POLITIQUESOCIÉTÉ

Photos | Huit jours de terreur en Haïti

0

La population civile fuit en masse, différents endroits sont assiégés par des gangs armés, des pénuries de produits de première nécessité se font sentir

Read this piece in English

Le contexte sécuritaire de l’aire métropolitaine ne cesse de se détériorer depuis le début de l’offensive violente des gangs contre les institutions étatiques le 29 février dernier.

Zone Stade Sylvio Cator Haiti

Samedi 2 mars 2024, vue de la zone du Stade Sylvio Cator avant l’invasion du pénitencier national. | © Jean Feguens Regala/AyiboPost

La population civile fuit en masse, différents endroits sont assiégés par des gangs armés, des pénuries de produits de première nécessité se font sentir.

Depuis lors, des lieux tels que : Portail Léogane, rue Magloire Ambroise, le Marché Salomon au bas de la ville, sont le théâtre des affrontements entre les forces de l’ordre et les criminels.

Haïtiens fuyant Port-au-Prince

Des personnes fuient le bas de la ville de Port-au-Prince en raison de l’attaque des gangs, le 2 mars 2024.

Le jeudi 29 février, le commissariat de la commune de la Croix-des-Bouquets a été attaqué par les gangs, coûtant la vie à 6 policiers qui ont demandé en vain des renforts pendant plusieurs heures.

Le même jour, plusieurs institutions ont été vandalisées et pillées.

C’est le cas de l’Office National de Vieillesse (ONA) à Shada, la Faculté d’Agronomie et de Médecine Vétérinaire (FAMV) ainsi que les locaux du ministère de l’agriculture (MARNDR) à la Croix-des-Missions. On a également constaté des actes de saccage dans une école pour enfants spéciaux à la ruelle Alerte.

Le sous-commissariat de cette zone a également été la proie des bandits qui l’ont incendié.

Feu zone FMP Haïti

À proximité de la Faculté de médecine et de pharmacie, un incendie a été remarqué au même moment où les policiers affrontaient les bandits dans la zone du stade Sylvio Cator.

Le transport aérien est à l’arrêt sur tout le territoire. Plusieurs compagnies telles que Jet Blue, Air Transat, American Airlines ont annoncé avoir suspendu leurs vols suite aux attaques orchestrées sur l’aéroport international Toussaint Louverture. Plusieurs avions ont été touchés par des projectiles.

Soldat protège Aéroport international Toussaint Louverture Haiti

Un soldat des Forces armées d’Haïti (FADH) surveille l’entrée de l’aéroport en prévision de la rumeur concernant la possible rentrée du Premier ministre Ariel Henry en Haïti, le 4 mars 2024.

Des actes de violence inouïe sont enregistrés le jour suivant, soit le 1er mars, avec l’incendie de l’Office d’Assurance Véhicule Contre Tiers (OAVCT) à Tabarre, le pillage suivi d’incendie du mini-supermarché «La Province Market» à l’angle des rues de l’Enterrement et Oswald Durand.

La panique a continué durant la journée du 2 mars. Dans la soirée, une extraordinaire évasion de la prison Pénitencier National, où des criminels notoires étaient détenus, a eu lieu.

évasion de prisonniers haiti

L’entrée principale du pénitencier grande ouverte le lendemain de l’évasion des prisonniers.

Évasion pénitencier national

Un prisonnier malade a été bousculé et fracturé lors de l’évasion du 2 mars 2024. Un autre est allongé à même le sol.

Malgré les alertes concernant une possible offensive contre le plus grand centre carcéral du pays, cela n’a pas empêché l’attaque de se produire.

Sur environ 3 687 prisonniers détenus dans cette prison civile, il ne resterait qu’une petite centaine après l’évasion, parmi eux, les ressortissants colombiens impliqués dans l’assassinat de l’ancien président Jovenel Moïse. Plusieurs individus importants inculpés dans l’affaire ont pris la fuite.

Colombiens en prison Haïti

Trois des Colombiens impliqués dans l’assassinat du président Jovenel Moïse marchent dans la cour du pénitencier national le 3 mars 2024.

