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Effectuer son groupe sanguin dans les rues à P-au-P peut entraîner de graves conséquences

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En cas de transfusion sanguine, un faux groupe sanguin est dangereux

En 2009, Hervia Dorsinville est allée à la Direction générale des impôts de la commune de Carrefour, pour effectuer une demande de matricule fiscale. La jeune femme ne savait pas que pour obtenir ce papier, elle devait connaitre son groupe sanguin. Mais, les « raketè », ces hommes et femmes qui rôdent autour des bureaux publics, étaient là pour le lui rappeler.

La jeune femme est donc allée vers une « infirmière », installée près de la DGI, pour effectuer le test. « On m’a piqué au doigt, dit-elle. La femme a mis le sang dans un sachet en plastique. Cinq minutes après, elle me disait que j’étais du groupe sanguin O+. » La surprise d’Hervia Dorsinville fut grande quand elle a obtenu un groupe sanguin différent, lors d’une analyse de sang dans un vrai laboratoire.

La même mésaventure est arrivée à Fritz Moïse, alors qu’il comptait payer les droits pour son permis de conduire, à la DGI de Kafou Tifou. Quelques minutes après s’être fait piquer, il était officiellement O+ lui aussi. Deux laboratoires contrediront ces résultats, après qu’il ait fait un don de sang. En réalité, son groupe sanguin était B+. Plusieurs personnes assurent avoir été victimes de la même situation.

Selon le docteur Chantal Sauveur Junior Datus, chirurgien, professeur de biologie, et directeur médical de l’hôpital de Chancerelles, les tests de détection du groupe sanguin effectué en dehors d’un laboratoire de référence peuvent entraîner de graves conséquences. « Si le permis de conduire d’une personne dit qu’elle est O+, à tort, elle peut mourir lors d’une intervention chirurgicale qui se base sur cette fausse information », avertit-il.

Des macaques et des hommes

Si aux abords de la DGI, tous les groupes sanguins se ressemblent, dans la réalité il existe une diversité de groupes. « Le groupe O est le plus courant, d’une manière générale, explique Chantal Sauveur Junior Datus. Près de 38 % des personnes appartiennent à ce groupe. Et parmi elles, près de 50 % sont du groupe O positif. »

C’est vers 1930 que Karl Landsteiner a découvert le groupe sanguin. Il a reçu le prix Nobel de physiologie pour sa découverte. Il s’agit d’une série de classification des personnes, selon certaines protéines retrouvées dans leur sang. Il existe des protéines de types A et B.

« Si une personne a des protéines du groupe A, on dit qu’il est de groupe sanguin A. Pour B aussi. Mais il y a des personnes dans le sang desquelles on retrouve et la protéine A, et la protéine B. Ces gens sont du groupe AB », explique le directeur de la maternité de Chancerelles.

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Chez d’autres êtres humains, on ne retrouve ni la protéine A, ni la protéine B dans leur sang. On dit qu’ils sont du groupe « zéro », appelé O. Ainsi, il existe quatre grands groupes sanguins dans le système dit ABO. Ce sont les groupes A, B, AB, et O.

Mais, en plus du système ABO, une autre classification des protéines sanguines a été mise sur pied. C’est la classification appelée Rhésus. « On a découvert que la grande majorité des êtres humains avaient dans leur sang une protéine en commun avec le macacus rhésus, une espèce de singe, poursuit Datus. Près de 85 % des humains l’ont en eux. On dit alors qu’ils ont un rhésus positif. Ceux qui ne l’ont pas sont dits de rhésus négatif. »

Lorsque ces deux grands systèmes de groupe sanguin sont mis côte à côte, ils sont utilisés pour classifier les êtres humains, et connaître la compatibilité sanguine entre individus. Une personne qui est du groupe A, et chez laquelle on détecte le rhésus, est dite de groupe sanguin A+. Si elle est du groupe B, et qu’elle a un rhésus négatif, son groupe sanguin est B -.

Le groupe sanguin est aussi une question d’hérédité. « Un groupe sanguin peut confirmer une paternité, mais ne l’infirme pas nécessairement, explique Datus. Si deux parents sont de groupe O+ par exemple, il n’y a aucune possibilité que l’enfant ait un groupe sanguin différent. Pourtant, si les groupes sanguins du père et de la mère sont différents, l’enfant peut avoir un groupe différent des deux. »

Pour une goutte d’O

L’un des intérêts de la classification des groupes sanguins est qu’elle permet de déterminer qui peut donner du sang à une personne qui en a besoin, ou qui peut recevoir d’elle.

