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La folie de Dieu

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À l’occasion de la Coupe du Monde de football, ils sont nombreux les amoureux du foot à tenter sérieusement des pronostics, et particulièrement des spécialistes de l’informatique. L’apport de la technologie à la tendance « naturelle » des hommes à prédire l’avenir sert de substitution à la pensée magique. C’est pour moi un soulagement, car la pensée magique éloigne des connaissances objectives, source fondamentale des progrès humains. Mais la « science » prospective, ni même notre parfaite maîtrise du football, ou de n’importe quel sport, ne valident nullement notre « folie de Dieu ».

Prenez ici Dieu pour le fait, ce qui est, ce qui se produit, parce qu’il fut impossible qu’il ne soit pas: le séisme du 12 janvier 2010 et ses effets, l’élimination de l’Espagne, le chikungunya et ses effets, notre misère matérielle et morale… Notre « déité » ne va pas plus loin que ce que nous réalisons, aller sur la lune, le clonage, le football merveilleux produit par l’Espagne et Barcelone de 2008 à 2014, la victoire des forces indigènes aux dépens de celles de Napoléon… L’éternité ne suffirait pour nous donner le temps de concevoir un modèle qui, par une puce fixée au cerveau, prédira les pensées et les actes d’un être humain dans les prochains 365 jours ou tout simplement la prochaine seconde?

Nous sommes dépassés par les progrès prodigieux de notre propre cerveau. Personne, ni aucune puissance politique, les USA d’aujourd’hui, l’Égypte ou Rome d’hier, ne peut s’immuniser contre les aléas en tout lieu et en tout temps. C’est ce qu’en Histoire nous reconnaissons comme le poids du hasard. Liverpool a perdu la Premier League cette année à cause d’un contrôle raté de Gerrard, geste que ledit Gerrard et la multitude de footballeurs du dimanche réalisent des milliers de fois… Les modèles informatiques appliqués avant  le 12 juin auraient sans doute prévu Brésil-Pays-Bas en 1/8e, le Portugal à la place des USA à ce stade de la compétition, CR7 meilleur buteur du premier tour, bien sûr l’Espagne en tête de son groupe, l’Uruguay battant facilement le Costa-Rica… Si Silva avait marqué le 2e but espagnol contre la Hollande… Si les Australiens avaient marqué les deux occasions de 3e but contre la Hollande pour mener 3–1… Si Ochoa n’était pas en état de grâce, donc exceptionnel, contre le Brésil…

Les statistiques, entends-je souvent, sont la meilleure forme du mensonge. Cette boutade, à mon sens, est vraie, si considérant les données statistiques, et les données statistiques seulement, on croit avoir plus qu’une photo de la réalité, mais un instrument infaillible de prédiction de l’avenir.  Je considère, pour ma part, ces vérités comme tendancielles, et ne m’aventure à me prononcer sur l’avenir qu’avec beaucoup de prudence. Évidemment, j’ai tendance à croire que ceux qui se livrent à cette activité de pronostic, qui n’a de science que l’intention, veulent s’amuser. Je ne sais pas s’il y a eu beaucoup de prédictions statistico-informatiques à avoir prévu non seulement la victoire de San Antonio contre Miami, mais aussi que les Floridiens auraient été balayés 4–1. Moi-même, je me rappelle avoir pronostiqué la victoire de l’Athletico contre le Real le 24 mai dernier sur la base de l’expertise des Colchoneros dans ce qui est la force des Merengue: le football de combat et la contre-attaque« . Mais il y a eu le temps additionnel, la fausse convalescence de Costa et d’autres petits détails que seule la puissance du déjà fait connait. Les pronostics se basent sur une intuition, des informations et quelquefois sur des connaissances. La justesse d’un pronostic sur des phénomènes que nous ne maitrisons pas n’est que coïncidence.

Patrice "Pepé" Dumont est professeur d’Histoire, Relation internationale et Communication. Journaliste et commentateur sportif, il dirige l’émission Sportissibo à Radio Ibo. Reste toujours impliqué dans la vie politique et sociale d’Haïti.

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