Depuis cette escalade de la violence, une dizaine de commissariats ont été détruits, des points fixes habituels de la zone métropolitaine restent sans aucune présence policière.

Le 3 mars, l’hôpital Saint François de Sales n’a pas été épargné par les scènes de pillage à la rue de l’Enterrement.

D’autres grands hôpitaux font face à d’énormes difficultés d’approvisionnement en intrants médicaux et à une absence de personnel soignant.

Hôpital de l'Université d'État d'Haïti

Vue de l’Hôpital de l’Université d’État d’Haïti (HUEH), plus grand centre hospitalier du pays, aujourd’hui hors service, selon les déclarations de son directeur Jude Milcé à AyiboPost.

Un groupe de manifestants s’identifiant comme sympathisant du parti «Pitit Desalin» et du groupe «Fòs Kanapevè» s’est rendu devant l’ambassade du Canada sur la route de Delmas, lors de la journée du 7 Mars.

Certains d’entre eux ont jeté des pneus enflammés dans l’enceinte de l’ambassade.

Feu Ambassade du Canada Haïti

Un jeune homme lance un pneu enflammé dans l’enceinte de l’ambassade du Canada à Delmas, le 7 mars 2024..

Pneu enflammé Ambassade Canada Haïti

Un jeune homme vient de lancer ce pneu enflamé dans la cour de l’Ambassade du Canada à Delmas, le 7 mars 2024.

Ambassade du Canada Haïti violence

Un manifestant lance une bouteille en direction de l’Ambassade du Canada à Delmas, le 7 mars 2024.

À ce jour, aucun bilan officiel n’a été communiqué par le gouvernement, qui s’est contenté de décréter un couvre-feu pour un mois dans le département de l’Ouest.

Depuis le 29 février, des citoyens fuient la rue Cameau, le bas Delmas, Portail Léogâne, la rue Magloire Ambroise, etc. pour se réfugier ailleurs.

L’Organisation Internationale de la Migration (OIM) a déjà identifié quinze des sites d’accueil précédents de déplacés internes, qui sont complètement vidés de leurs occupants.

Habitante fuie Port-au-Prince

Une dame en pleurs aux environs de la rue Saint Honoré, laissant son domicile au Bas-de la ville.

Le vendredi 8 mars 2024, l’ébullition politique semble avoir épargné les rues de Port-au-Prince. Les marchés – comme à Christ-Roi – fonctionnaient. Les camionnettes s’en allaient, et revenaient. La vie reprenait son cours…

Dans les environs du Champ-de-Mars, un stationnement improvisé de bus était observable. Habituellement, cette station se trouve aux abords du stade Sylvio Cator.

Station au Champ-de-Mars

Une station improvisée vers le grand Sud a été installée sur le Champ-de-Mars, auparavant située dans la zone du stade Sylvio Cator.

Fuite du bas de la ville de Port-au-Prince

Un véhicule transportant un réfrigérateur dans les environs du Champ-de-Mars en Haïti.

En apparence, la ville reprenait vie. Mais ce n’est qu’une illusion. Trompeuse, certainement. Car, les longues files dans les stations-service et les points de distribution d’eau laissent présager de prochaines pénuries de carburant et d’eau potable.

Certains supermarchés signalent également une affluence inhabituelle : à Star 2000 sur la route de Delmas, une ligne impressionnante peut être observée dans l’après-midi du vendredi 8 mars.

Barricade à Delmas

Des hommes s’unissent pour ériger une barricade avec une carcasse de voiture à Delmas 64.

L’ébullition politique s’accompagne de pillages de nombreux magasins. D’attaques contre le port le plus important du pays, avec la promesse d’une famine probable – comme le rapporte l’ONG Mercy Corps, si rien n’est entrepris dans les jours à venir pour rétablir le fonctionnement de ces institutions.

Un homme imagine pointer une arme en direction du photojournaliste d’AyiboPost alors que des pneus enflammés montent au local de l’Électricité d’Haïti (EDH) sur la route de Delmas., le 1er mars 2024.

