La ville a été inondée le mois dernier, en pleine saison des pluies
Lorsque les portes du ciel se sont ouvertes pour déverser un torrent de pluie sur la ville des Gonaïves le 15 juin dernier, Israël Jeune, étudiant de l’université d’État d’Haïti et sa famille devaient choisir vite : fuir leur maison de la ruelle Fleurissaint où l’eau s’apprêtait dangereusement à dépasser une rangée de blocs ou dormir debout, pendant les deux jours qu’a durée l’inondation.
Le sinistre a fait de nombreuses victimes : 1 300 maisons inondées et 3 000 familles ont été affectées en marge d’une montée des eaux avoisinant 1,50 mètre et ayant endommagé une quinzaine d’écoles, selon le bilan définitif communiqué par la direction départementale de la protection civile de l’Artibonite de concert avec la mairie des Gonaïves.
La vulnérabilité de la ville aux colères de la nature est bien connue des experts, mais, comme ailleurs, aucune initiative durable ne vient de la part des autorités pour mitiger les risques.
Selon le maire titulaire de Gonaïves, Donald Diogène, les travaux de curage des drains et des canaux dans cette ville ne sont pas réalisés depuis plus de dix ans.
« Par exemple, le drain de la rivière La Quinte qui traverse la commune est curé depuis l’administration du défunt président René Garcia Préval », dit-il.
Une grande partie de la ville a été inondée après les pluies diluviennes qui se sont abattues pendant plusieurs heures aux Gonaïves le 10 mai 2022. Un rapport du comité communal de la protection civile a relevé 499 maisons inondées, autant de familles sinistrées, et un décès.
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Située à 107 km de Port-au-Prince, la ville a connu en 2004 et 2008 les pires inondations de son histoire. Plusieurs milliers de personnes ont été tuées et portées disparues lors de ces catastrophes.
La vulnérabilité de la commune des Gonaïves s’explique en grande partie par l’obstruction des canaux d’irrigation. « Les travaux d’entretien devraient se réaliser périodiquement », analyse le directeur des Travaux publics transport et communication (TPTC) de l’Artibonite depuis décembre 2021, Enold Dorsainville.
Raison pour laquelle le responsable a adressé à l’État haïtien un projet de curage chiffré à environ 97 millions de gourdes après le cyclone du 15 juin 2022. « Ce montant contribuera aux curages et drainages de plus de 90 % des canaux dans la ville », dit le technicien.
En pleine saison des pluies, la ville prend place sur la liste déjà longue des attentes. « On n’a rien encore reçu de ce montant qui doit être validé par le ministère des Finances », relate Dorsainville.
Pour répondre à l’urgence du moment, le ministère des travaux publics a préféré allouer une enveloppe de quatre millions de gourdes au TPTC de l’Artibonite », révèle Dorsainville. Ce montant ne représente pas grand-chose en termes de coût d’intervention face à la gravité du problème.
Plus de trois quarts des villes haïtiennes sont côtières et généralement traversées par des rivières.
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Le cas des Gonaïves par exemple est beaucoup plus complexe puisque la zone est entourée de trois courants d’eau, fait savoir Michèle Oriol, directrice du Comité interministériel d’aménagement du territoire (CIAT).
« Au Nord se trouve le Bassin Manyan, à l’Ouest l’Océan Atlantique et Les Salines et à l’Est, la rivière La Quinte. Lorsque cette dernière est en défluviation, elle peut submerger la partie nord de la ville. »
Et puisque l’embouchure de ces rivières est bouchée quand il pleut, ces eaux sont refoulées dans la ville, causant ainsi l’inondation, dit-elle.
Après les intempéries de 2004, des travaux de drainage, de curage des canaux et des ravines ont été réalisés. Les habitants vont vite transformer les drains construits en de véritables dépotoirs, souligne Faustin Joseph, directeur départemental de la protection civile de l’Artibonite.
Les habitants des Gonaïves bâtissent même sur d’anciens réseaux d’irrigation dans la ville, observe Michèle Oriol.
La ville est une plaine située en aval des bassins versants de la commune d’Ennery et de la rivière La Quinte. En plus, ces bassins versants sont complètement déboisés, favorisant ainsi la transformation des fortes pluies en torrent.
« Quand la pluie tombe, les eaux en provenance du morne d’Ennery et du morne de Puilboreau déversent directement dans la ville des Gonaïves, située en contrebas », explique-t-elle.
Une étude du Docteur en histoire, Georges Eddy Lucien, publiée en décembre 2010 dans Openedition journals sur la saison cyclonique de septembre 2008 en Haïti souligne que la topographie des Gonaïves est l’une des raisons pouvant expliquer la vulnérabilité de cette localité aux inondations.
« L’altitude moyenne de la ville des Gonaïves est seulement d’environ un mètre au-dessus de la mer. Au sud et au nord, jusqu’au pied du morne Bienac situé au nord de la ville, les altitudes ne dépassent pas quatre mètres », lit-on dans l’article. Ces données disent le risque de la montée des eaux dans cette ville en cas de fortes pluies.
Or le morne Bienac est complètement déboisé. L’espace est occupé par des maisons alors qu’il devrait être reboisé pour empêcher l’usure de la surface terrestre.
La famille d’Israël Jeune n’a enregistré aucune perte le 15 juin dernier. Avec le changement climatique qui décuple la puissance de certains phénomènes naturels, rien ne dit s’ils seront aussi chanceux la prochaine fois.
Couverture : La ville des Gonaïves a été inondée après le passage de l’ouragan Hanna. AFP
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