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La chapelle de Milot est sur le point d’être restaurée

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Le 13 avril 2020, par suite d’un incendie, ce monument historique a été retrouvé tel qu’il a été au début du XXe siècle, sans son dôme. Interview avec l’architecte Frederick Mangonès

La chapelle Immaculée Conception de Milot a été construite sur ordre de Henri Christophe dans les années 1810-1813.

Pendant l’occupation, les Marines américains, sous la présidence de Sténio Vincent, ont effectué les premiers travaux de restauration de ce bâtiment qui n’avait plus de dome parce que celui qui a été construit par Christophe avait disparu. Dans les années 1970, lors des travaux que l’architecte Albert Mangonès a orchestrés, l’église de Milot a été de nouveau restaurée.

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Pendant l’occupation, les Marines américains, sous la présidence de Sténio Vincent, ont effectué les premiers travaux de restauration de ce bâtiment qui n’avait plus de dome

Le 13 avril 2020, par suite d’un incendie, ce monument historique a été retrouvé tel qu’il a été en 1937, sans son dôme. Il est à présent sur le point de subir pour la troisième fois des travaux de restauration. Depuis environ un mois, l’Association touristique haïtienne (ATH) organise une levée de fonds en vue de contribuer à ces travaux.

Parallèlement, Ayibopost a rencontré l’architecte Frederick Mangonès, l’un des acteurs ayant contribué aux processus de restauration de la chapelle. Il rapporte qu’une ONG hollandaise s’engage à contribuer financièrement aux travaux de réparation du monument incendié.

Ayibopost : Frederick Mangonès, que pouvez-vous nous dire sur l’avenir de la chapelle de Milot? Existe-t-il un plan de restauration de ce bâtiment? 

Deux jours après l’incendie de la chapelle de Milot, il y a eu une réunion Zoom avec une quinzaine de participants de plusieurs pays. Il y avait dans cette réunion, plusieurs bailleurs [de fonds] qui financent des projets dans la Caraïbe dont l’ONG hollandaise The Prince Claus Fund.

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Sanne Letschert, la représentante de ce fonds nous a fait part d’un programme d’urgence pour les monuments importants qui ont subi des désastres. J’ai tout de suite proposé une demande pour l’église de Milot, et la dame a été très contente de la requête puisque cela faisait partie des préoccupations de l’institution qu’elle représentait. Elle a accepté de nous aider. 

Comment The prince Claus fund va aider à la restauration de la chapelle?

L’organisation dispose d’un plafond de 35 000 euros. Avec ce fonds, on peut entamer des démarches pour sauver le monument. J’en ai parlé à l’Institut de sauvegarde du patrimoine national (ISPAN) et tous les anciens de l’ISPAN notamment Patrick Delatour, Harold Gaspard. Patrick Delatour avait déjà de son côté des contacts avec le Smithsonian Institute  qui est déjà présent en Haïti. Cette institution a eu des contrats avec l’Université Quisqueya après le tremblement de terre du 12 janvier 2010. Elle a financé toute la restauration des tableaux du Centre d’art, de l’église épiscopale, etc.

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Nous avons organisé une autre réunion Zoom durant laquelle les institutions, Smithsonian Institute et The Prince Claus Fund, se sont mises d’accord pour mener ensemble les travaux de préservation du monument parce qu’aucune d’elles n’avait assez d’argent pour financer les travaux de préservation séparément.

En quoi consisteront ces travaux de préservation?

Le plus urgent des travaux est la mise hors d’eau du bâtiment pour le protéger de la pluie et des intempéries. L’eau est l’ennemi numéro 1 de la maçonnerie. Nous allons faire une toiture provisoire en métal qu’on pourra réutiliser, parce qu’il y aura probablement d’autres travaux où l’on aura besoin des toitures. Pendant ce temps, le bâtiment sera préservé et l’on pourra examiner les conséquences que l’incendie a eues sur lui, à savoir comment se porte la maçonnerie, comment elle a été affectée par le feu, s’il y a des fissures et quoi faire pour pouvoir les réparer. Après nous pourrons réparer la base du bâtiment avant de reconstruire le dôme.

Quelle institution va gérer le financement des travaux?

C’est le Collège national des ingénieurs et architectes haïtiens (CNIAH) et l’Université Quisqueya qui auront à gérer conjointement les fonds donnés par le Prince Claus Fund et Le Smithsonian Institute. Il y aura un compte commun pour payer directement les prestataires de service. La société civile peut contribuer à travers le système de l’Université Quisqueya et le Collège national des ingénieurs et architectes haïtiens (CNIAH).

L’ISPAN n’aura pas à gérer les problèmes de fonds. Les travaux se feront avec la permission de L’ISPAN qui sera là comme superviseur et maître d’œuvre. Il va superviser les travaux, s’assurer que tout se passe dans l’ordre.

Quand est-ce que la chapelle de Milot sera-t-elle effectivement restaurée?

On peut dire que le processus de restauration a déjà commencé. Le processus de reconstitution du dôme a théoriquement commencé. Nous réfléchissons déjà sur les systèmes à utiliser. Il faudra décider comment reconstruire le dôme de la Chapelle, c’est-à-dire s’il faut reproduire le dôme initial que Christophe avait créé ou celui que les Marines américains avaient construit en 1937. Plusieurs instances seront impliquées notamment l’ISPAN, le Patrimoine mondial, l’UNESCO, et les Institutions Financières. Cela va prendre du temps.

Nous ne pouvons certainement pas faire n’importe quoi, l’UNESCO ne va pas nous le permettre non plus, car cette chapelle a été classée patrimoine mondial par l’UNESCO. La charte de Venise établit un cadre de référence pour la restauration des bâtiments d’une telle importance.

Dernière réparation effectuée avant l’incendie

Combien de temps ces travaux vont-ils durer?

Cela peut prendre environ trois mois pour faire les relevés et la mise hors d’eau de la chapelle. Si le Covid-19 ne nous empêche pas de travailler et qu’il n’y a pas d’intempéries ou de troubles politiques, nous pourrons respecter ce délai. Restaurer les monuments historiques est éternel. À ce jour j’ai passé 48 ans dans ces travaux, je suis de la deuxième génération et il y a encore beaucoup de choses à faire.

Laura Louis

Laura Louis est journaliste à Ayibopost depuis 2018. Elle a été lauréate du Prix Jeune Journaliste en Haïti en 2019. Elle a remporté l'édition 2021 du Prix Philippe Chaffanjon. Actuellement, Laura Louis est étudiante finissante en Service social à La Faculté des Sciences Humaines de l'Université d'État d'Haïti.

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