Des cadavres – souvent calcinés – gisent dans certaines rues. Comme ces deux pieds non brûlés, seuls témoins restants d’un ancien corps – à moitié consumé, toujours à la Ruelle Rivière. «Deux hommes sont arrivés et l’ont exécuté dans la soirée», témoigne un homme à AyiboPost, encore sous l’emprise de la terreur de la scène.

Les policiers ne s’aventurent pas dans les rues.

«Des rues laissées aux criminels», estime Samuel Madistin, lors d’une interview jeudi avec AyiboPost. L’avocat, président de la fondation Je Klere, appelle à un changement de leadership à la police nationale d’Haïti et au sein de l’armée dans un contexte où des négociations politiques doivent déterminer l’avenir.

Habitant fuyant les gangs Haiti

Un motard transporte un lit d’un habitant fuyant la violence des gangs à Port-au-Prince.

Un avenir qui – selon le département d’État des États-Unis – n’inclurait pas l’actuel Premier ministre, Ariel Henry, sous l’administration duquel les quelques institutions encore debout dans le pays se sont effondrées.

Et la descente continue.

Habitante fuyant terreur Haiti

Une dame fuyant la violence des gangs au bas de la ville de Port-au-Prince est remarquée à l’angle des rues Oswald Durand et Saint Honoré, en compagnie d’autres habitants.

Habitant fuyant bas Delmas

Une personne fuyant la violence des gangs au bas de Delmas.

Habitant fuyant violence gangs haiti

Une personne transportant une armoire et une bonbonne de gaz propane.

«Déplacés à P-au-P»

Vue d’une circulation mouvementée alors que des habitants fuient la violence des gangs à Port-au-Prince.

Habitant fuyant Delmas

Un groupe de personnes fuyant les attaques des gangs au bas de Delmas, le 4 mars 2024.

Commissariat de marché salom

Le sous-commissariat du marché Salomon après son incendie.

marché salomon Haiti

Un entrepôt du marché Salomon a été incendié par des gangs armés en marge de l’incendie du sous-commissariat.

Le sous-commissariat de Carrefour-aéroport après son incendie par les gangs armés.

Des carcasses d’un véhicule de la PNH affecté au sous-commissariat.

manifestation contre Ariel Henry

Manifestation des partisans de Pitit Dessalines et Fòs Kanapevè sur la route de Delmas.

pneus enflammés Haiti

Un manifestant pousse des pneus enflammés en direction du local de l’EDH sur la route de Delmas, le 1er mars 2024.

Incendie EDH

Un manifestant se tient devant le local de l’Électricité d’Haïti (EDH) à Delmas 40, où des pneus sont enflammés.

Des manifestants Haiti

Manifestant sur la route de Delmas le 1er mars 2024, contre le premier ministre Ariel Henry.

Militants Delmas

Des militants s’exprimant face aux journalistes devant l’entrée de l’Ambassade du Canada sur la route de Delmas.

Blindé PNH

Un blindé de la PNH circule dans la rue de l’Enterrement le lendemain de l’attaque du Pénitencier, près de la Cour Supérieure des Comptes et Contentieux Administratif (CSCCA).

Forces de l'ordre Haïti

Des membres de la PNH et des FADH montent la garde devant le salon diplomatique le 4 mars 2024.

Aeroport Haiti

Cet homme défile près de l’aéroport Toussaint Louverture très calmement, alors que la zone est sous haute tension le 4 mars 2024.

Par Jean Feguens Regala et Jérôme Wendy Norestyl

Widlore Mérancourt a contribué à ce reportage.

Image de couverture : Un manifestant tenant une pancarte exigeant le départ du Premier ministre de facto Ariel Henry devant l’ambassade du Canada,  le 7 mars 2024. | © Jean Feguens Regala/AyiboPost


Gardez contact avec AyiboPost via :

► Notre canal Telegram : cliquez ici

► Notre Channel WhatsApp : cliquez ici

► Notre Communauté WhatsApp : cliquez ici

Photojournaliste freelance à AyiboPost depuis mars 2023.

    Comments