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Entraîneur et compétiteur, De Ganot veut vulgariser le Bodybuilding en Haïti

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De ses 30 ans, Jean-Luc De Ganot laisse l’impression d’avoir vécu plusieurs vies. A la fois bodybuilder professionnel et entraineur certifié, Jean-Luc De Ganot est nutritionniste et compte bientôt achever une spécialisation en radiologie interventionnelle. En 2016, il lance InShape une institution qui encadre les bodybuilders professionnels et amateurs. Pour cet interview, Laud Marcia Jasmin a rencontré De Ganot, pour mieux comprendre le travail qu’il fait avec ses athlètes qui affichent des résultats intéressants sur le plan international.

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 Qu’est ce qui t’a porté à t’intéresser au fitness ?

J’ai toujours aimé le sport. Je m’intéresse à tous types de sports : le foot, le basket, les sports automobiles, le football américain et même le baseball en raison de mon séjour en République dominicaine. J’avais commencé avec le fitness à l’âge de 15 ans : nous avions un appareil de « Home gym » et quelques haltères. Dès l’année qui a suivi, je me suis inscrit à Henfrasa. La passion est devenue telle qu’à 17 ans, je laissais SLG pour me rendre à Henfrasa à l’heure de la récréation. Ou encore je m’y rendais l’après-midi après les cours. Cependant, j’ai dû arrêter à un moment donné. Je pensais que je n’avais plus le temps mais, j’ai fini par réaliser que c’était une excuse parce que lorsque j’ai repris en 2014, j’étais à l’internat et préparait ma thèse de médecine. Donc le temps, il faut le créer sinon on n’en aura jamais. Le désir d’aller plus loin dans le fitness et d’étudier la nutrition sportive découle de mon désir d’améliorer mes résultats au gym. J’ai aussi eu une mauvaise expérience qui m’avait désintéressé de la médecine ; je compensais ce manque par le gym et les compétitions qui étaient devenus mon refuge.

Comment tes connaissances en médecine influent-elles sur le travail que tu fais dans le domaine du fitness ?

La médecine est vraiment liée au travail que je fais. Avant d’établir un plan pour un client, je lui pose des questions sur ses blessures antécédentes ou maladies, ses allergies etc. Je lui demande également de subir certaines analyses médicales. En fonction des réponses et résultats, je prends certaines mesures. De plus, l’anatomie et la physiologie m’aident beaucoup : quand je vois le corps d’un client, je vois ses déficiences et je sais exactement quel muscle il faut travailler et dans quel angle pour améliorer cela. Dans le cas de quelqu’un qui a eu une blessure, je peux commencer par un plan de réhabilitation pour cette partie spécifique de son corps grâce à mes cours de psychiatrie et de réhabilitation. La connaissance des mécanismes de production et d’utilisation d’énergie du corps m’aide beaucoup au moment de choisir la diète et l’entrainement, surtout lors de la préparation des athlètes. La pharmacologie et la biochimie m’aide à savoir comment fonctionne la supplémentation dans le corps humain. S’il y a encore une chose qu’on m’a enseignée à l’université en médecine et que je continue de mettre en application, c’est l’utilisation de méthode d’entrainement, de suppléments ou de nutrition basée sur des évidences scientifiques.

Que veut dire cette discipline pour toi (le body building) ? Quelles capacités, quels traits de caractère faut-il développer pour exceller dans le monde du fitness ?

Pour moi le bodybuilding est un art et une science à la fois. Un art car, cette discipline met en valeur la beauté esthétique du corps bien musclé avec une bonne symétrie, elle montre aussi que l’athlète est comme un artisan qui doit chaque jour travailler dur pour améliorer ses imperfections. Une science qui regroupe plusieurs autres sciences dont la nutrition et la physiologie, pour ne citer que celles là. Si l’on veut exceller dans ce sport, il faut avoir beaucoup de discipline et persévérer. Une session de gym perdue ne pourra jamais être rattrapée même si on en fait deux le lendemain, ce ne sera jamais la même chose. Le bodybuilding demande beaucoup de sacrifices parce qu’il faut donner le maximum au gym, bien s’alimenter et bien se reposer. Il faut être régulier et patient si l’on veut progresser et s’entrainer intelligemment. Plus d’heures au gym n’est pas nécessairement synonyme de plus de résultats car, cela demande une supplémentation adéquate. Je dis toujours aux gens que lorsque leur entourage commence à leur dire qu’ils sont obsédés par le sport, cela veut dire qu’ils sont sur la bonne voie. Moi, j’appelle cela du dévouement et pour moi le dévouement d’un athlète ne doit pas avoir de limites.

 

D’où sort ton intérêt pour le bodybuilding?