Pour donner ou recevoir, les groupes sanguins doivent être exactement pareils. « Un donneur de groupe sanguin A n’est pas compatible avec un receveur de groupe sanguin B, explique Datus. Et même dans le cas où les deux individus sont de même groupe sanguin, si l’un est de rhésus positif et l’autre, négatif, il y a incompatibilité. Le sang de l’un peut contaminer l’autre, et entraîner sa mort. »

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Pourtant, la similitude des groupes sanguins ne signifie pas non plus que l’un peut recevoir du sang de l’autre. Il faut faire des analyses plus avancées appelées cross-matching. Non seulement pour détecter certaines maladies, mais aussi parce que deux catégories sanguins incompatibles peuvent coaguler. Dans ce cas, le sang ne pourra pas passer dans les petits vaisseaux du corps humain.

Comme l’oxygène est transporté par le sang, certains membres en seront privés. Le sang deviendra noir. La mort est imminente.

Un pour tous

Mais il y a des donneurs et des receveurs universels. Les premiers peuvent donner leur sang à tous les autres groupes, et les seconds peuvent recevoir de tous. « Le groupe O – est donneur universel, et le groupe AB+ est receveur universel », explique Sauveur Datus.

En effet, comme le groupe sanguin O n’a pas la protéine du groupe A, il ne pourra pas contaminer le groupe sanguin B, et vice versa. De plus, parce que son rhésus est négatif, cela signifie qu’il ne contaminera pas les autres rhésus. Quant au groupe AB+, puisqu’elle contient toutes les protéines, en plus du rhésus, elle peut recevoir de tout le monde.

« Mais, rappelle Datus, les groupes sanguins négatifs sont très rares. Ces personnes peuvent ne pas pouvoir subir une opération parce qu’on n’arrive pas à trouver du sang compatible. Même quand des donneurs vont à la croix rouge pour leur donner du sang, c’est seulement après quelques mois de tests et de traitement que ce sang sera utilisable. [En cas de besoin], il faut déjà du sang disponible. »

Compatibilité de couple

Les groupes sanguins de personnes en couple sont importants à connaître également, au risque de sérieuses conséquences. C’est pour cela que l’Institut du bien-être social demande un certificat prénuptial aux futurs époux. L’un des tests de ce certificat cherche à déterminer le rhésus des deux personnes.

Marianne (nom d’emprunt) est mère de deux enfants en bonne santé. Pourtant, n’était-ce sa vigilance, elle aurait pu ne jamais avoir de second enfant, comme l’une de ses amies. « Elle ne savait pas que son groupe sanguin, de rhésus négatif, pouvait lui poser problème, dit Marianne. À deux reprises après son premier enfant, elle n’a pas pu compléter une autre grossesse. »

Marianne a aussi un rhésus négatif, alors que son mari est positif. Dans ces cas, il faut une intervention médicale pour empêcher des fausses couches. « Le premier enfant de ces couples n’aura pas de problème, explique Sauveur Datus. Mais tous les autres ne pourront pas naître à cause de cette incompatibilité entre père et mère. »

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En effet, quand une femme a un rhésus négatif, et que son enfant a un rhésus positif, l’organisme de la mère produit des anticorps-Rh qui peuvent rejeter le rhésus de l’enfant. Les futures grossesses peuvent être perturbées.

Pour ne pas subir le sort de son amie, Marianne a consulté son médecin qui lui a prescrit une injection appelée anti-D. Grâce à cette intervention, elle a pu enfanter à nouveau.

D’après Chantal Sauveur Junior Datus, aucun groupe sanguin n’empêche une femme de tomber enceinte et d’avoir des enfants.

Mais pour être sûr de son vrai groupe sanguin, mieux vaut confier ce travail à un laboratoire professionnel. C’est une question de vie et de mort.

Jameson Francisque

 

Journaliste. Éditeur à AyiboPost. Juste un humain qui questionne ses origines, sa place, sa route et sa destination. Surtout sa destination.

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