pour possession d’une trentaine d’armes illégales. Il était alors responsable de la compagnie Magnum Sécurité, qui fonctionnait avec des armes non enregistrées.

Jameson Francisque

Journaliste. Éditeur à AyiboPost. Juste un humain qui questionne ses origines, sa place, sa route et sa destination. Surtout sa destination.

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