J’observais mon oncle, Claude Prepetit, faire du sport chez lui tous les matins et j’étais assez impressionné même s’il n’était plus que l’ombre du champion en haltérophilie qu’il a été en 1975 en Haïti. Quand j’ai recommencé avec le fitness en janvier 2014 à Santiago, vu mes progrès, mon coach m’a proposé de participer à ma première compétition en Novembre 2014. J’ai obtenu la 5ème place. A partir de cette expérience, j’ai eu envie de pousser jusqu’au niveau professionnel. Après ma seconde compétition en 2015 ou j’ai encore eu la 5eme place, j’ai été une fois de plus déçu et ai décidé de prendre du recul pour me préparer physiquement mais aussi intellectuellement avant de revenir. Je déteste perdre même en jouant. Cependant j’accepte mes défaites, je reconnais et analyse mes faiblesses. Entretemps, vu que mon coach était étudiant en kinésithérapie, on échangeait beaucoup d’informations sur les entrainements et moi je lui enseignais beaucoup sur la nutrition. Ce qui m’a poussé à postuler pour l’obtention d’une bourse pour des études en nutrition sportive. Après le départ de mon entraineur, je suis devenu un entraineur certifié. En 2016, je préparais mon retour mais en raison de problèmes familiaux et personnels j’ai cessé de m’entrainer pendant près de 7 mois. Un jour, un de mes athlètes est venu me trouver pour mettre les dernières touches avant sa compétition pour devenir professionnel, il m’a inspiré et je me suis dit qu’en 2018 j’allais recommencer à m’entrainer. J’allais revenir seul en tant que mon préparateur physique et nutritionniste. A la mort de mon père en avril 2017, j’ai décidé de rentrer en Haïti. Je me suis donné pour objectif de devenir le premier athlète haïtien vivant en Haïti à devenir Professionnel. Objectif que j’ai atteint en mars 2018.

 

Tu as remporté un titre lors de la Diamond Cup Caraibes 2018, que représente ce titre pour toi? Quelles en sont les retombées? 

La Diamond Cup a été ma 3ème compétition. J’ai fait mon retour après 3 ans de pause. Ce titre représente beaucoup pour moi car, j’ai tenu la promesse que j’avais faite  à mon petit frère pour qui je veux être un modèle et à  moi. Mais aussi parce que j’ai rendu fier mon pays en étant le premier athlète fitness haïtien résidant en Haïti, à devenir professionnel. De plus, je me suis préparé en Haïti à Ultimate fitness. Je veux inspirer mes athlètes et tous les autres athlètes vivant en Haïti et leur montrer que c’est possible. Une fois, lors d’une conversation avec un athlète provenant d’un autre groupe, j’ai fait mention de mon désir de devenir professionnel : sa réponse a été qu’ils ne donneront jamais la carte professionnelle à un haïtien. Je voulais briser cette barrière psychologique. Ce titre m’a ouvert les portes du monde professionnel : en effet, ma première compétition en tant que Pro s’était tenue le même jour que le Diamond Cup dans la soirée, la Hispaniola elite pro night. Je n’ai pas fait partie du top 5. Cependant, je ferai tout pour gagner une compétition pro et rendre mon pays encore plus fier. Et mon plus grand rêve est de gagner un Arnold classic et recevoir le prix d’Arnold Schwarzenegger lui-même. Le titre que j’ai gagné m’a tout simplement permis d’obtenir la carte professionnelle jusqu’ici. Cela ne m’a pas rapporté un sou, je n’ai aucun contrat de sponsoring pour le moment bien que je sois en pourparlers avec certains sponsors. Je trouve cela bizarre en Haïti comparativement à la RD où les athlètes amateurs et professionnels ont des contrats de sponsoring. Ici, même le fait d’être le premier et le seul professionnel du domaine n’attire pas les sponsors.

 

Quel est le bilan des athlètes de InShape sur l’année 2018 ? 

Inshape a participé, en Août, au Giovanni Arendzs Classic à l’issue duquel Mendes Reynold jr a été champion de sa catégorie et aussi champion des champions en Men’s physique. Il a aussi décroché sa carte professionnelle pour cette victoire et a participé dans la soirée à la compétition professionnelle où il a remporté la deuxième place et obtenu sa qualification pour le world fitness championship. Lors de cette même compétition Zico Clément a obtenu la 3ème place chez les amateurs en classic bodybuilding. Le mois d’octobre dernier, nous n’avons pas chômé : Spely Laventure a participé au Nordic Cup, en Finlande, cependant, il n’a pas pu être qualifié pour la finale. Quant à moi, j’ai eu a participé au nordic elite pro à l’issue duquel j’étais 7ème d’une liste de 15 compétiteurs dont 6 déjà qualifiés pour le World Fitness Championship. Il s’agissait d’une compétition d’un niveau très élevé.

Lors du Santo Domingo Open, Emie Jean Baptiste a remporté la victoire pour sa catégorie de bikini fitness jusqu’à 165cm. Du même coup, elle a aussi été sacrée championne des championnes et est passé au stade professionnel. Ensuite, Spely Laventure a gagné dans sa catégorie de bodybuilding jusqu’à 90kg et a obtenu le titre de champion des champions ; donc lui aussi a gagné sa carte professionnelle. Finalement, Jean Viersin Jahnsen a participé au Santo Domingo Open et a terminé 3ème de sa catégorie de men’s physique jusqu’à 180cm.

 

Comment mesures-tu la Portée du fitness en Haïti?

Je peux dire que le fitness commence à peine à se développer en Haïti. Il y a encore beaucoup à faire en termes d’éducation. On ne fait pas la promotion du fitness pour la prévention de maladies et de blessures. Il n’y a aucune formation disponible pour les gens qui auraient aimé devenir entraineurs ou avoir une bonne notion sur la nutrition. Il y a vraiment beaucoup à faire dans le domaine. En RD, cette industrie rapporte beaucoup d’argent surtout dans la vente de suppléments et la formation de professionnels du domaine tels que : (médecin, nutritionniste, thérapeute, masseur, entraineur etc.)

Entrevue de Laud Marcia Jasmin

Image: Freddy Cruz

La rédaction de Ayibopost

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