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La plupart des mariés haïtiens ne prennent pas le certificat prénuptial au sérieux. C’est une erreur.

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Avant le mariage, la loi fait obligation aux conjoints d’évaluer leur état de santé. Les résultats inscrits dans ce document d’importance extrême sont parfois ignorés alors que les conséquences se manifestent parfois chez la plupart des bébés issus de ces relations

Sandra et Emmanuel Noël forment un jeune couple fraîchement rentré dans la vie conjugale. Leur mariage a été célébré en décembre dernier. « Le pasteur nous a dicté les pièces nécessaires à avoir avant de contracter le mariage », fait savoir Emmanuel Noël. « Le certificat prénuptial en faisait partie ».

Le jeune homme de 34 ans se souvient d’avoir réalisé un examen médical dont les résultats figurent dans un document qu’on lui a livré au prix de mille gourdes à l’Institut du bien-être social et de recherche (IBESR). « Ce sont les résultats des examens de santé qui y sont inscrits », raconte Emmanuel Noël. Il avoue, plus loin, n’avoir pas trouvé d’explications sur la raison d’être de ces examens ni au laboratoire de l’IBERS ni auprès du pasteur à qui il a remis une copie du papier.

Dans les faits, le certificat prénuptial est un document établi par un médecin avant le mariage de deux époux. Il vise principalement à dresser un bilan médical des deux futurs mariés, prévenir les problèmes obstétricaux et mieux informer les futurs époux sur la grossesse, les maladies sexuellement transmissibles, etc.

« Normalement, il devrait y avoir un médecin pour mettre en clair les enjeux que posent ces examens [notamment] pour la progéniture des futurs couples », estime Chantal Datus Junior, gynécologue et responsable de la maternité au centre obstétrique gynécologique Isaïe Jeanty-Léon Audain, maternité de Chancerelles.

En Haïti par exemple, des raisons mystiques sont parfois retenues lorsqu’une femme éprouve des interruptions spontanées de la gestation à chaque grossesse. Fort souvent, ces problèmes résultent de l’incompatibilité des partenaires. Ceci doit s’inscrire normalement dans le certificat prénuptial. D’où son importance.

L’État surveille la communauté ethnique

L’IBERS a pour but d’améliorer les conditions de vies de la population sur le plan social en accordant de manière soutenue, une attention particulière à l’enfance, à la femme et à la famille. Cette institution étatique se trouve à Turgeau, Port-au-Prince.

Pour élaborer le certificat, le sang des futurs mariés est prélevé et analysé au laboratoire médical de l’IBERS. Sans ce document, aucun officier d’état civil ou ministre des Cultes ne peut célébrer un mariage.

Dans la loi du 12 septembre 1961, il est écrit : « Il est du devoir de l’État de sauvegarder sa communauté ethnique en civilisant l’acte sublime de procréation par l’instauration d’une politique d’eugénique rendant obligatoire le certificat prénuptial sur toute l’étendue du territoire ».

De ce fait, « le certificat prénuptial est un document antérieur au mariage permettant au futur conjoint de contracter le mariage avec un consentement éclairé eu égard à leur état de santé », selon le gynécologue Chantal Datus Junior. Ce document livré par l’IBERS après un examen médical (examen prénuptial) est assuré par l’État via son système de sécurité sociale.

Les examens prénuptiaux

Selon Cherline Jasmin, infirmière affectée au laboratoire qui offre ce service à l’IBERS, le bilan prénuptial comporte deux types d’examens en Haïti. L’un se fait dans le but de dépister des maladies sexuellement transmissibles et l’autre détermine le groupe sanguin des conjoints afin de déceler les incompatibilités potentielles qui peuvent occasionner des maladies congénitales handicapantes dans la descendance.

Dans la fiche livrée comme certificat prénuptial, six examens médicaux y sont mentionnés. Malheureusement, le laboratoire au sein de l’IBESR ne réalise que deux. Ils sont, entre autres, le VDRL test (Venereal disease research laboratory), utile dans le diagnostic de la syphilis ; le groupe sanguin et facteur rhésus. « Nous n’avons pas les équipements nécessaires pour réaliser les autres tests », mentionne l’infirmière.

