En se voyant octroyé un « early admission » (admission précoce) à Princeton University à la mi-décembre de cette année, Orlson Ainé Joseph – élève en classe de Terminale à l’Institution Saint-Louis de Gonzague – vient ajouter son nom dans la liste de plus d’une vingtaine d’écoliers haïtiens à pouvoir intégrer des grandes universités américaines grâce au programme de mentorat d’Education Haïti. Tenant compte du niveau requis, très peu de postulants arrivent à bénéficier d’une admission de ce type. Coup de projecteur donc sur le travail colossal que réalise cette organisation bénévole.
Les déboires de l’enseignement supérieur en Haïti, l’on en connaît tous. De notre seule université publique, en l’occurrence l’Université d’État d’Haïti (UEH), il ne reste pratiquement que le nom et la fierté des gloires passées. Les universités en Haïti ne font plus rêver. C’est un fait. Ainsi, entre désillusion et appréhension, bon nombre d’écoliers haïtiens tournent leur regard vers l’extérieur à l’approche de leur fin d’études classiques. Notamment vers les États-Unis d’Amérique où la réputation de certaines de leurs universités est reconnue mondialement. Mais vu la concurrence et l’information qui fait défaut très souvent, le pari n’est pas gagné d’avance.
C’est alors qu’intervient Education Haiti qui est une organisation bénévole s’inscrivant dans une dynamique d’aider des écoliers haïtiens à intégrer des universités américaines de renom. « L’objectif d’Education Haiti est de permettre à des jeunes leaders haïtiens de réaliser leur plein potentiel », fait remarquer Jules Walter, co-fondateur de l’organisation avec Benjamin Dalusma et Jonathan Laguerre, tous des anciens de l’Institution Saint-Louis de Gonzague. « Ce programme de mentorat est notre première initiative dans cette démarche ».
Aujourd’hui, l’on y compte une cinquantaine de mentorés, recrutés dès la 3e secondaire (Nouveau Secondaire I) afin de leur permettre de mieux s’orienter, d’avoir assez de temps pour améliorer leur niveau en anglais et de se préparer pour des tests standardisés requis par ces grandes universités, tels le SAT et le TOEFL. Depuis la mise en place du programme, plus d’une vingtaine d’écoliers provenant de divers établissements du pays ont pu intégrer des universités américaines, et pas les moindres. Il s’agit de Massachusetts Institute of Technology (MIT), Cornell University, Princeton University, University of Notre Dame, University of Pennsylvania pour ne citer que celles-là. Comment une idée si ingénieuse est-elle parvenue à se concrétiser ?
La naissance d’Education Haiti
Tout a commencé il y a une dizaine d’années quand Jules Walter, alors étudiant à Rutgers University au New Jersey, a découvert qu’il pouvait se faire transféré au MIT. Sautant sur l’occasion, il est finalement admis à ladite université en 2005. Fort de cette expérience, il a entrepris un voyage en Haïti en 2007 pour sensibiliser les écoliers haïtiens sur la possibilité d’intégrer de grandes universités américaines indépendamment de leur niveau socio-économique. Il suffit de bien se préparer, de se renseigner sur les programmes de bourses disponibles et d’y appliquer.
En 2013, deux de ces écoliers devenus étudiants aux États-Unis, à savoir Benjamin Dalusma de Cornell University et Jonathan Laguerre de Stony Brook University, ont organisé une rencontre avec lui à New York. L’idée était de mettre en place une structure pouvant aider un plus grand nombre d’élèves haïtiens à accéder aux meilleures universités dans le monde. Ainsi Education Haiti est-elle née. « Lorsque j’ai réalisé à quel point le processus d’application était difficile, je me suis dit qu’il n’est pas juste d’avoir des élèves talentueux, pleins de potentiel, qui ratent l’opportunité de bénéficier d’une formation de qualité, simplement parce qu’ils ont des connaissances limitées en anglais ou par manque d’information », déclare Jonathan Laguerre qui a été le mentor principal de Orlson Ainé Joseph.
Comment s’inscrire dans le programme de mentorat ?
Trente-cinq mentors (35), pour la plupart des Haïtiens qui étudient ou qui sont diplômés d’universités américaines, accompagnent gratuitement les écoliers depuis lors. Pour l’année académique 2017-2018, quatre de leurs « protégés » ont obtenu des bourses complètes ou quasi-complètes à University of Notre Dame, University of Pennsylvania, University of Rochester et Berea College. Les principaux bénéficiaires du programme sont des élèves issus de familles modestes qui refusent de se laisser guidés par un quelconque déterminisme et qui décident de prendre en main leur avenir. Leurs implications dans des activités para-académiques et le leadership dont ils font preuve sont autant d’atouts qui ont favorisé leur admission.
Pour pouvoir s’inscrire dans le programme de mentorat, l’écolier doit se rendre sur le site web d’Education Haiti et remplir un formulaire d’application. Le profil recherché est :
– Des jeunes ayant 7.5 de moyenne de façon continue
– Des jeunes qui sont engagés dans leurs communautés et dans des activités parascolaires
– Des jeunes qui font montre de leadership
– Des jeunes qui démontrent une maîtrise ou un intérêt pour l’apprentissage de l’anglais
– Des jeunes autodidactes ou auto-motivés.
Avec peu de ressources, mais surtout avec beaucoup de volonté et de sacrifices, les mentors de l’Education Haïti parviennent à éclaircir l’horizon de bon nombre de parents et d’écoliers haïtiens. Des engagements citoyens en ce sens sont à encourager.
Romaric Fils-Aimé
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