La crise sociopolitique détériore de plus en plus les conditions de vie déjà difficile des étudiants de l’UEH
Ceux dont les parents sont aisés ou chanceux s’enfuient pour étudier à l’étranger.
D’autres se rabattent, en Haïti, sur les quelques universités privées locales, non fermées par les gangs.
Mais une grande partie des 20 000 étudiants de l’Université d’État d’Haïti, le plus grand établissement d’enseignement supérieur et de recherche du pays, ne peuvent pas voyager ni s’offrir des études coûteuses dans une université privée : ils font face à la précarité ambiante, dans un contexte où des professeurs cherchent des opportunités à l’étranger, abandonnant ainsi l’UEH.
Une grande partie des 20 000 étudiants de l’Université d’État d’Haïti […] ne peuvent pas voyager ni s’offrir des études coûteuses dans une université privée.
Le responsable des affaires académiques de la FASCH, Jérôme Paul Eddy Lacoste, précise que l’institution n’a pas encore dressé un inventaire de la situation, pourtant critique.
«Ce problème est très nuancé, car nous ne pouvons pas déterminer le statut des absents pour congé, vacances, etc.», dit Lacoste.
AyiboPost a contacté la section des affaires académiques de l’UEH qui dit ne pas pouvoir fournir ces informations «sensibles» à la presse.
Entre-temps, la crise en cours dans le pays frappe de plein fouet les étudiants.
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Fritz a grandi à Fontamara, une localité de Port-au-Prince sous l’emprise des gangs de Ti Bwa et de Grand Ravine. Étudiant en Service social à la Faculté des Sciences humaines (FASCH), il a dû fuir la zone. «En 2021, dit-il, j’ai dû déménager à Carrefour à cause de l’éclatement des affrontements opposant ces deux groupes rivaux ».
Quand la route de Martissant est inaccessible en raison de l’activité des gangs, il est obligé de faire le trajet de Carrefour à la faculté, en passant par la route de Saint-Jude dans les hauteurs de Carrefour-Feuilles. Un périple coûteux et difficile.
Entre-temps, la crise en cours dans le pays frappe de plein fouet les étudiants.
Sthernie, étudiante en Service social également, habite à Gérald Bataille. Le 19 janvier 2022, elle réchappe d’une tentative de kidnapping en sortant de la faculté, à l’Avenue Christophe.
Elle sort de l’incident profondément sous le choc. Malgré cela, elle tenait à poursuivre ses études, car, dit-elle : «j’étais très déterminée ». Mais, une semaine plus tard, des cambrioleurs la rouent de coups, puis emporté ses effets.
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À ce stade, Sthernie prend une décision radicale, mais nécessaire : elle abandonne ses études. Il s’agit d’un «rêve brisé, d’un ensemble de sacrifices non fructueux», déclare la jeune femme lors d’une entrevue avec AyiboPost.
À l’UEH, la scolarité payée par les étudiants varie suivant la faculté en question. Le montant de l’année préparatoire s’élève autour de 2 000 gourdes pour certains établissements, tels que la Faculté de Droit et des Sciences économiques (FDSE) et la Faculté de Linguistique appliquée (FLA). Tandis que, la scolarité de la Faculté des Sciences humaines (FASCH) est à la hauteur de 500 gourdes, soit trois dollars américains environs. Les autres années varient entre 500 à 1 000 gourdes.
Beaucoup d’étudiants n’habitent pas à proximité des enceintes facultaires, et doivent ainsi parcourir des trajets longs et coûteux chaque jour.
Sthernie habite à Gérald Bataille, elle relate : «Chaque jour je dois dépenser 175 gourdes de frais de transport pour venir à la faculté, au centre-ville», dit-elle.
Beaucoup d’étudiants n’habitent pas à proximité des enceintes facultaires, et doivent ainsi parcourir des trajets longs et coûteux chaque jour.
Une réalité qui n’est pas différente de celle de Phito Volcy, étudiant en sciences juridiques, à l’annexe de l’École de Droit et des Sciences économiques des Gonaïves (EDSEG) à Port-au-Prince, qui habite à Bon Repos, en Plaine. De son domicile à la faculté, il payait 150 gourdes par jour en 2021. « En 2023, je dois avoir 250 gourdes par jour », dit-il.
Aux conditions économiques difficiles, beaucoup d’étudiants ne font pas autre chose que leurs études. Souvent, ils n’ont même pas d’argent pour se procurer des matériels tels que, copies, ouvrages, ordinateurs, etc. Ils n’ont aucun frais de subsistance complémentaire à la bourse d’études offerte par l’État haïtien.
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Phito Volcy, cité plus haut, raconte : «Je suis obligé d’assister aux cours de façon irrégulière, par manque de moyen. Certaines fois, je me rends à l’université trois jours sur cinq ».
Se loger et se nourrir relève parfois du miracle. « Je n’ai pas tous les jours la possibilité de me nourrir, témoigne Sthernie. Mais entre amis, nous nous soutenons, chacun apporte quelque chose pour apaiser notre faim».
Toutefois, certains étudiants bénéficient du soutien de leurs proches sur le plan financier ou se tournent vers d’autres activités génératrices de revenus. «C’est mon grand frère qui m’aide à couvrir les frais de transport de la semaine », témoigne Phito Volcy, étudiant en science juridique à l’EDSEG.
Mais entre amis, nous nous soutenons, chacun apporte quelque chose pour apaiser notre faim.
Rubens Sam Guillaume, habite à Kenscoff, il étudie en troisième année les sciences linguistiques à la Faculté de Linguistique appliquée. Afin de soutenir ses dépenses, il dit être obligé de dispenser des cours au niveau secondaire afin de pouvoir couvrir des frais de transport et autres.
Les étudiants qui habitent dans des endroits contrôlés par des groupes armés se trouvent dans l’impossibilité de rentrer chez eux tous les jours. Certains utilisent l’enceinte des facultés de médecine (FMP), des Sciences humaines (FASCH) et des Sciences juridiques (FDSE) pour se loger.
Afin de continuer ses études, et d’éviter les allers-retours de Carrefour au Centre-ville, Fritz nous confie se loger en rotation toutes les deux semaines chez des amis, des membres de ma famille, puis dans les salles de cours à la Faculté des Sciences humaines.
Le 28 mars 2022, le rectorat de l’Université d’État d’Haïti à travers une note déclare se «pencher sur la situation des étudiants qui passent leur nuit dans l’enceinte des facultés ». Jusque-là, aucune suite n’a été constatée. Des entités comme la Faculté des Sciences humaines et la Faculté des Sciences économiques, au sein de l’UEH, ont tenté d’expulser ces étudiants. La faculté de droit (FDSE) a délogé de ses locaux ceux qui s’y trouvaient, au cours du mois de mars.
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Pour clarifier ce manque d’alignement entre les discours des responsables de l’institution et la réalité, AyiboPost a contacté Wilson Dorlus, secrétaire général de l’UEH. Il n’a pas voulu réagir.
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