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Le docteur Chantal Datus Junior, également juriste, a rédigé sa thèse sur la question du certificat prénuptial en Haïti. Il rapporte que la loi du 12 septembre 1961 créant le certificat prénuptial prévoit la réalisation de trois tests médicaux : le VDRL test, le groupe sanguin-facteur rhésus et le sickling test.

Ce dernier permet de détecter la déformation des globules rouges pour les éventuels cas d’anémie falciforme. « En réalisant à l’heure actuelle que deux tests médicaux, le laboratoire médical de l’IBERS ne respecte pas les prescrits de la loi portant sa création », dit-il.

Il y a aussi des risques 

Ces tests préparent le futur couple à gérer certaines situations ou carrément à arrêter la relation s’ils le décident. Cependant, quoiqu’il soit indispensable de vérifier et d’anticiper tout ce qui pourrait troubler la quiétude du couple, les résultats du bilan prénuptial ne visent pas pour autant la séparation de deux personnes qui s’aiment.

« Certains patients sont catégoriques et refusent tout bonnement de lâcher leurs partenaires dont les résultats attestent qu’ils sont atteints des infections sexuellement transmissibles (syphilis) », fait savoir l’infirmière Cherline Jasmin.

Selon les explications du gynécologue Chantal Datus Junior, la connaissance du groupe sanguin et surtout du rhésus de chaque partenaire lors du test vise à préparer psychologiquement le futur couple à mieux faire face aux exigences d’un accouchement.

« Lorsque les deux partenaires sont de même rhésus ou lorsque la future conjointe seule est de rhésus positif, il n’y a pas de problème. Mais lorsque l’homme est de rhésus positif et la femme de rhésus négatif, il faut avertir les parents des éventuelles conséquences qui peuvent en découler », explique le médecin.

De lourdes conséquences

Dans le cas où la femme est de rhésus négatif, elle doit recevoir les soins appropriés. Selon le médecin, durant les 72 heures qui suivent son premier accouchement, la mère doit recevoir une injection anti-D au risque de compromettre son avenir obstétrical c’est-à-dire, le risque de ne plus jamais faire d’enfants.

Dans d’autres cas, comme la syphilis qui est une infection sexuellement transmissible, le médecin explique que le patient devrait être traité. La syphilis, mal ou non traitée, peut conduire à des malformations chez l’enfant. Sinon, à 18 semaines de grossesse, le germe de la syphilis (Treponema Pallidum) atteint le bébé en formation.

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Il ajoute que cette maladie peut, chez la femme, engendrer des fausses couches spontanées ou des pathologies chez le bébé à naître. « La femme risque d’avoir, au bout de sept mois, des bébés mort-nés lors de ces futures grossesses », signale le médecin.

Par ailleurs, les futurs époux porteurs de la syphilis ne reçoivent pas reçu le certificat prénuptial à l’IBERS. « Ces patients sont tenus de suivre les traitements médicaux. Dans la majorité des cas, ils abandonnent le traitement », dit l’infirmière.

Des tests non pris en considération

Parmi les tests médicaux non réalisés figurent le sickling test et le virus de l’immunodéficience humaine (VIH). Chantal Datus Junior pense qu’il devrait être obligatoire de réaliser le sickling test, détecteur de l’hémoglobine S responsable de l’anémie falciforme chez les patients. Cela dit, si les deux partenaires sont drépanocytaires, il existe une possibilité non négligeable pour que l’enfant issu de cette relation soit drépanocytaire (SS).

Selon le médecin, un enfant drépanocytaire (anémie falciforme) présentera des crises douloureuses et de fréquents cas d’hospitalisations. « Ces enfants sont, pour la plupart, nés avec des malformations congénitales et rares sont ceux qui dépassent la vingtaine », révèle-t-il.

Plus loin, le gynécologue avoue que si les futurs époux sont séropositifs, la faiblesse de leur système immunitaire peut ouvrir la voie à d’autres pathologies chez l’enfant.

Avoir un enfant ne résulte pas seulement du croisement du spermatozoïde et de l’ovule, d’autres facteurs médicaux sont à considérer.

* Cherline Jasmin est un nom d’emprunt.

Journaliste à AyiboPost. Communicateur social. Je suis un passionnné de l'histoire, plus particulièrement celle d'Haïti. Ma plume reste à votre disposition puisque je pratique le journalisme pour le rendre utile à la communauté.

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