POLITIQUE

Des zombies sur la prochaine liste électorale, redoute le CEP

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«Si nous ne détenons aucune preuve pour une personne morte, son nom sera inscrit sur la liste électorale», avertit à AyiboPost Max Délices, directeur du CEP

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Les noms de milliers de citoyens décédés – mais non décomptabilisés officiellement – risquent d’apparaître sur la prochaine liste électorale, révèle à AyiboPost le directeur général du Conseil électoral provisoire, Max Délices.

élections en Haïti

Le directeur du CEP, Max Délices, dans son bureau au local de l’institution à Pétion-Ville, le 12 juin 2024. | © Fenel Pélisiser/AyiboPost

Cela est dû aux nombreux assassinats de ces dernières années, avec des cadavres parfois calcinés, qui n’ont pas été régulièrement enregistrés auprès des officiers d’état civil et des archives nationales.

Des individus déjà morts peuvent donc figurer sur la liste électorale, ouvrant ainsi la porte à des votes de «zombies» et possiblement à des élections contestées.

L’Office national d’identification (ONI) fournit les registres utilisés pour créer la liste.

Mais l’institution placée sous la tutelle du ministère de la Justice et de la sécurité publique (MJSP) ne dispose d’aucune donnée sur les personnes décédées en Haïti, selon un responsable.

Ce responsable pointe du doigt des dysfonctionnements au sein de l’État pour expliquer la non-disponibilité d’informations sur les personnes décédées.

«Aucune des personnes décédées ne sera mise en quarantaine», affirme à AyiboPost Reynaldo Camilus, un directeur technique de l’ONI, pour qui le MJSP devrait prendre des mesures pour corriger ce problème.

Des individus déjà morts peuvent donc figurer sur la liste électorale, ouvrant ainsi la porte à des votes de «zombies» et possiblement à des élections contestées.

La question de l’épuration de la liste électorale revient à chaque élection en Haïti.

Un rapport de la Commission indépendante d’évaluation et de vérification électorale (CIEVE) avait relevé en mai 2016 des failles au niveau du système de l’ONI.

«Aucune articulation effective n’existe entre les municipalités, l’état civil, l’administration des cimetières et l’ONI ; de sorte que les personnes décédées figurent encore, des années après leur mort, sur les listes électorales partielles de leur dernière commune de résidence », avait alors décrit la commission.

Cette structure avait ainsi demandé l’annulation des élections présidentielles de 2015.

Pour éviter la répétition du passé, l’actuel directeur du CEP demande un audit de la liste électorale comptant aujourd’hui environ cinq millions de citoyens.

«Si nous ne détenons aucune preuve pour une personne morte, son nom sera inscrit sur la liste électorale», avertit Délices à AyiboPost.

Lire aussi : Le directeur du CEP estime «souhaitable» l’audit des cartes électorales

L’insécurité rend difficile la création d’une liste électorale qui reflète la réalité.

Près de 580 000 personnes sont déplacées à l’intérieur du pays, selon l’Organisation internationale de la Migration, et ce chiffre continue d’augmenter.

Qui va voter où ? Le CEP doit d’abord localiser les personnes déplacées avant d’établir la liste électorale, selon le directeur Max Délices.

Pour éviter la répétition du passé, l’actuel directeur du CEP demande un audit de la liste électorale comptant aujourd’hui environ cinq millions de citoyens.

Les institutions haïtiennes ne peuvent fournir aucune donnée sur l’ampleur des assassinats et disparitions des dernières années, selon des interviews réalisées par AyiboPost auprès de bureaux d’état civil et des archives nationales.

Pour l’année 2023, les Archives n’ont reçu aucun registre de décès pour les quatre états civils de la commune de Port-au-Prince, révèle à AyiboPost un responsable de l’institution.

Pour 2022, seuls l’état civil de la section Sud et de la section Est ont envoyé des registres aux Archives, enregistrant ensemble 1866 déclarations de décès pour cette année.

En 2019 et 2020, respectivement 5049 et 7217 décès ont été enregistrés aux Archives pour les quatre états civils de la commune de Port-au-Prince.

En 2021, ce chiffre a baissé avec 5779 décès déclarés.

Des communes en proie à l’insécurité comptabilisent officiellement très peu de décès.

En 2019, Tabarre n’avait que 44 décès, 75 en 2021 et 205 pour 2022.

À ce jour, la commune tarde à communiquer aux archives nationales son registre de décès pour 2020 et 2023.

Malgré une présence accrue de bandits dans la zone, le bureau de l’état civil de Delmas a comptabilisé en 2019 seulement 282 décès contre 229 en 2020, 251 en 2021 et 178 en 2022.

Pour 2023, Delmas a comptabilisé seulement 240 décès.

Pour 2020, le bureau de l’état civil de Pétion-Ville a totalisé 680 déclarations de décès contre 750 pour 2021.

En 2022, 756 déclarations ont été enregistrées contre 1030 en 2023.

Carrefour affiche des chiffres plus élevés avec 1495 déclarations de décès en 2019 contre 1114 en 2020.

Pour 2021, cette commune a comptabilisé 654 décès. Les archives nationales d’Haïti n’ont pas encore reçu de déclarations de décès pour les années 2022 et 2023.

Il existe également un problème culturel : beaucoup de citoyens refusent de faire enregistrer leurs morts en dehors des cas où ils ont besoin de l’acte de décès pour des démarches légales, selon l’officier d’état civil de Pétion-Ville, Venel Jules.

Lire aussi : Des «kafou lanmò» se multiplient à Port-au-Prince

La loi exige l’intervention d’un officier d’état civil notamment pour les décès violents.

Mais dans la pratique, des centaines de personnes sont assassinées dans des zones contrôlées par les gangs depuis plusieurs années.

Ceci rend tout effort de comptabilisation des morts de la violence des gangs difficile dans un contexte où le dernier recensement général remonte à deux décennies.

Par Fenel Pélissier

Lucnise Duquereste a participé à ce reportage.

Représentation graphique des données : Riquemi Perez/AyiboPost

Couverture : Image originale de Hector Retamal/AFP, éditée par AyiboPost pour illustrer la possibilité d’électeurs « zombies » aux prochaines élections en Haïti.


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Fenel Pélissier est avocat au Barreau de Petit-Goâve, professeur de langues vivantes et passionné de littérature.

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